V. «Le Congo est comme un pneu qui sait se dégonfler, s’ouvrir à vous et vous enfermer»
  • mer, 29/04/2020 - 04:42

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
MARDI 28 AVRIL 2020.

D’origine indo-pakistanaise, arrivés au Congo par le Maniema avec les migrations des conquérants arabo-indo-pakistano-musulmans venues de Zanzibar, une île de l’actuelle Tanzanie, les Rawji ont conservé quatre siècles plus tard l’esprit de conquête qui incarnait leurs ancêtres.

Après la chute du sultanat de Tippo-Tip de son nom d’origine Hamed Ben Mohamed Ben Yuma Ben Rajab El Murjebi, la famille est restée au Congo malgré toutes les guerres et crises meurtrières.

Elle a investi dans le petit commerce de gros et de détail, développé un modèle d’affaires tourné vers le Congolais lambda, une offre de minimum vital, reprenant un secteur abandonné par les Européens, portugais, grec, etc., rachetant les empires industriels et commerciaux tombés en faillite.

C’était à choisir : vendre une Rolls-Royce et attendre des mois ou commercialiser des Volkswagen et en écouler tous les deux jours.

Les Rawji ont choisi la filière Volkswagen et se sont enrichis. Avant de viser la crème des milieux d’affaires : la City, la banque qu’autorisait le retour de la troisième génération de la fratrie formée dans les meilleures écoles de la finance. Avec Rawbank, ils étaient.

Après avoir collecté 2 milliards de $, multiplié les Awards des plus grands magazines financiers, la famille érigée par Forbes sur le toit des dix grosses fortunes sub-sahariennes francophones, s’est lancée à la quête du Graal : la Bourse des valeurs.

Sauf que les Rawji avaient oublié qu’ils portaient un sabot de Denver.

Retourné au Congo en 2002 depuis la commune de Waterloo dans la banlieue sud de Bruxelles, le Belge Taeymans avait rêvé de prendre la tête de l’ex-filiale de feue Belgolaise sous l’œil de la cellule financière du parquet bruxelles dès 2001, radiée en 2008, passée sous l’empire d’une autre richissime famille étrangère installée au Congo, celle des Forrest.

Entre-temps, quatre de ses dirigeants-le président du comité de gestion Marc-Yves Blanpain, le président du comité de direction Daniel Cuylits ainsi que deux autres cadres du groupe - ont été inculpés par le parquet et interdits d’exercice dans le secteur bancaire pour blanchiment d’argent dans une affaire de série noire où se mêlent diamants du Kasaï, menaces d’assassinat de hautes personnalités belges, enlèvements d’agents congolais en pleine journée dans une rue à Bruxelles, violation d’embargo décrété par les Nations unies, achats d’armes dans des République ex-soviétiques, etc.

Assis dans son bureau enfumé de cigarettes sur front du 30 juin au premier étage, si les petits épargnants accourent à ses guichets, Taeymans commence à perdre espoir dans son ambition de devenir « le Roi de la banque au Congo » dans un pays guère bancarisé et que l’innovation engagée que porte l’arrivée de la fibre optique et la bancarisation des salaires des fonctionnaires, n’aident pas.

Il se résout à une formule particulière qui va l’éloigner des standards européens et l’aider à creuser sa tombe : celle des « commercial terrain » en charge de détecter et d’irriguer vers ses guichets des mouvements financiers illicites outre des relations incestueuses qu’il tisse avec des dirigeants de la Banque centrale en tête le gouverneur Déogratias Mutombo Mwana Nyembo mais qui peine à être couverte par le Conseil d’Administration.

Ce qui était attendu arriva : interrogé et détenu à plusieurs reprises par la Sécurité d’Etat, le Di Pietro congolais Alder Kisula Betika Yeye en fait un plat savoureux.

Jeudi 12 mars 2020, Taeymans est mis sous mandat de dépôt. Il séjourne huit jours durant au CPRK, le Centre pénitentiaire de rééducation de Kinshasa. Libéré le 20 mars sous caution, il laisse une ardoise salée : un chèque en garantie de 35 millions de $ en attendant le jugement... Et une image de banque plateforme par excellence du blanchiment d’argent des capitaux et de financement du terrorisme.

A Washington, le Trésor américain et le Département d’Etat suivent de près…

L’affaire du Libanais Jammal Samih de la société Samibo Congo engagée dans la construction des 4.500 maisons préfabriquées dans cinq provinces et dans les casernes de Kinshasa atteste l’irresponsabilité de cet ancien de la Belgolaise qui a autorisé le paiement en espèces de 35 millions de $.

Une affaire parmi d’autres dont une partition a été jouée par une dame : Pamela Kabakele Makwala.

Celle qui, des années durant, fut le passage obligé pour qui voulait rencontrer le banquier belge. Elle voyait tout, savait tout, soufflait tout à l’oreille de son patron, obtenait tout.

***

Cette dame depuis condamnée à un an de prison ferme purge sa peine au CPRK, la prison centrale de Makala.

Le 9 février 2020, son mari Thomas Mukwala la surprend avec le nouvel élu de son cœur Yeza Mutama dans un appartement qu’elle louait non loin du siège de Rawbank avant de le rouer de coups et de le projeter par la fenêtre depuis l’appartement du sixième étage.

Si l’infortuné amant s’accroche au quatrième étage, Thomas Mukwala le poursuit avant de le projeter à nouveau. Le corps s’abîme au sol… Mort subite.

: lesoftonline.net/articles/en-plein-gombe-un-mari-abandonné-surprend-sa-femme-dans-un-appartement-et-tue-l’amant-par

Dès le lendemain, un procès en flagrance a lieu...

Connue sur les mortels réseaux sociaux, sa vidéo «Lelo okomata nga» («ce soir, tu vas me monter») a rendu célèbre une chanson culte mais taboue qui fit scandale lorsque des ados à peine habillées dans la cour d’un centre scolaire du Révérend KIM - un évangéliste d’origine coréenne qui multiplie des écoles dans la Capitale - se déhanchaient sur des rythmes sensuels évoquant des ébats amoureux.

Cette vidéo était devenue virale.

Le message était explicite : «Je passe des vacances dorées dans un pays d’Europe et je me fiche de ce que les gens à Kinshasa peuvent raconter sur moi...».

Selon des vidéos postées sur YouTube, Pamela aurait été invitée par l’épouse Kamerhe à son domicile et lui aurait remis une somme en cash de 350.000 $ à déposer sur le compte Hamida ouvert à Rawbank mais l’argent ne serait jamais arrivé à destination.

Des mois plus tard, on se demande s’il n’y a pas un lien entre cette affaire et celle des 37 millions de $ du Libanais Jammal Samih ou une autre de 15 millions de $ dite des pétroliers. Une autre affaire qui avait défrayé la chronique politique à Kinshasa dans laquelle Rawbank était déjà mêlée...

Pamela sur les traces d’une autre Congolaise, « Maman Mimi » du chef-lieu de la province du Kongo Central, Matadi, à la base d’une crise dans la territoriale guère résolue?

Mimi avait eu des rapports sexuels avec l’adjoint du gouverneur de province Atu, mais cette fois, elle fit faire une vidéo compromettant l’avenir politique de son homme.

Jeune et belle femme, Pamela Kabakele Makwala est connue de la classe dorée congolaise.

Elle connaît ceux qui ont l’œil sur ce pactole de 50.968.648 millions de $ mis sur le compte du Libanais Jammal Samih des firmes Samibo et Husmal pour la construction d’un total de 4.500 maisons préfabriquées dans cinq provinces (Kinshasa, Kongo Central, Kasaï Central, Kasaï Oriental et Sud-Kivu) et dans des casernes militaires et de la police dans la Capitale. Un homme qui vit au Congo depuis plus d’un demi-siècle.

Avec femme et enfants, il a tissé toutes les relations et entretient ses ramifications.

Ceux qui ont l’œil sur les 37 millions de $ : les Kamerhe, Monsieur et Madame.

Des années durant, sur l’immeuble du boulevard du 30-Juin, elle s’est activée dans l’antichambre de Taeymans.

De ce bureau partagé avec une autre dame, Pamela Kabakele Makwala a fait des passes au couple lors des années de braise.

Ni l’épouse Hamida Shatur, ni le mari Vital Kamerhe n’a oublié ce moment. Il a suffi d’y penser...

Dans la journée, le virement atterrit à Rawbank. Et, aussi vite que possible, 37 millions de $ en espèces approuvés par la Haute Direction sortent des coffres forts.

Un conteneur prend possession de la livraison et se lance en direction d’une villa dans le quartier tout proche de la Gombe où ministres, fonctionnaires, promoteurs, commissionnaires, etc., défilent.

Sur le moment, des vidéos sont réalisées.

L’une d’elles montre un enfant tenu par son père Daniel Shangalume Nkingi alias Massaro, cousin du DirCab Kamerhe depuis en cavale, qui attouche un mur de briques de $ dans des emballages d’origine. Une autre balaie une succession de limousines de luxe pimpant neuf.

Une voiture Maserati est parquée en pleine autoroute au volant de laquelle s’est mise «la belle-sœur de…». Elle tient sensuellement un grand vin de France.

Une Mercedes Maybach S 650 Sedan du «Président de l’UNC…» a été acquise sur le marché de Dubaï ou de Londres, de par son volant à droite.

Elle est conduite par un jeune émerveillé, ami de la famille. A sa gauche, «le propre petit frère du DirCab…».

Ils jubilent de joie. Le summum…

Sur d’autres vidéos, des acquisitions immobilières défilent.

Si certaines de ces scènes se déroulent au Congo, d’autres proviennent de différentes villes européennes.

Jamais le pays n’avait tant touché le fond…

Si Taeymans avait eu la moindre considération pour le Congo, il lui aurait évité une telle exécration.

Si par miracle, il sort vivant de cette enquête, le Belge sera poursuivi par la clameur publique.

Quand on l’interroge sur son rôle dans ces opérations de prédation, de corruption, de détournement des deniers publics, de blanchiment des capitaux, de financement du terrorisme, d’association de malfaiteurs, Taeymans ne botte pas en touche.

« Si je paie, c’est signe que je suis couvert. Je ne suis pas fou !», assure-t-il. Couvert par qui ?

Puis : « Moi, aller en prison ? Celui qui me mettra en prison au Congo n’est pas encore né ».

Lorsqu’on se surprend d’une incroyable arrogance, il ne s’empêche pas d’en rajouter une couche comminatoire : « Vas-y doucement ! Moi, je n’hésiterai pas à te balancer… « Jo » s’amusera bien… ».

Des propos qui contrastent dans un Congo de Tshisekedi.

Lire aussi : http://kin-s.net/Cet%20index%20de%20F%C3%A9lix%20Tshisekedi%20fait%20tre...

Au lendemain des vidéos, un homme qui ne lève pas le pied derrière Kamerhe depuis aux abonnés absents a ces mots : « Pensez-vous qu’une telle somme d’argent puisse sortir sans que la Banque centrale n’en soit informée ? »

C’est vrai : jamais dans une quelconque République, des décaissements de cet ordre n’auraient pu échapper au moindre système d’alerte. Proche de Rawbank, le Gouverneur Déogratias Mutombo Mwana Nyembo a autorisé sinon couvert l’opération.

Lire aussi: https://www.lesoft.be/articles/iv-m-taeymans-tourne-le-dos-aux-standards...

Dans une communication extérieure à profusion, Taeymans vante des PME performantes que sa banque veut appuyer. Avec la campagne « LadyFirst », il dit venir en soutien à la femme congolaise entreprenante. Mêmement pour des événements économiques tel « Makutano ».

Le Belge est sur nombre d’enseignes dans des manifestations culturelles « Cultures d’Hivers », sportives « RawGolf », des courses des chevaux qu’il organise une fois l’an. Sauf que ce n’est qu’une posture…

Pour Taeymans, la seule chose qui paraît avoir compté c’est l’ex-filiale de la banque de Cantersteen qu’il avait sur son viseur, qu’il voulait « descendre » quel qu’en soit le prix.

Amer, un diplomate fait part d’un désappointement partagé : « Ce fut surtout un excellent homme de service ».

Taeymans n’avait pas de cap. Au Congo, ce fut un jeu.

Le 13 novembre 2019, l’Administrateur Directeur Général de l’ex-filiale de feue Belgolaise réunit actionnaires privés, représentants de l’Etat actionnaire, clients triés sur les volets.

Lire aussi: lesoftonline.net/articles/la-bcdc-bientôt-sous-pavillon-kenyan-equity-publie-des-résultats-historiques

Il a quitté le modeste hôtel Sultani et a décidé de mettre le prix. Il s’est payé l’extrême Gombe, à proximité de l’ambassade de Suisse. Dans le hall de l’hôtel Fleuve Congo tout juste passé sous l’enseigne Blazon, le protocole veille au grain, le service soigne les petits détails.

Dans le grand amphithéâtre de ce somptueux palace, Yves Cupers va faire des annonces et dévoiler son nouveau combat.

Son crédo qui fait écho à sa visite de juin 2017 au département d’Etat américain : transparence dans la communication dont il déclare faire un culte annuel pour sa banque (« les clients doivent avoir l’information la plus complète possible ») ; respect strict de la réglementation et des règles des politiques de conformité dans la gouvernance des établissements de crédit.

C’est le fameux « Compliance » qui met la banque en état de s’assurer du respect de l’ensemble des devoirs et des règles de conduite édictés par les autorités publiques et les traités internationaux et qui lui sont applicables.

En tête de ces règles, le recueil d’informations financières permettant de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement de terrorisme, la banque ne pouvant accepter des clients impliqués dans le blanchiment d’argent ou le terrorisme.

Il cite Mood’y, l’agence de notation financière internationale qui vient d’accorder à sa banque le rating Caa2 sur les dépôts à long terme avec à la clé un horizon «stable». Notation de dignité d’une banque, explicite-t-il, reçue après «un examen approfondi de ses comptes audités ainsi que des perspectives d’avenir».

Cuypers tombe en extase. La BCDC a atteint les réalisations « les plus élevées des vingt dernières années de l’histoire de la BCDC ».

Soit 96 millions de $. Côté bilantaire, aucune raison de rougir : 861 millions de $. Résultat net après impôt : 11,7 millions de $US pour des fonds propres réglementaires de 82 millions de $.

« Ce qui est surtout important à retenir, c’est qu’au terme de l’exercice, notre solvabilité s’élève à 9,20%. Ce qui est largement supérieur au-dessus de la norme réglementaire actuellement de 7,5$».

A ceux des invités qualifiés de « non-experts » et qui ne comprennent pas ce langage, le Belge dédie une phrase : « La solvabilité traduit (signifie) la solidité de la banque ». En termes plus clairs, jamais au cours de ces vingt dernières années, la BCDC n’a été aussi forte.

L’ex-homme fort de Canterseen a sorti la tête de l’eau.

Celui qui n’avait que dédain face aux Congolais avant d’en tomber amoureux comme des années auparavant, son compatriote flamand Wilfried Martens face à Mobutu, ne boude pas son plaisir.

Quand le richissime kenyan viendra lui remettre son billet de départ quand l’heure sera venue de se mettre à la tondeuse à gaz, Cuypers n’aura pas honte de se tenir debout devant ses amis « les anciens de Belgolaise » ou d’animer une conférence sur une « expérience vécue en Afrique ».

Quand on sait tout ce qui a été dit et écrit par d’anciens de…, on ignore s’il en sera fier ou pas. Lui qui, dans son plat pays de Brel, aura retrouvé sa liberté de parole.

Le 8 avril, le Directeur du cabinet du Président de la République remplace Taeymans au Parquet général près la Cour d’Appel.

Le sort du « Président-bis » est scellé.

Le Belge est pris de panique. Il s’en sent porter la responsabilité.

L’homme a perdu tout contrôle de son être.

Il n’a jamais été vraiment fan de com’ encore moins de Tweeter. Il n’empêche…

Depuis la maison du Mont Fleuri que les cinq Rawji ont mise à sa disposition, il poste depuis son compte @TTaeymans un message d’un homme au bord de la déprime : « Moi, Thierry Taeymans, je n'ai jamais cité le nom de Kamerhe dans mes dépositions ».

A qui est destiné ce texte ?

Réaction spontanée d’un activiste en vue des droits de l’homme @KapiambaGeorges : « Le Parquet Général de Matete peut révoquer votre liberté provisoire au vu de votre déclaration. Vs êtes sensé faire profil bas et ne faire aucune déclaration de nature à faire pressentir l’existence d’une collusion ou compromettre l’enquête judiciaire. Vs avez promis de collaborer ».

Le texte a depuis été supprimé…

Cela fait plus d’un mois déjà.

Chaque jour qui passe, Taeymans s’éloigne un peu plus de Rawbank. Samedi 21 mars, les agents qui avaient chanté et dansé à sa gloire ont appris à l’effacer de leur mémoire. Pas une personne ne se souvient plus de ce samedi quand ç’a chauffé et ç’a nargué dans le hall…

Taeymans se croyait invulnérable. Il n’avait pas remarqué l’index de Tshisekedi. Ses contacts l’avaient abreuvé de garanties, l’assurant que jamais rien ne lui arriverait au Congo.

Un jour, Kamerhe décide de lui adresser un message subliminal.

A la suite d’une rencontre privée entre le Président de la République et son prédécesseur Kabila, il prend la place de porte-parole, plante le drapeau tricolore derrière son image, fait venir des télés, se met à lire un texte !

Comprenez : « Je tiens la barre. Le front est tenu. Il ne faut pas craquer. Rien ne vous arrivera ».

Depuis trois semaines, il gisait dans une pièce au CPRK. Quatre au moins des acteurs de cet incroyable film y sont ou sont passés par là : Pamela, Jammal, Taeymans, Kamerhe.

L’émotion du départ a disparu. Des rangs se sont mis à se déconfiner…

Le Di Pietro congolais a terminé son instruction et a transmis le dossier du « Vice-Président » à un juge.

Le brillant journaliste américain Stephen Smith avait raison.

A un bar d’un hôtel dans un pays de l’Est, pendant les années de guerre congolaises, il m’a eu ces mots : « Le Congo est comme un pneu. Qui sait se dégonfler, s’ouvrir à vous, vous attirer et vous enfermer ».

T. MATOTU.


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