Cohésion mode d’emploi
  • lun, 03/02/2014 - 01:35

La cohésion ne se décrète pas ; elle s’acquiert sur du succès économique.

Sus prétexte de besoin de cohésion, l’ambiance est devenue lourde. Une sorte de chienlit prend place. Eclairage.
Au lendemain de son élection, le président François Hollande a cru inverser la courbe du chômage - enjeu électoral ultime des Français - par du saupoudrage sans s’attaquer aux questions fondamentales de la société que sont la croissance, l’emploi, le pouvoir d’achat. Contraint par la pression sociale, il a dû avouer publiquement qu’il s’était trompé de stratégie et a changé de fusil d’épaule.
Le 13 janvier, lors de sa conférence de presse annuelle, le Chef de l’Etat s’est déclaré social-démocrate, concept que laborieusement, il avait toujours évité de mettre dans sa bouche afin de ne pas être en porte-à-faux avec la ligne politique générale du Parti socialiste. «Celui qui n’a pas compris que je suis social-démocrate n’a qu’à poser la question», avait-il répondu au Palais de l’Elysée, sous les ors de la République, au journaliste de France Inter, Yvan Levaï.
Concert d’applaudissements à Berlin, Londres et Washington. Approbation unanime dans l’Hexagone jusque dans l’opposition de droite. L’ovation est telle lorsque deux hommes, deux sages de la droite, deux anciens Premiers ministres de Chirac, Alain Juppé (18 mai 1995-2 juin 1997), Jean-Pierre Raffarin (6 mai 2002-31 mai 2005) saluent publiquement le tournant politique de la présidence de François Hollande qu’on se prend à rêver au grand soir de cohésion nationale française. Décidé de conduire le retour de la France sur la scène mondiale en lui faisant jouer tout son rôle, François Hollande a déployé sa triptyque: remettre le pays au cœur des dossiers diplomatiques du monde suppose faire montre d’indépendance nationale dans la prise des décisions, ce qui implique une puissance militaire en mesure d’incarner une vision du monde, qui implique une économie qui tourne à plein régime. La DAE, la diplomatie, la force armée, l’économie.

ETRE A L’ECOUTE EST UNE VERTU.
Depuis, le président s’est mis à l’écoute du monde économique, seul à créer de la richesse, donc de l’emploi, comme des collectivités locales.
Il a approché le patronat - le Medef, Mouvement des entreprises de France - et négocié le compromis historique, le virage économique du septennat en lançant le Pacte de confiance et de responsabilité, le donnant-donnant.
L’Etat dégage des moyens pour les entreprises par une série de réformes liées aux cotisations sociales des entreprises. En contrepartie, les entreprises s’engagent à créer des emplois et à réduire le mal qui répand la terreur: le chômage.
En clair, quatre chantiers ouverts:
- Poursuite de l’allègement du coût du travail avec en 2014 la fin des cotisations familiales pour les entreprises et les travailleurs indépendants.
- Diminution du nombre de taxes par une planification et une modernisation de la fiscalité sur les entreprises.
- Simplification par la réduction du nombre de normes et de procédures.
- En revanche, des contreparties doivent être définies et déclinées branche par branche. Elles porteront sur des objectifs chiffrés d’embauches, d’insertion des jeunes, de travail des seniors, de qualité de l’emploi, de formation, d’ouvertures de négociations sur les rémunérations et la modernisation du dialogue social.
Du coup, Hollande taille des croupières à son prédécesseur de droite, candidat malheureux à la Présidentielle, Nicolas Sarkozy dont c’est le programme de retour...
***
Au Congo, il est indéniable que le Gouvernement a fait du résultat.
Tel que présenté samedi 25 janvier par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon, à l’Hôtel du Conseil, sous les ors de la République, lors d’une conférence de presse.
Des chiffres qui parlent. Ils n’ont pas été inventés. Ils sont reconnus par les plus hautes Institutions financières planétaires, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. Sur notre Continent, des pays qui souhaitent en connaître la recette!
Les chiffres déclinés par le Premier ministre Matata:
- aussi incroyable que cela puisse paraître, notre pays est au «3ème rang en Afrique des pays qui ont créé plus de richesse en 2013».
- Son taux de croissance est de... 8,5% certifié par le Fonds Monétaire International. L’objectif était de... 8,2%. Ce taux de croissance est le plus élevé depuis 1970.
- La hausse du niveau général des prix - le taux d’inflation - a été maintenu à 1,03%. L’objectif annuel était de... 4%! Ce taux d’inflation est le plus bas que le pays ait jamais connu depuis l’indépendance. Le Congo logé dans le top 1 africain - celui des pays ayant connu le plus faible taux d’inflation sur le Continent.
- Le taux de change moyen est demeuré stable autour de 923 FC/dollar depuis près de quatre ans. Une stabilité historique et exceptionnelle.
- Du coup, recul du niveau de pauvreté passant de 71 % en 2005 à 63% en 2012, soit une diminution moyenne de 1 point/an.
- Matata fait état d’un exceptionnel bas de laine dont dispose le pays: 1,7 milliard de dollars. Cela ne s’était jamais vu auparavant...
Notre pays pousse la respectabilité.
A-t-il usé de la rigueur? Oui, mais une «rigueur sociale», se vante le Premier ministre, énumérant nombre de réalisations de son équipe gouvernementale:
- 1.000 écoles dont 130 déjà livrées,
- 135 centres de santé équipés,
- le système des transports en commun modernisé avec la création de l’entreprise de transport publique Transco,
- la construction des logements sociaux,
- la reprise de la production au Domaine agroindustriel présidentiel de la N’Sele (DAIPN),
- le lancement des parcs agro-industriels. Etc.
Du résultat qui n’aurait jamais été réalisé «sans l’implication et le soutien personnels» du Chef de l’Etat, «sans son accompagnement tout au long de 2013», spécifie le Premier ministre.
«Le Fonds Monétaire International est comme le médecin. On ne se rend au cabinet du médecin que lorsqu’on a un petit bobo. Mais pourquoi s’y rendre quand le corps répond bien comme c’est le cas aujourd’hui du Congo», se flatte Matata, en réponse à un journaliste qui s’étonnait que le Congo réalise tant de performances sans être en programme avec le FMI.

L’ARGENT
N’AIME PAS LE BRUIT.

Les déclarations du Premier ministre avaient l’avantage d’instaurer un climat propice à l’investissement dont le pays a besoin pour asseoir sa position sur la scène internationale.
Comment expliquer la polémique qui a vu jour, reprise et portée par le patron des patrons congolais, Albert Yuma Mulimbi, lors de ses vœux aux chefs d’entreprise, face à un parterre de membres du Gouvernement dont deux Vice-premiers ministres, de chefs de missions diplomatiques, du président et du 1er Vice-président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo et Edouard Mokolo wa Pombo? Non seulement le président de la FEC (Fédération des entreprises du Congo) a mené une critique des plus virulentes mais voilà que celle-ci a été largement relayée par la télévision publique. Au fond, qui ne comprend le grand embarras des journalistes fonctionnaires, donc payés par l’Etat?
Et si une démocratie mal comprise tuait la démocratie! A Kinshasa, lors d’une récente conférence panafricaine sur la transformation de l’Afrique et l’émergence du Continent, des scientifiques africains, des ministres, des membres de la société civile se sont interrogés sur les questions de la liberté et de la démocratie en constatant que les pays qui ont atteint l’émergence - Singapour, Malaisie, etc. - se sont imposés une sorte de retenue, de la discipline nationale. L’impératif d’émergence suppose une gouvernance axée sur le résultat, il suppose un allègement de certaines contraintes... démocratique. Telles les grèves. Sans les interdire, les protestataires étaient appelés à exprimer leur opinion en se passant un foulard au cou sans observer le moindre arrêt de travail. C’est un général militaire qui l’imposa et obtint du résultat. Il faut citer la Turquie - avec Atatürk (le père des Turcs), Mustafa Kemal Atatürk, ce militaire dictateur éclairé (29 octobre 1923-10 novembre 1938) connu pour sa «révolution kémaliste» - ou la Chine, qui séduit les dirigeants du monde, passée en quelques décennies du statut de pays pauvre à celui de pays émergent et qui constitue le marché du monde. Quelle démocratie existe en Chine? Au nom de l’intérêt général, combien de protestataires ont été mis à l’ombre?
A nos côtés, l’Ouganda, le Rwanda qui nous font des guerres et nous donnent des leçons de ... gouvernance, ne connaissent ni 200 partis politiques, ni 200 radiotélévisions, ni des grèves, ni injures publiques, ni sur des médias et, au nom de l’efficacité, pas un dirigeant du monde ne trouve à redire! Tant que l’économie tourne, avec des armées qui se déploient sur des théâtres étrangers - en Erythrée, au Mali, en Centrafrique où l’armée rwandaise va compter à elle seule près de 5.250 hommes - renforçant leur image internationale!

***
Au Palais du peuple, une révolution tranquille voit le jour. Coup sur coup, trois incidents viennent de s’y produire.
D’abord, l’initiative d’une poignée d’élus autoproclamés Kabilistes. Si la Majorité n’est pas Kabiliste, qu’est-elle? L’idée est partie d’un constat que souvent, les grands - les hommes en première ligne - se taisent systématiquement devant les assauts incendiaires de l’opposition. Ils doivent être complices! Le groupe s’est constitué pour communiquer en voulant renverser les tables. Mais communiquer ce n’est pas parler! Communiquer c’est poser des actes d’adéquation. La tentative de légitimation du groupe a fait chou blanc. Echec et mât!
Puis, le débat sur l’amnistie. Faut-il l’accorder à tous ou à quelques-uns - au Nord-Kivu - dans l’esprit de l’accord-cadre d’Addis Abeba, en attendant d’engager le débat sur les Enyele à l’Equateur, les Bundu dia Kongo au Bas Congo, des violeurs de mineures ou des poseurs de bombes sociales à Kinshasa? C’est la thèse du Gouvernement portée par la Garde des Sceaux Wivine Mumba. Ce n’est pas celle de la Chambre haute proche des thèses de l’opposition.
Réunie au Venus, même salle, la Majorité étale ses divergences et se quitte en ordre dispersé. En commission PAJ-Défense et Sécurité, le chaos est au comble! Logique. La Majorité est-elle la Majorité? Quand en interne, rien ne va, n’espérez rien en externe.
Dernier incident en date: la feuille de route de la CENI. L’abbé-président Apollinaire Malu Malu la présentait en Chambre basse. Alors qu’elle avait annoncé des élections municipales et locales en 2014, elles auront lieu en 2015.
Le Sénat peut demeurer en place dix ans... jusqu’en 2017 comme les assemblées provinciales et les gouverneurs et vice-gouverneurs. Des scrutins - une innovation - au suffrage indirect. L’opposition crie au scandale.
Les «grands» de la Majorité se taisent, ne boudent pas leur plaisir, se léchant les babines. L’opposition a compris: la Majorité est avec elle. Elle claque la porte en se répandant sur la multitude des médias congolais. Vive la liberté, vive la démocratie!
Au Congo, la guerre civile est permanente!
Comment dans cet environnement toxique affermir l’économie? D’aucuns pensent que l’apaisement viendrait avec l’équipe gouvernementale annoncée. C’est peu sûr.
D’abord jamais la cohésion ne se décrète. Elle s’acquiert jour après jour, se vit, au prix d’efforts soutenus, grâce à la stabilité qui n’est possible que par la présence d’un pouvoir d’Etat arbitre. Or, faire le Maï-Maï est désormais un jeu commun national. Le cas du Katanga où le Chef de l’Etat a décidé de reprendre la main par l’instauration de l’autorité de l’Etat, interpelle.

MINISTRES? COMBIEN
EN NOMMER?

Ensuite, le Président a beau être de bonne foi, il ne saurait nommer ministre chacun des candidats. Jamais un Gouvernement n’est formé de 1.000 membres. Même si c’était le cas, il en resterait encore nombre dehors. Au lendemain de l’annonce de l’équipe gouvernementale, les mécontents seront légion - surtout dans la Majorité - qui formeront la nouvelle légion de mécontents et de traîtres. Si, en interne, le projet de Concertations a été pertinent, l’heure de sa libre évaluation a sonné. Si le Président de la République a tout donné à ces Concertations, il faut s’interroger sur ce qu’il a reçu en retour. A l’heure où nous allons sous presses, rien! Le donnant-donnant a collapsé! La cohésion nationale se pose-t-elle en termes de distribution de maroquins au profit des opposants étiquetés qui se feraient fort de conduire une politique autonome, loin de la nécessaire cohésion gouvernementale ou passe par la consolidation de la majorité, les vrais enjeux étant électoraux désormais dans tous les salons?
C’est là où le discours du président des présidents congolais, Albert Yuma, devient consensuel. Il a donné le portrait-robot du membre du futur Gouvernement qui aura à cœur la valeur de la Loyauté au Président de la République. Comment mesurer cette valeur?!
Face aux échéances qui arrivent, la Majorité doit d’abord s’investir pour le Régime. Tous pour un: le Régime, donc Kabila!
Il faut à la Majorité des personnalités qui drainent des foules et ont fait leurs preuves, mobilisent, disposent d’un fief.
Il faut moins nos appareils souvent formalistes, hypocrites, parce que plombés - il suffit d’aller au Ministère de l’Intérieur, chaque membre prééminent a déjà en poche son parti politique - en dépit des fanions que l’on rencontre dans la jungle, sur nos routes, acquis avec des millions de l’Etat. Ceux qui sillonnent le Katanga à la recherche de la cohésion n’appartiennent pas à un parti; ils appartiennent au Katanga et que le Katanga reconnaît sociologiquement.
T. KIN-KIEY MULUMBA.

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