Le Congo et son image extérieure
  • lun, 30/05/2016 - 02:39

Souvent accusée d’être aphone, la diplomatie congolaise donne de la voix.

Coup sur coup en deux jours de suite, deux ministres se sont adressés aux diplomates étrangers accrédités dans notre pays. D’abord mercredi 25 mai, Raymond Tshibanda Ntunga Mulongo, ministre des Affaires étrangères. Ensuite, le lendemain jeudi 26 mai, son collègue en charge de la Justice et garde des sceaux Alexis Thambwe Mwamba assumant désormais l’intérim de manière permanente aux Affaires étrangères et à la Coopération internationale à chaque déplacement du ministre titulaire. Tshibanda par communiqué officiel. Thambwe par adresse publique directe, dans une salle. Souvent accusée d’être aphone, la diplomatie congolaise passe à l’offensive.
Trop c’est trop! Enough is enough! Raymond Tshibanda Ntunga Mulongo s’est insurgé contre le recours par «certains partenaires» à un discours «teinté de menaces à géométrie variable et d’application sélective dans la région». Le chef de la diplomatie est monté au créneau le 25 mai par communiqué qui a tout l’air d’une mise au point face à la pression que subit de plus en plus Kinshasa de la part de ses partenaires extérieurs au regard de la situation politique actuelle dans le pays. Le communiqué est adressé particulièrement aux partenaires occidentaux dont l’ingérence dans la politique intérieure devient inquiétant, à en croire le ministère des Affaires étrangères. Raymond Tshibanda Ntunga Mulongo note «avec regret» que les déclarations des dernières heures, tant de l’UE, de Bruxelles, Londres, Washington et autres, «interviennent sur des questions de politique intérieure et sont de plus en plus assorties de recours à d’éventuelles sanctions».

MENACES A GEOMETRIE VARIABLE.
Bien plus, déplore le ministre, certains partenaires de la RDC recourent à un discours «teinté de menaces à géométrie variable et d’application sélective dans la région». Une attitude contraire «au droit international, qui proscrit tant l’ingérence dans les affaires intérieures des autres États, que le recours à la force, ainsi qu’à la menace de la force sous quelque forme que ce soit, car constitutives d’atteinte à la souveraineté desdits États». Plutôt que d’user des invectives ou encore de procès d’intention à l’égard de la RDC, il exhorte ceux qu’il qualifie de «partenaires loyaux» à soutenir financièrement le processus électoral actuellement en ballotage faute des moyens financiers conséquents.
À ceux qui évoquent le rétrécissement de l’espace politique sur fond de traque des opposants, le ministre oppose l’égalité des citoyens devant la loi et la recherche de la quiétude comme fondements de l’action des forces de sécurité. Le gouvernement va «œuvrer, sans relâche, pour la jouissance, par tous, des droits fondamentaux garantis, mais dans le strict respect des lois et règlements». Puis de dire que la RDC est, en Afrique, «l’un des pays les plus avancés en matière de respect et de promotion des libertés publiques, notamment la liberté de la presse, la liberté d’expression et d’autres droits civiques et politiques collectifs et individuels». Les États-Unis et la Grande Bretagne ont fait savoir qu’ils étudiaient la possibilité d’appliquer des sanctions ciblées contre les responsables des répressions au Congo. L’Union européenne avait exprimé sa vive préoccupation quant aux harcèlements et intimidations dont font l’objet certains opposants dans le pays.
Dès le lendemain jeudi 26 mai, et comme si ce communiqué ne suffisait pas, son collègue en charge de la Justice et garde des sceaux Alexis Thambwe Mwamba chargé désormais d’assumer de manière permanente l’intérim aux Affaires étrangères et à la Coopération internationale à chaque déplacement du ministre tutulaire, a donné aux ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques la version officielle du gouvernement sur le dialogue national, l’arrêt de la Cour constitutionnelle et le harcèlement contre les opposants en vue de leur permettre de faire des rapports objectifs à leurs pays sur la situation au Congo.

SUR LE DIALOGUE POLITIQUE.
Le garde des sceaux a invité les diplomates à recourir aux autorités du pays pour disposer des éléments fiables chaque fois qu’il y a enjeux importants, avant de faire le rapport à leurs pays respectifs.
Sur le dialogue national, politique et inclusif, le ministre Alexis Thambwe Mwamba a expliqué qu’il est la voie obligée pour la tenue des élections transparentes et crédibles. Le Président de la République Joseph Kabila Kabange, a initié ce dialogue pour que les élections prochaines en RDC, se fassent dans la totale transparence afin d’éviter les contestations après la publication des résultats, a expliqué le ministre. Il a consulté les différentes couches de la population en vue d’obtenir leurs points de vue sur l’organisation de ces scrutins, soulignant que seule l’UDPS, Union pour la démocratie et le progrès social n’avait pas pris part à ces consultations, mais la Majorité Présidentielle a eu, en l’espèce, des «contacts approfondis avec ce parti» en en Espagne, en Belgique et en France.
En vue de sa participation au dialogue, l’UDPS avait posé un certain nombre de préalables notamment la révision du fichier électoral actuel par l’enrôlement de nouveaux majeurs et l’audit de ce fichier, le renouvellement du matériel de la CENI, la révision de la composition des animateurs de la centrale électorale ainsi que ceux de la Cour constitutionnelle.
A l’issue de toutes ces rencontres, des points de divergence existent entre la Majorité et l’UDPS, a précisé le ministre notant que pour la tenue du dialogue, l’opposition avait exigé, contre le souhait de la Majorité, un facilitateur international qui a finalement été nommé par l’UA, Union Africaine et soutenu par les Nations Unies et d’autres institutions internationales. La Majorité Présidentielle a déjà transmis sa liste au facilitateur et attend que l’opposition et la Société Civile en fassent autant, a expliqué Alexis Thambwe Mwamba. Sur le calendrier électoral, le ministre a indiqué que le premier calendrier électoral publié par la CENI pour l’organisation du cycle électoral complet avait été rejété par l’opposition, expliquant qu’il va falloir attendre la tenue du dialogue pour que ce dossier de calendrier électoral et des contraintes financières liées à l’organisation des élections, soit vidé.

FIN DE MANDAT SANS FIN DE POUVOIR.
Sur l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, opposable à toutes les institutions du pays, le garde des sceaux a balayé la version selon laquelle sans les élections, il y aura vide juridique précisant qu’il n’y aura pas vacance au sommet de l’Etat dès lors que la Constitution a déjà réglé cette question. Le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’investiture du nouveau Président élu. Seule la Cour Constitutionnelle est habileté à interpréter les articles de la Constitution mise en cause et il n’existe pas de polémique là déçu, a insisté le ministre pour qui la Cour Constitutionnelle n’a pas donné un nouveau mandat au Président de la République qui reste en place jusqu’à l’investiture du nouveau Président élu.
Selon le garde des sceaux, le gouvernement n’harcelle pas les opposants, allusion faite à l’opposant Ecide Martin Fayulu, dont l’hôtel Faden House appartenant à son épouse a été scellé par le fisc pour n’avoir pas payé CDF 380.000.000 de taxes dues à l’Etat. Il a invité la famille Fayulu à remplir ses obligations fiscales vis-à-vis de l’Etat précisant que Martin Fayulu n’est pas le seul opérateur économique qui a des démêlés avec le fisc. Ceux membres de la Majorité qui doivent à l’Etat font face aux mêmes déboires. Tels le ministre de la Santé Félix Kabange Numbi, l’ancien premier ministre aujourd’hui député national Adolphe Muzito Fumunji, le gouverneur du Kasaï Oriental Ngoy Kasanji, le Vice Premier ministre et ministre des PTNTIC Thomas Lohaka Lossendjola, et d’autres particuliers tels la MIDEMA, l’hôpital chinois de la 1ère rue, le Groupe Ledya, etc. Beaucoup de ces opérateurs ont déjà réglé leurs litiges avec l’Etat, invitant le député Fayulu à faire autant.
Parlant de la marche des opposants, le ministre a expliqué qu’elle a été autorisée par le pouvoir et que la Majorité a annulé la sienne sur instruction de la hiérarchie pour ne pas troubler l’ordre public.


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