Matou en rage
  • lun, 13/07/2020 - 03:08

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1492|LUNDI 13 JUILLET 2020.

Interview
Le Président de l’Assemblée provinciale du Kongo Central, Pierre Anatole Matusila Malungeni ne Kongo, n’arrête de séjourner dans la Capitale Kinshasa. Non pour répondre à la convocation de Gilbert Kankonde Malamba, le Vice-premier ministre en charge de l’Intérieur, précise-t-il d’entrée de jeu. «C’est par message phonique qu’il m’a convoqué, toutes affaires cessantes, mais quelle loi, quel article de la Constitution lui donne cette prérogative? C’est la loi qui régit un Etat de droit», fonce-t-il au Soft International.

Vous séjournez à Kinshasa alors qu’on vous croyait en première ligne contre la Covid-19 au Kongo Central?
Le président de l’Assemblée provinciale ne fait pas partie du comité de riposte contre la Covid-19. Il ne siège pas non plus au conseil de sécurité de la province contrairement au procureur général. Une situation que je n’arrive pas à m’expliquer. De toutes manières, j’ai écrit plusieurs tribunes sur le coronavirus dans la presse locale. Je constate que mes recommandations sont aujourd’hui appliquées par l’Etat sans que je ne sois associé ou approché par qui que ce soit.

A Matadi, à Boma, etc., où la pandémie perce, la population vit dans la peur pour Covid-19. Au plan politique, tout est paralysé suite à des rapports exécrables entre vous et le gouverneur. On vous accuse de faire la politique de Kasa-Vubu, sapeur-pompier le jour, pyromane la nuit…
Je ne suis pas à l’origine de cette crise. C’est le député André Masumbu Baya qui a initié, le 30 septembre 2019, une motion de défiance contre le gouverneur étiqueté PPRD, Atou Matubuana Nkuluki, suite à l’affaire «Mimigate», du nom de cette dame Mimi Muyita Ankieta, assistante du gouverneur qui a accusé de viol le vice-gouverneur Justin Luemba Makoso. A la séance plénière du 4 décembre, le débat sur la motion de défiance a abouti à la déchéance du gouverneur. Vingt-quatre députés sur les 41 qui composent l’Assemblée ont voté pour. Un Procès-verbal d’adoption de la motion a été établi et transmis au Président de la République. Atou Matubuana devrait remettre sa démission au Président de la République dans les 24 heures.

A ce jour, Atou Matubuana n’a ni déposé sa démission, ni formé un recours judiciaire contre ce vote, comme l’ont fait d’autres gouverneurs se trouvant dans des situations similaires. Moi, je ne fais que solliciter l’interprétation de la Cour constitutionnelle sur l’article 147 alinéa 2 de la Constitution, appliqué, mutatis mutandis, aux membres du gouvernement provincial et conformément à l’article 198 alinéa 9 de la constitution sur le sort d’un gouverneur de province ayant fait l’objet d’un vote d’une motion de défiance, réputé démissionnaire, mais n’ayant ni démissionné ni introduit un recours judiciaire. Et la Cour a tranché, le 4 juin 2020, à travers le RC 1171, obligeant le gouverneur à cesser immédiatement d’exercer ses fonctions. Mais Atou Matubuana continue de poser des actes gouvernementaux, en outrage à l’Assemblée nationale. Ce qui met en péril l’ordre public.

Que faites-vous dans la Capitale? Un rendez-vous avec le Chef de l’Etat?
J’ai tout fait pour rencontrer le Chef de l’Etat. Mais son environnement est très verrouillé. Je peux vous montrer des lettres notamment de demande d’audience que j’ai écrites, mais je n’ai rencontré que quelques conseillers. Je regrette que tous les amis de l’UDPS, ceux de ma génération, aient tous décédés. Du vivant d’Etienne Tshisekedi, la maison de Maman Marthe était notre maison commune. J’ai battu campagne pour le Président sans rien solliciter au Kongo Central. N’eut été mon poste de président de l’apostolat de laïc au Zaïre, j’aurais intégré l’UDPS. Nous sommes tous issus de l’opposition. L’UDPS est le seul parti qui a formé ses militants. (…) mais on va épauler le Chef de l’Etat.

Un groupe de députés, ving-cinq au total, sollicite votre départ de la tête de l’Assemblée au motif que vous avez clôturé la session par un simple communiqué, qui a d’ailleurs été lu par un rapporteur destitué?
Le rapporteur Papy Mambo Luamba Makoso n’a jamais été déchu de ses fonctions. Par ailleurs, on n’a pas siégé entre le 30 mars et le 30 juin. Ce n’est pas dans les médias qu’on sollicite le départ du président de l’Assemblée provinciale. Je déplore le silence du CSAC, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication sur des injures à travers les médias sur ma personne.

C’est par un communiqué que j’ai annoncé l’ouverture de la session. J’ai fait de même pour la clôture à cause de l’état d’urgence sanitaire. Je reste dans un cadre légal. La décision du Chef de l’Etat sur l’état d’urgence et le confinement de la capitale annoncée la nuit était d’application dès le jour suivant. Sept présidents des Assemblées provinciales se sont retrouvés bloqués à Kinshasa. Ne peut déconfiner que celui qui a confiné.

Il y a peu, le gouverneur déchu a derechef engagé l’Etat. On l’a vu lancer des travaux d’entretien de la route Kisantu-Ngidinga. Qui donne autant d’assurances au gouverneur Atou Matubuana Nkuluki au point de fouler au pied la décision de la Cour constitutionnelle?
Ne me demandez pas de citer des noms. Je veux éviter des procès pour imputations dommageables. Le gouverneur déchu verse des libéralités à Kinshasa. C’est la loi qui régit un Etat de droit. Pourquoi en Ituri, au Kasaï central, à la Tshopo, etc., la crise institutionnelle s’est réglée par les textes des lois et, au Kongo central, ça dure depuis onze mois? Le 10 juin 2020, j’ai écrit au procureur général de la République près la Cour constitutionnelle pour demander l’exécution de l’arrêt de la Cour constitutionnelle.

Le 17 juin, j’ai écrit au VPM en charge de l’Intérieur, Sécurité et Affaires coutumières, en sa qualité de chef de la Territoriale… en janvier 2020, le VPM et ministre de la Justice et Garde des sceaux a été éclairé sur la crise au Kongo central, rien n’a été fait. Toutes les autorités ont été mises en copie, le Président de la République, les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, le ministre d’Etat en charge de la Décentralisation…l’administrateur général de l’ANR, le commissaire de la police nationale. Sans suite. Au contraire, le gouverneur s’est vengé sur l’Assemblée provinciale, pas un appui financier, et plus de 7 mois d’émoluments impayés. Tous les jours, je reçois des plaintes des députés.

Et pourtant, l’on apprend que l’Assemblée provinciale a gelé le financement des travaux de construction du stade Lumumba?
Le gouvernorat a perçu 6 millions de $US. Les travaux n’ont guère avancé. Le gouverneur a préféré résilié le contrat avec la société qui exécutait les travaux. Celle-ci a traduit la province en justice. La province a encore décaissé plus de 4 millions de $US suite aux poursuites judiciaires. La construction du stade Lumumba est devenu un fonds de commerce pour jouir des faveurs de l’opinion.

L’Assemblée provinciale n’a plus le contrôle de l’Exécutif provincial qui a la mainmise sur les caisses du Kongo central. Avez-vous une piste politique de sortie de crise avant la prochaine rentrée parlementaire?
La solution c’est le respect de la Constitution, des textes des lois. Veut-on nous mener dans des palabres? Déchirons alors la Constitution! Je pense que Kinshasa doit s’imprégner des principes fondamentaux sur la libre administration des provinces. Le gouvernement central attise plus les crises en provinces qu’il n’en résout. Nous devons tous nous recycler. Nous devons retourner à l’école de la décentralisation.
POLD LEVI MAWEJA.


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