Au Palu, la succession s’engage dans la plus grande turbulence
  • jeu, 28/11/2013 - 23:18

Le clan Pende du Parti Lumumbiste Unifié avec en tête la «reine mère», paraît s’être rendu coupable d’abus de faiblesse sur la personne d’un héros physiquement diminué - à en croire tous les observateurs - avec pour objectif de faire main basse sur un héritage qui semblait lui échapper au profit d’une base rangée comme un seul homme derrière une femme de caractère, l’Ambuun Laure Marie Kawanda Kuyena.
Plus de 15 jours déjà que dure la résistance des militants du Parti Lumumbiste unifié, PALU qui occupent le siège de leur parti à Matete, sur le boulevard Lumumba, et paralysent ainsi les activités. Depuis le 10 novembre, nul n’a mis les pieds au siège d’un des plus vieux parti du pays qui se réclame de l’idéologie lumumbiste et dont Antoine Gizenga Funji est resté, à ce jour, le continuateur fidèle pareil à nul autre.
A l’origine de cette paralysie dont personne ne prédisait l’issue se trouve la nomination de Willy Makiashi comme secrétaire permanent et porte-parole du parti, en remplacement de Mme Laure Marie Kawanda Kayena, qui elle, cumulait, ces mêmes fonctions avec celle de «Représentant du Secrétaire général, Chef du Parti», ce que personne avant elle n’avait jamais été. Ni Thérèse Pakasa chez qui Gizenga posa ses valises à Matete, retour d’exil en 1991, ni Godefroid Gifuza Ginday, ni Jean-Claude Biebie, ni même Godefroid Mayobo Ngatien, le seul jusqu’ici à avoir occupé à deux reprises le poste de Secrétaire permanent et porte-parole du Palu au point que quand il devint ministre près le Premier ministre Antoine Gizenga, certaines langues superstitieuses ne manquèrent pas de dire qu’il tenait le vieux patriarche en laisse par une alliance mystique.
«FAITES DEMI-TOUR SINON… »
Pour les militants du Palu, spécialement les fameux A5 - ceux qui ont pour mission d’assurer la sécurité des lieux, des hommes et des événements au sein de ce parti - si la décision portant nomination du député «élu» de Gungu émane bien de «Mashita a Gizungu» - ce qui signifie en langue Pende lieu de repos, la résidence de Gizenga située à l’Est de la ville -, il n’est cependant pas certain que Gizenga ait signé de sa propre main cette décision. Avec ce doute, naît la résistance d’une centaine de militants au départ.
Un groupe qui va s’accroître au fur et mesure que la poignée de cadres, sans doute, à l’origine, du coup fourré contre Kawanda, multiplie les fautes pour asseoir un pouvoir que la base du Palu - «le peuple du Palu» - consacré par tous les slogans comme le seul détenteur du pouvoir, rejette avec véhémence. Bonne joueuse, Mme Kawanda s’empresse de féliciter son remplaçant qu’elle invite à se rendre au siège du parti pour la passation des pouvoirs, dès mardi 12 novembre à 9 heures.
Mais la veille de ce rendez-vous de remise et reprise, soit lundi 11 novembre, «la bande à Makiashi» commence à dévoiler, sans frais, son jeu qu’il avait pourtant intérêt à cacher. Le crime parfait n’étant pas possible, surtout dans un vieux parti blanchi sous le harnais de la vigilance déjà depuis les années dictature où chaque pas marqué ne devrait l’être que lorsque l’on était sûr de ne pas se faire prendre à défaut par la police politique du mobutisme répressif à souhait. Les cadres Pende ont oublié la leçon alors que les A5 l’ont retenue pour la vie. Eux qui en ont vu des verts et de pas mûrs.
Alors, ils se mettent à guetter les fautes de ces cadres que plus rien n’intéresse, sinon le pouvoir, rien que le pouvoir. Avec tout ce qu’il procure comme avantages et honneurs.
Première faute: Laure Marie Kawanda Kayena trouve porte close chez Gizenga qu’elle veut rencontrer pour lui dire merci pour la confiance placée en elle un an et demi durant et lui annoncer la date de la cérémonie de remise et reprise. Devant le portail même de la résidence du patriarche, dans la lointaine banlieue de Kinshasa, une escouade de policiers dépêchés d’un commissariat lointain, selon des sources proches de la police, tient en respect le véhicule de celle qui est encore la Secrétaire permanente et porte-parole du parti, Représentant du Secrétaire général, Chef du Parti, et la braque carrément. «Faites demi-tour sinon…». C’est le début du commencement.
Mais de qui donc est venu l’ordre de ne pas laisser Mme Kawanda sous aucun prétexte approcher la résidence du vieux patriarche? De «Mama Anne Mbuba», répond un policier imprudent.
Anne Mbuba est l’épouse de Gizenga. A ce titre, les militants lui vouent quasiment le même culte qu’ils réservent à son mari. Mais depuis que le Palu a accédé au pouvoir à la suite des élections de 2006, son étoile a commencé peu à peu à pâlir dans la tête des militants à cause de ses intrigues pour placer essentiellement les membres de sa famille dont les plus en vue sont les l’ancien candidat Premier ministre Jean-Claude Mashini.
Les militants du Palu lui en veulent particulièrement pour l’argent de la Com-A-Sol (la branche économique du parti) qu’un de ses parents a dérobé en tapant dans la caisse. Au moins 250.000 dollars volés par ce quidam disparu dans la nature avant d’être rattrapé à Brazzaville. La Queen Mother du Palu n’est plus en odeur de sainteté.
«Plus personne n’est prête à mourir pour une intrigante», confesse un chef de base qui avoue «qu’elle ne mérite plus que le respect protocolaire que l’on doit à toute personne. Elle a perdu l’estime de tous». Selon les militants, c’est encore elle qui a orchestré le coup qui a porté Makiashi à la permanence du parti. «C’est elle qui a béni le recours au faux», jure un militant de Gungu qui dit connaître la boulimie du pouvoir de l’épouse Gizenga.
Deuxième faute: le soir même du 11 novembre, alors qu’elle venait de manquer l’occasion de faire asseoir leur coup, la bande à Makiashi obtient le renfort de la police qui débarque au siège du Palu et dans une altercation avec des militants, ouvre le feu sur des hommes non armés. Un militant, Batela Ndaka, s’en tire avec une balle au bras gauche. Le soir même, il est reçu à l’hôpital militaire du camp Kokolo où il se fait extraire la balle.
Cet épisode exacerbe la colère et la détermination des résistants. Dans la foulée, calicots et banderoles apparaissent, traitant Makiashi de «voleur» et dénonçant la tribalisation du parti par les Pende. «Makiashi, voler n’est pas bon», ou «Le Palu n’est pas un parti des Pende mais un parti national», peut-on lire sur quelques banderoles au vent.
ACTEURS EN PRESENCE.
Dans cette bataille pour le contrôle du Palu s’affrontent en réalité deux conceptions du pouvoir qui sont caractéristiques de la classe politique congolaise, et par delà de toute la société congolaise.
Il y a d’abord, le camp de Willy Makiashi, prototype du parvenu qui incarne l’aile tribalo-politico-maffieuse du Palu et qui réunit en lui tous les vices que les Congolais ont fini par banaliser et tolérer parfois au point même de les exalter. Dans ce camp se retrouvent essentiellement le clan Mbuba et tous les cadres Pende qui sont au Palu, par conviction ou par opportunisme. Autour d’eux gravitent d’autres cadres issus de divers groupes sociologiques, essentiellement des exécutants ou des demandeurs d’emplois politiques qui font allégeance. C’est le Palu des cadres qui, depuis l’exercice du pouvoir, le lait et le miel qu’il offre, se sont coupés de la base et gravitent dans l’espace, refusant de se nourrir de la sève vivificatrice de l’idéologie du parti contenue dans les cinq documents de base. Ils se sont embourgeoisés et considèrent depuis les militants comme des moins que rien. Les résistants du siège de Matete les accusent de se servir de la base comme d’un escalier.
Ensuite il y a le camp de Laure-Marie Kawanda qui représente les humbles militants de la base, les sans babouche, les hommes à la chemise fatiguée, les hommes du troisième âge ; tous ceux que plus personne d’en haut ne daigne regarder, ou selon une expression qui met en colère les militants et utilisée par une correspondance adressée au ministère de l’Intérieur pour requérir la force en vue de les déloger, « les individus » inciviques. C’est ce PALU là d’en bas que Kawanda a su rassembler pendant les 13 mois de son règne. Ces hommes et ces femmes à qui elle a su redonner l’espoir d’un avenir meilleur après que les années-pouvoir dominées par le camp d’en face leur eurent ôté tout espoir. C’est ce Palu-là qui croit que quoi qu’il en soit, « le peuple vaincra » parce que c’est lui, le peuple qui est chef, qui s’est levé pour dire non à Makiashi et par ricochet dire non à Gizenga si vraiment tel est son choix.
Le combat paraissait inégal dès le départ entre le camp Makiashi dont les membres ont accumulé des moyens et ne lésinent pas à en faire usage, comme dans les médias audiovisuels où ils distribuent des poignées de dollars pour empêcher le camp adverse de s’exprimer. Mais tout cela semble ne pas payer face à la détermination des hommes et femmes qui ont pris les valeurs de leur parti comme seuls moyens, armes et défense. Convaincus qu’ils sont que la poignée de cadres Pende autour de la Queen Mother se sont bien rendus coupables d’abus de faiblesse en assiégeant un homme de troisième âge, l’obligeant de bénir l’immoralité d’un acte abject.
GIMEYA GASONGO MEYA.

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