Au Pullman Grand Hôtel Kinshasa, le personnel paupérisé en veut à son DG Marc Frère
  • lun, 23/05/2016 - 12:52

Agents et cadres (ou ce qu’il en reste) du Pullman Grand Hôtel Kinshasa en viennent à regretter et les directeurs généraux d’antan et le Cinq étoiles InterContinental Hotels Kinshasa de jadis érigé par The Bechtel Corporation.

Brutales mises à la retraite anticipée, cadres congolais contraints à la démission ou au licenciement forcé, tripatouillage des chiffres, refus de paie de la retraite ou fractionnement par 11 de celle-ci, méconnaissance des lois congolaises et des lois des parties (code du travail et convention collective), congolisation des postes foulée aux pieds, triplement du personnel étranger affecté à deux voire à trois à un poste de travail, etc., agents et cadres (ou ce qu’il en reste) du Pullman Grand Hôtel Kinshasa en viennent à regretter et les directeurs généraux d’antan et le Cinq étoiles InterContinental Hotels Kinshasa de jadis érigé par The Bechtel Corporation, inauguré le 3 octobre 1971 par Mobutu Sese Seko.

O tempora o mores! Au GHK ou Pullman GHK, rien ne va plus. Cet hôtel jadis Cinq étoiles InterContinental Hôtel Kinshasa est désormais l’ombre de lui-même. La nouvelle direction générale placée autour du Belge Marc Frère traîne des casseroles. Le complexe ou nombre de parties est désormais en lambeaux. Certes, à la faveur de l’arrivée de l’enseigne française Pullman du groupe Accor, l’ancien bâtiment a été rafistolé mais sans goût ni confort et inauguré par le Président de la République, Chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange.

DECREPITUDE DE L’ETABLISSEMENT.
Pour l’occasion, un chapiteau de balustre fut érigé, le tapis rouge déployé. Les habitués des lieux n’ont guère pourtant à la bouche que le regret en pensant au haut standing installé en 1971 par le multinational InterContinental Hotels basé près de Londres, à Denham, dans le Buckinghamshire. Par ses grands lustres et son marbre doré, on peut voir les vestiges de ce passé faste dans ce qui est convenu d’appeler «la nouvelle tour du GHK» inaugurée plus tard alors que le Cinq étoiles InterContinental Hôtel Kinshasa prenait vraiment son envol et devenait la plaque tournante des affaires dans ce qui fut le Zaïre. Ce furent les années Inga, Citibank, Pan Am, Alitalia, Iberia, Lufthansa, UTA, Suissair, etc.
Le Pullman Grand Hôtel Kinshasa a perdu toutes ses étoiles en descendant au niveau d’un hôtel de troisième catégorie - à l’image de l’enseigne française et l’établissement jadis prisé par l’establishment zaïrois - qui logea de grands noms tel l’Américain Henry Kissinger, etc. - a perdu bataille face au nouveau venu Fleuve Congo Hôtel repris par la chaîne d’hôtels de luxe allemande Kempinski et rebaptisé Kempinski Hôtel Fleuve Congo. Même le très luxueux restaurant l’Etoile - vue imprenable sur le fleuve et Brazzaville - au neuvième étage qui faisait le grand must du Grand Zaïre avec son orchestre The Best et qui ressemble désormais à un bar de quartier, même le Salon Zaïre (Salon Congo) sans lequel il n’y avait point de mariage plus beau à Kin, même le Club Atmosphère où la jeunesse se tortillait les vendredis et samedis, il ne reste rien. Chambres délabrées, moquettes désaffectées rendent impossible le sommeil avec des particules qui vous nouent la gorge et destinent à une mort certaine. Ne parlons pas de salles de bain avec ses WC d’où dégouline du liquide verdâtre ou les baignoires où l’émail a cessé d’exister... Avant son départ dans l’au-delà, le très regretté Bob Mundabi Fall qui avait repris les clés du cinq étoiles InterContinental Hôtel Kinshasa au départ de la marque, voulut relever le défi en s’engageant à refaire le bâtiment.

«ALLER PAITRE AILLEURS…».
Des travaux de rénovation à grands frais furent entamés sans aller à leur terme, faute de financement et faute de fin de vie. Déjà, la nouvelle destination africaine était la Chine et sa célèbre ville industrielle et commerciale, la capitale de Guangdong, Guangzhou. On en voit les effets dans «la nouvelle tour du GHK». Là où le multinational InterContinental Hotels a laissé la pierre bleue à la perfection, le sublime verre et du lustre, le plastic et le brillant or ont pris place. Quant aux suites senior à chaque étage, elles ont vu s’installer un ameublement de fort mauvais goût susceptible de vous brûler le corps… L’arrivée du Français Pullman (marque hôtelière du Groupe Accor) aurait pu relever le niveau mais la chaîne qui dispose des 5 étoiles dans le monde, a transformer le ravissant cinq étoiles InterContinental Hôtel Kinshasa en établissement de banlieue… A cela s’ajoute l’arrivée de la nouvelle direction générale avec à la tête le Belge Marc Frère. Dans ses bagages, jamais Kin n’avait vu débarquer autant de personnel étranger: deux sympathiques retraitées d’Europe désormais installées à la direction de l’hébergement. En tête Annick Paulus. A la réception un naturalisé Italien Julien Lutgen au sang chaud très méditerranéen qui en fait voir à qui il veut. Signe de peu de considération porté à l’expertise congolaise dont les agents sont brutalement poussés à la retraite ou à la démission.
Qu’importe si les heures de nuit ne sont pas prises en compte dans le décompte final des Congolais, si les heures supplémentaires passent par pertes et profits. A la poubelle les recommandations du Premier Ministre (lettre n°CAB/PM/CJAD/KJ/2012), les notes circulaires du Ministre de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance Social (n°0004/CAB/MIN/ETPS/MBL/SBR/dag/2012 et note circulaire n°007CAB/MIN/ETPS/SBR/bla/2012) Aux mécontents d’aller paître ailleurs.
Directeur des ressources humaines, Alain Mibulumukini a démissionné le 10 février 2016. Il refusait «de participer à un projet macabre contre ses frères congolais sans raison aucune».
Et, last but not least, aucun respect de textes légaux, ni ceux signés avec la délégation syndicale (avantages acquis désormais oubliés sous prétexte de baisse du niveau d’affaires).
Ainsi, un courrier daté du 10 mars 2016 adressé au ministre du Travail et de la Prévoyance sociale (copie au Chef de l’Etat, au Premier ministre, à la ministre du Portefeuille et à l’Inspecteur général du Travail) et dont Le Soft a pris connaissance, élève une vigoureuse «protestation» sur la situation du personnel congolais, écrivent ses signataires, membres de la délégation syndicale Valery Mutshondo (Président), Bienvenu Mambambu (Vice-président), Willy Kinganzi (Secrétaire) et Séraphin Nsiku (Trésorier).
A la base de cette grogne, la volonté (la décision) du directeur général Marc Frère de licencier la moitié du personnel congolais, 200 agents sur 429 «sans respect des dispositions du code du travail congolais». En bons défenseurs du droit de travail, les signataires évoquent les articles 61, 62, 63 de l’arrêté ministériel n°12/CAB.MIN/TPS/116/2005 du 26 octobre 2005 fixant les modalités du licenciement du travailleur.
Tout remonte à juillet 2015 quand Marc Frère veut licencier 104 travailleurs. Tout est fait par ce Marc Frère pour arriver à ses fins, dénonce la correspondance mais la vigilance et la détermination du syndicat fait échouer le projet.

DENONCIATION UNILATERALE.
En septembre 2015, Marc Frère revient à la charge en sortant le Plan B, à savoir, la dénonciation unilatérale de la convention collective datant de 2010. Le syndicat bat en retraite afin de calmer le directeur général. Début décembre 2015, une autre convention collective voit le jour qui mais Marc Frère passe en force en mettant le compteur à zéro: refus des avantages acquis: ni gratification (13ème mois), ni annuités, ni pécule de congé, etc. La délégation syndicale ne l’entendant pas de cette oreille, s’en remet à l’arbitrage de l’inspection du travail qui, le 10 février 2016, reconnaît le bien-fondé des réclamations des travailleurs. S’ensuivent confusion et échauffourées lors d’une rencontre entre la délégation syndicale et le Directeur Général.
La délégation syndicale rejette «les raisons économiques» invoquées pour justifier un licenciement massif jamais connu dans l’histoire de l’établissement passé sous pavillon français. Elle ne manque pas de tonus. Avec la mise en service de l’ancien bâtiment, le nombre de chambres a augmenté. Si des prédécesseurs à la direction de l’hôtel dont Romains Felber tenaient le syndicat au courant du taux d’occupation de l’hôtel associant ses délégués au carnet des réservations, rien de tel avec l’actuel Directeur Général qui «empêche l’accès aux réservations et on comprend pourquoi il nous raconte des sornettes», peste un délégué syndical. Position tenue sans le courrier. «De 2011 à 2014, l’hôtel n’avait qu’un seul bâtiment avec plus d’effectifs mais aucune fois M. Romains Felber n’avait pensé licencier du personnel», poursuit le courrier. «Avec moins de personnel et un personnel insuffisant, M. Marc Frère opte pour du personnel journalier ou temporaire ou du personnel expatrié», charge-t-il.
Du personnel expatrié qui compte deux voire trois individus à certains départements faisant le même travail et revient très cher à l’hôtel. Et le syndicat de scandaliser que le salaire de l’expatrié le moins bien payé corresponde à celui de 20 travailleurs congolais quand Marc Frère n’a à la bouche que la phrase: «Nous perdons beaucoup d’argent...»
Le syndicat paraît maîtriser ses chiffres et accuse le directeur général de manipulation de chiffres. Le cas du compte 1995 de pertes et profits qui ne donne aucun détail et ne permet aucune bonne lecture. «Ce document est flou. Avant l’arrivée du groupe Accor, nous avions des comptes plus transparents. Rien de tel désormais», accuse le syndicat.
«Là où l’employeur conclut que la ressource opérationnelle pour 2015 était de 56% sur les recettes, jamais l’enveloppe salariale dans son ensemble n’a atteint 250.000 dollars. Or, l’employeur se permet de dire que les salaires des travailleurs est de 56% des entrées. Ce qui le conduit à décider de réduire l’effectif de 200 travailleurs. En 1995, avec un taux d’occupation de 20% (prix moyen de chambre de 109,61 dollars, nombre des travailleurs de 401, charge du personnel de 25,5%, nombre des chambres de 496, l’hôtel a fait un bénéfice de 463.000 dollars. En 2015, avec un taux d’occupation de 62,65%, un prix moyen de chambre de 175 dollars, nombre des chambres de 351 (perte de 39 chambres, chaque expatrié occupe 3 chambres), nombre des travailleurs de 427, on ne saurait prétendre que l’enveloppe salariale à elle seule soit de 56% des recettes», argumente le syndicat.

LE PULLMAN AUX EXPATRIES.
Si Marc Frère prétend que le salaire le plus bas à l’hôtel est de 1.200 dollars, le syndicat lui oppose un démenti cinglant. Le dernier salarié de l’hôtel touche 250 dollars tout compris, tableau barémique au point. Jamais, à ses débuts où l’établissement aurait pu manquer d’expertise locale, le Cinq étoiles InterContinental Kinshasa n’avait dépassé le nombre de 6 expatriés.
Aujourd’hui, le Pullman Grand Hôtel Kinshasa compte 13 étrangers et cela va continuer. Dans certains départements, on retarde le congé du personnel suite au manque d’effectifs. Dans d’autres, on ne peut carrément pas aller en congé. Nous sommes dans l’hôtellerie où ce n’est pas la machine mais l’homme qui sert les clients, qui arrange les lits, qui accueille».
Soubissant la loi du plus fort d’un Directeur Général qui n’hésite pas à invoquer publiquement ses liens avec les hautes autorités du pays, le personnel congolais ne sait plus à quel saint se vouer. Il refuse de croire que son sort pourrait être celui des agens des LAC (Lignes Aériennes congolaises), Hewa Bora Airways ou d’ATC (garage automobile). Il comprend mieux ce qu’une personnalité togolaise a laissé entendre dans le hall de l’hôtel: «Pourquoi vous Congolais avez accepté ces gens du Pullman. Nous au Togo, on a chassé ce groupe Accor qui ne sait respecter ni la loi du pays, ni les autorités du pays, le social chez eux n’existe pas...».
T. MATOTU.


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