- ven, 04/07/2025 - 08:31
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1639 | LUNDI 16 JUIN 2025.
Face aux tergiversations du régime rwandais, Donald Trump a haussé le ton.
Ce fut au départ «une exhortation» - les États-Unis exhortent le Rwanda à cesser tout soutien au M23, «le Rwanda devrait cesser tout soutien au M23» et «retirer ses troupes de l'Est du Congo» mais désormais c'est «une exigence» - les États-Unis exigent que le Rwanda retire toutes ses troupes du Congo».
Une condition posée par Washington avant la signature d'un accord de paix entre Kinshasa et Kigali. Face au régime rwandais, Donald Trump change de ton. Face aux tergiversations du maître de Kigali, le président américain est entré en colère. Jusqu'où iront les Américains quand Kinshasa monte en puissance sur le plan diplomatique?
À croire des sources américaines citées mardi 10 juin par l'agence mondiale Reuters, Washington travaille sur un accord qui obligerait le Rwanda à retirer ses troupes de l’Est du Congo, troupes estimées entre 7.000 et 12.000 soldats. Il s'agirait d'un retrait complet des forces rwandaises, armes et matériel militaire avant toute signature formelle. Des soldats rwandais éparpillés dans le Nord et le Sud-Kivu.
Un retrait présenté comme un préalable essentiel à toute progression vers un règlement pacifique du conflit. L’administration Trump mène ces négociations dans le double objectif de mettre fin aux combats et d’attirer des milliards de $US d’investissements occidentaux dans cette région riche en minéraux.
Un projet d’accord de paix consulté par Reuters stipule qu’une condition de signature est le retrait des troupes, des armes et du matériel rwandais du Congo. L’authenticité de ce document, non daté, a été confirmée par quatre sources diplomatiques, qui précisent qu’il a été rédigé par des responsables américains.
«ALLER VITE».
«Le projet va au-delà de la déclaration de principes signée en avril à Washington par les ministres des Affaires étrangères des deux pays en présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio », rapporte Reuters.
Une condition qui froisse sinon énerve le régime de Kigali, qui présente les groupes armés opérant au Congo comme une menace existentielle quand le Rwanda nie depuis longtemps tout soutien militaire au M23, affirmant que ses forces agissent en état de légitime défense contre l’armée congolaise et les rebelles hutus FDLR liés au génocide antti-Tutsis de 1994.
Le projet américain prévoit aussi un Mécanisme conjoint de coordination sécuritaire qui inclurait des observateurs militaires rwandais et étrangers pour aborder les questions sécuritaires, notamment la présence de milices hutues rwandaises. Des analystes estiment que le groupe le plus souvent évoqué, les FDLR, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, ne représente plus une menace significative pour le régime de Kigali, même si le régime Kagame continue de les désigner comme une menace sérieuse.
Toujours selon le même document, Kinshasa s’engagerait à permettre au M23 de participer à un dialogue national «sur un pied d’égalité avec les autres groupes armés non étatiques de la RDC». Une concession importante pour le gouvernement congolais, qui considère le M23 comme un groupe terroriste soutenu par le Rwanda.
En mai dernier, en marge de sa tournée diplomatique et commerciale en Afrique de l’Ouest, l’ambassadeur Troy Fitrell, haut fonctionnaire du Bureau des affaires africaines au Département d’État américain, avait insisté sur l’urgence d’un accord. « Je dirais que si vous aviez attendu un accord de paix complet, vous auriez attendu pendant les 30 dernières années. (...) Nous voulons une évolution rapide. Et jusqu’à présent, les choses vont dans ce sens», avait-il déclaré.
L’annonce de ce projet intervient alors que Kinshasa et Washington négocient en parallèle un partenariat stratégique dans le domaine des minerais critiques. Objectif : restaurer la paix et créer les conditions d’un afflux de capitaux américains dans une région au potentiel économique colossal, en particulier dans le secteur des ressources minières stratégiques.
Face à cette pression, Kigali tergiverse, incapable d’accepter une nouvelle dynamique régionale fondée sur un partenariat renforcé entre Washington et Kinshasa, axé sur la stabilité et une prospérité partagée.
La nouvelle posture américaine est appréciée à Kinshasa qui voit la reconnaissance de la responsabilité du Rwanda dans le conflit en cours. «Les États-Unis reconnaissent implicitement que la présence de forces étrangères, en particulier rwandaises, est un facteur de déstabilisation du Congo. Cette exigence est précieuse, car elle signifie que la souveraineté et l'intégrité territoriale du Congo sont reconnues comme le pilier essentiel de tout accord. Cela donne aux Congolais l'espoir que la fin de leurs souffrances est proche et que leur pays retrouvera bientôt sa souveraineté», se réjouit un activiste.
Ces derniers temps, la diplomatie congolaise a enregistré d'importants succès à New York et sur le Continent. Il y a eu début octobre 2024 l’élection au Conseil des Droits de l'homme des Nations Unies (le retour du Congo après une précédente élection en 2017) malgré de sévères critiques sur les conditions de détention dans le pays quand l'Arabie Saoudite y a essuyé un revers. Il y a le 3 juin 2025 la double élection au Conseil de Sécurité des Nations Unies comme membre non permanent 2026-2027 avec 183 voix sur 187 qui confirme le rétablissement de la confiance internationale et, en même temps, au poste de Vice-Président de la 80e Session de l’Assemblée générale de l’ONU qui débute le 9 septembre 2025. Quand Kigali est de plus en plus isolé. Sur le continent, le Rwanda a essuyé un revers samedi 7 juin à Malabo, en Guinée Équatoriale, lors de la CÉÉAC où la présidence tournante lui a été refusée. Kigali y a vu «l'instrumentalisation de la CÉÉAC par Kinshasa avec le soutien de certains États membres» et a annoncé son départ. Tout ça après avoir rompu ses relations diplomatiques avec l'ancienne puissance coloniale belge, qualifiée par Kagame de la « petite » Belgique qui aurait œuvré pour que l’Union Européenne décide, à l’unanimité, le 17 mars, d’infliger des sanctions contre le Rwanda.
Cela explique-t-il que l'ancien président Joseph Kabila aie décidé de dépêcher à Washington l'un de ses lieutenants Kikaya Bin Karubi?
« Je suis venu rencontrer les officiels du Congrès, de la Chambre des représentants, du Conseil de sécurité nationale, certains milieux qui réfléchissent sur la question de la RDC et notamment des organisations comme Human Rights Watch», a déclaré l'ancien secrétaire particulier de Kabila rencontré dans la capitale américaine et qui chercher à expliquer aux Américains « le bien-fondé du retour actif en politique de Joseph Kabila, défendre la famille politique de Kabila, ses idées et faire comprendre la situation réelle du pays qui vit une catastrophe avec le régime actuel» et qui craint « un mandat d’arrêt international» émis par Kinshasa.
D. DADEI.