- jeu, 28/11/2019 - 04:29
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1473|JEUDI 28 NOVEMBRE 2019.
Tension extrême au Kongo Central. A Matadi, nul ne se résout à parler. Pierre-Anatole Matusila Malungeni Ne Kongo, le Président de l’institution parlementaire locale, se terre...
Quand un envoyé du «Soft International» arrivé la veille, cherche à l’interroger dans son cabinet sur la situation trouble que vit la province, le médecin répond qu’il ne peut parler, invoque la tradition séculaire Ne Kongo qui veut que quand il y a problème en famille, on garde silence jusqu’à l’éclaircie. Espérant «le problème» se régler «vite», Matusila jure, devant un collaborateur, de se confier en primeur à un «grand journal du pays» qu’il connaît...
LA MORT N’EFFACE RIEN.
Quel «problème»? Quand espérer une éclaircie? Motus et bouche cousue pour l’opposant qui, en 2006, eût le toupet d’annoncer sa candidature à la présidentielle contre Kabila mais s’affaissa, à sa première sortie en public, au bas du micro, mitraillé par une crise inconnue...
Le médecin fut évacué dans une ambiance de tragédie vers un centre médical. Il ne communiqua pas sur cette attaque perpétrée à la Place YMCA, là d’où partit le mouvement de l’Indépendance avec à la tête le Ne Kongo «Mbuta Muntu Kasavubu». Pour Matusila, le débat électoral et politique était clos.
Elu plus tard député de Madimba - le pays Bantandu - dont la ville phare est Kisantu, l’homme qui revendique l’héritage de Kasavubu au point d’avoir tenté de ressusciter son parti ABAKO, l’Alliance des Bakongo, est porté le 11 mars 2019 à la tête de l’Assemblée provinciale quand l’opinion clivante lui conteste tout. Au moins, Matusila sait-il que cette province aux quatre ethnies clés - les Ntandu, les Ndimbu, les Nianianga, les Nyombe - très ancrées chacune dans son histoire glorieuse et ses traditions séculaires, est prête à lui déclarer une guerre de cent ans... Voilà la province qui s’est liguée contre son gouverneur Jacques Mbadu Nsitu plusieurs fois à la tête de l’ex-Bas-Zaïre dont le corps n’a pu être rapatrié, la population lui a refusé une dernière sépulture chez lui à Boma où il a érigé un palais royal ou, mieux, à Tshela où il trouve ses origines Yombe.
Dans le pays Ne Kongo, la mort n’efface rien...
Le gouverneur foudroyé à Kinshasa dans la journée de 19 juillet 2018, à l’approche du Palais du Peuple où il se rendait à bord de son tout-terrain Toyota pris en charge par une escorte de véhicules, pour un événement politique majeur - Joseph Kabila allait parler à la Nation dans l’une de ses rares adresses - fut admis aux soins intensifs à l’Hôpital du Cinquantenaire tout proche. Le gouverneur n’ouvrira plus l’œil...
Mais la nouvelle de décès de celui qui défia son propre parti politique PPRD en se présentant en indépendant à l’élection de gouverneur avant de s’en rapprocher, fut fêtée comme un jour de libération dans les villes, cités et villages du Kongo Central. Le roi est mort... Vive le roi, son successeur Atou Matubuana Nkuluki, un ancien du parti ARC, qui fut longtemps son vice-gouverneur passé au parti PPRD (présidentiel) avant d’être élu gouverneur et d’adhérer à la plate-forme (présidentielle) FCC, est cité dans un sextape. Il aurait piégé son vice-gouverneur quand dans une déclaration, le FCC s’empresse de lui retirer sa confiance et réclame sa démission ou sa révocation par le Président de la République. Son mal : avoir défié et battu (26 contre 12) le candidat officiel PPRD-FCC, un autre ex-gouverneur Yombe, Simon Mbatsi Mbatsia... Atou s’est jeté dans la forêt en organisant une résistance farouche...
FOUDROYE.
S’il se trouve des députés pour réclamer sa destitution, au vote, une majorité d’élus (21 contre 19) lui reste fidèle, mettant, à une délégation politicienne kinoise peu au courant dépêchée la veille, une raclée d’indépendance toute Ne Kongo. Mais voilà que l’anti-Atou président de l’Assemblée provinciale est aux cordes. Une motion de défiance s’apprête à le déchoir. Un ténor de la vie politique nationale, le député de Kasangulu passé à la province, est bon pour le service. Son propre frère Muntandu Jean-Claude Vuemba Luzamba proche du richissime ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe. Alors que Vuemba s’apprête à monter dans sa voiture pour aller prendre le marteau de la chambre parlementaire, ses belles pompes italiennes retiennent ses pieds. Foudroyé! Un sabot de Denver cloue au sol ce député au verbe haut...
Ses collègues l’attendent en vain. Sur les réseaux sociaux, la nouvelle devient virale.
Dans un état critique, Vuemba a quitté Matadi et sa cité Kasangulu.
Admis aux soins intensifs dans un établissement hospitalier à Kinshasa, il passe d’un hôpital à un autre et reçoit des «vieux potes». L’un d’eux lui apporte une petite enveloppe «inespérée très appréciée» qui l’aide à honorer ses soins. Depuis, ses médecins lui ont prescrit un repos complet et ont conseillé un centre de retraite où, surveillé par son éternel cuisinier, les visites sont filtrées.
Les ancêtres qui l’ont préservé à YMCA ont sauvé Matusila. En attendant ceux de Vuemba?
Des mystérieux accidents qui rendent prudents l’élite locale qui n’ose pas s’exprimer sur le chaos que vit la province. Même Atou toujours gouverneur qui reçoit des soutiens appuyés à Kinshasa, reste introuvable - son téléphone sonne aux abonnés absents, il a changé de carte SIM - quand tout le monde dit qu’il est présent au Kongo Central. Là où l’élite fédérée fit la différence au débat du démembrement du pays...
Contrairement à ce qui se passa ailleurs, l’ex-Bas Zaïre décidait de maintenir indivisible «le patrimoine légué par Mbuta Muntu Kasavubu» alors que partout, les élites dépeçaient leurs territoires afin que chacun trouve un maroquin, au sein de sa tribu rassemblée.
Si le Kivu ne put poursuivre son dépeçage, le Kasaï fut le grand déménagement (six provinces) suivi par trois autres provinces démembrées chacune en cinq provinces mais le Bandundu moins gourmand prit l’option d’aller à trois (Kwilu, Kwango, Maîndombe).
Le Kongo Central est-il rattrapé par ses démons? Obnubilée par le désir d’administrer une leçon de cohésion aux autres provinces, celle qui se vante d’avoir été la première à être au contact avec la civilisation occidentale veut avancer.
A Matadi, ceux qui ont le plus dirigé la province sont les Bayombe (peuple à l’extrême est entre les deux rives et proche du Congo Brazzaville), l’ethnie du premier président du Congo, Kasavubu toujours majoritaire au Sénat avec quatre membres à la Chambre haute. La gestion des ambitions est l’arbre qui cache la forêt. Car au Gouvernement national, pas un Muyombe quand dans le passé, «ils régnaient en maîtres», accuse un ténor d’ailleurs. Inacceptable au Bas-Fleuve.
RATTRAPEE?
L’arrivée d’un homme du centre, Mundimbu de Mbanza Ngungu, Atou Matubuana Nkuluki, ne fut tolérée que lorsqu’il forma un ticket avec un jeune du Muyombe Bas-Fleuve Justin Luemba qu’il voulut sacrifier par le sextape de sa secrétaire Mimi Mathy Muyita... Atou n’a pu être pardonné. Quoique Vuemba l’a rejoint avant d’être foudroyé par les anciens.
L’entrée en scène de ce Muntandu de Kinvula est-il un appui à un ticket consensuel porté par un Mudimbu géographiquement proche? Son accident - l’enflement de ses pieds au moment où il s’apprête à arracher le marteau de son frère Muntandu Pierre-Anatole Matusila Malungeni Ne Kongo - est-il compris, dans un pays où le fétiche et la sorcellerie sont rois, comme un message subliminal d’outre-tombe?
Nul doute, le Kongo Central se dirige vers la partition. Trois provinces sur le papier. L’Embouchure (pays Yombe, capitale Boma avec Lukula, Seke Banza, Tshela); les Cataractes (pays Ndimbu capitale Matadi avec Luozi, Mbanza Ngungu, Songololo), la Lukaya (pays Ntandu avec capitale Kisantu avec Madimba, Kasangulu et Kinvula).
Si Matusila, Vuemba et un certain Kikoka iraient à la Lukaya, Gilbert Kiakwama, Jacques Lungwana, Déo Nkusu, Ne Muanda Nsemi et Atou se retrouveront dans les Cataractes quand les Yombe et les Nianga se voient dans la nouvelle province de l’Embouchure avec deux villes Muanda et Boma. Là où se retrouveraient l’éternel candidat malheureux Mbatsi Mbatsia, l’opposant extrême Puela et... un certain élu local Fuani qui, ces temps-ci, a la cote...
T. MATOTU.