Le Chef de l’Etat «comprend» les manifestants, condamne «avec véhémence» les violences
  • ven, 26/06/2020 - 11:31

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1491|VENDREDI 26 JUIN 2020.

Mercredi 24 juin, au soir des manifestations suivies des violences anti-lois PPRD-Minaku voulant faire des magistrats du parquet, des «commissaires du gouvernement», selon l’expression du communiqué de la plate-forme d’opposition Lamuka, signé par ses quatre leaders (Jean-Pierre Bemba, Martin Fayulu, Moïse Katumbi Chapwe et Adolphe Muzito), le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a appelé la classe politique nationale, toutes tendances confondues, à la responsabilité et à n’entreprendre, particulièrement en cette période d’état d’urgence, que «des initiatives à privilégier l’intérêt de la nation ainsi que la paix sociale, de s’abstenir de celles tendant à diviser le peuple ou à porter atteinte aux principes d’organisation et du fonctionnement de telle ou telle institution de la République», a-t-il déclaré dans un communiqué signé par son DirCab a.i Désiré Cashmir Kolongele Eberande et lu à la radio-télévision par son porte-parole Tharcisse Kasongo Mwema Yamba Yamba.

Le Chef de l’Etat dit, dans ce texte, «respecter le droit constitutionnel de manifester», tout en condamnant «avec véhémence les violences et attaques perpétrées contre les personnes et leurs biens», en appelant «au calme et au respect de la loi pat tous».
Il a dit «comprendre cette colère du peuple» qui «traduit l’attachement de ce dernier à un véritable Etat de droit» mais a demandé aux forces de l’ordre «de prendre toutes les dispositions pour prévenir et contenir en cette période d’état d’urgence ce genre de manifestations».

INQUIETUDES A L’ETRANGER.
Ces manifestations bénéficient du soutien de l’administration américaine et des chancelleries occidentales. Tibor Nagy, le «Monsieur Afrique» de l’administration Trump, adjoint au secrétaire d’Etat Mike Pompeo, écrit, jeudi 25 juin, dans un tweet, se faire l’écho des diplomates américain, britannique et canadien accrédités à Kinshasa, en se disant inquiet sur «toute menace à l’Etat de droit, à la responsabilité et à la bonne gouvernance en RDC. Le peuple congolais mérite un avenir juste et prospère».

Dans leur déclaration faite le même jour peu avant, les trois diplomates ont «exprimé leur préoccupation devant les récentes propositions de lois qui pourraient être utilisées pour amoindrir l’indépendance de l’appareil judiciaire qui est un élément fondamental d’une démocratie accomplie et de la bonne gouvernance. Réduire cette indépendance viendrait miner la protection des droits civils et politiques en RDC. En outre, alors que la RDC pose les premiers jalons en vue des prochaines élections générales de 2023, ce processus doit être crédible et inclusif pour réaliser ce pourquoi les Congolais auront voté. Les institutions électorales et leurs dirigeants doivent ainsi être capables de faciliter un consensus et de créer de la confiance dans le processus électoral». Quant aux violences, les diplomates les qualifient d’inacceptables en appelant «à la retenue».

Ces manifestations ont donné lieu à des dégradations d’immeubles et de biens des particuliers. L’une des maisons de Jean-Marie Kassamba, patron de la chaîne de télévision Télé50 ainsi que son parc automobile ont été visés par les manifestants tout comme un immeuble appartenant à l’ancien gouverneur de la ville Kinshasa André Kimbuta Yango aujourd’hui sénateur.
Présidente de l’Assemblée nationale Jeanine Mabunda Lioko a qualifié ces dégradations d’«actes de vandalisme» et dénoncé «les menaces et violences dont ont été victimes les élus nationaux». Elle explique, sans fournir des preuves probantes, que leurs auteurs sont «des militants de l’UDPS».

Selon le communiqué diffusé par son bureau, Mme Mabunda «envisage des poursuites judiciaires contre les auteurs tant physiques qu’intellectuels de ces actes qui sont bien identifiés», une dizaine de députés, du personnel administratif et des visiteurs ont eu leurs véhicules endommagés. Elle demande au gouvernement de «disponibiliser la police nationale afin de faire respecter l’inviolabilité de son siège et d’assurer efficacement la protection des élus nationaux».
Le Vice-premier ministre en charge de l’Intérieur Gilbert Kankonde Malamba qui a effectué le lendemain jeudi 25 juin une visite des lieux dégradés, a promis une indemnisation.

Quant à l’ex-parti présidentiel PPRD, il a eu recours à la menace se disant que «le premier parti du Congo est prêt à aller en cohabitation si leur partenaire de CACH le disait clairement». Notons que dans un avis en réponse à une requête introduite le 15 avril 2020 par le Vice-premier ministre et garde des sceaux, la section consultative du Conseil d’Etat a affirmé que le ministre en l’espèce n’exerce pas de pouvoir disciplinaire et hiérarchique sur les magistrats du parquet.

LE MINISTERE DE LA JUSTICE RETOQUE.
Le Conseil d’Etat a indiqué que conformément aux dispositions de l’article 152 de la Constitution, et celles des articles 1er et suivants, ainsi que l’article 49 de la loi portant statuts des magistrats, le pouvoir disciplinaire et de gestion des carrières des magistrats sont confiés au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dont ils sont membres. La plus haute juridiction de l’ordre administratif a cependant reconnu que conformément aux articles 70, 72 et 73 de la loi portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire et à l’article 15 de la loi portant statut des magistrats, le ministre de la Justice dispose d’un pouvoir d’injonction sur le parquet. Le Conseil d’Etat précise que, dans l’exercice de ce pouvoir, le ministre de la Justice ne peut pas interférer dans la conduite des missions régaliennes des magistrats du parquet, offrant à ces derniers une indépendance fonctionnelle. Ci-après, les cinq points de la chambre consultative du Conseil d’Etat :

1. Le parquet est un service judiciaire créé par la loi. Il est rattaché aux cours et tribunaux et concourt à l’exercice du pouvoir judiciaire ;

2. Le parquet exerce les missions de surveiller l’exécution des lois et des décisions de Justice, d’accomplir les actes d’instruction et de saisir les cours et tribunaux ;

3. Le parquet est placé sous l’autorité du ministre de la Justice, qui y exerce le pouvoir d’injonction sans interférer dans la conduite de l’action publique ;

4. En cas de faute disciplinaire des magistrats, constatée par le ministre de la Justice, ce dernier saisit le Conseil supérieur de la magistrature CSM);

5. Le ministre de la Justice ne peut se substituer aux officiers du ministère public et les sanctionner des peines disciplinaires, même à titre conservatoire, parce que régis par les statuts des magistrats.

Dans leur requête, le VPM à la Justice et ses conseils dont Me Nyabirungu Mwene Songa, avaient soutenu qu’aux termes de l’article 149 de la Constitution, tel que modifié en 2011, l’indépendance consacrée au pouvoir judiciaire ne concerne que les cours et tribunaux. Elle ne concerne pas les officiers du ministère public qui sont placés sous l’autorité du ministre de la Justice qui doit avoir un droit de surveillance général et de contrôle sur leurs activités et disposer d’un regard sur leur discipline, la gestion de leur carrière et leurs avantages sociaux, ont-ils plaidé.
D. DADEI.


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