L’ancien médecin personnel de Tshisekedi parle au Soft
  • mer, 26/04/2017 - 04:07

«Les évêques ont pris fait et cause pour l’aile katumbiste du Rassemblement», nous déclare Dr. Tharcisse Loseke Nembalemba

Mobutu avait exigé à ce neurologie affecté aux Cliniques Universitaires de Kinshasa d’examiner Etienne Tshisekedi souffrant de traumatisme crânien après une énième altercation avec les forces de l’ordre et d’attester que sa santé psychique et mentale laissait à désirer, ce qui aurait permis au Léopard d’humilier son opposant et de le déclasser politiquement mais le Dr. Tharcisse Loseke Nembalemba, invoquant son Serment d’Hypocrate, n’obéit point. Mobutu ordonna son emprisonnement. A l’initiative de Genval, aux côtés d’Etienne Tshisekedi dont il devint proche et médecin personnel, avec le Premier ministre Bruno Tshibala alors personnage clé de l’UDPS, le Vice-ministre aux Finances critique la partialité des évêques catholiques qui ont pris, nous dit-il, «fait et cause pour «l’aile katumbiste du Rassemblement», oubliant que l’église doit être et demeurer «au milieu du village».

Vice-ministre aux Finances, le Dr. Tharcisse Loseke fut à l’origine de l’initiative du Conclave de Genval, aux côtés d’Etienne Tshisekedi, avec le Premier ministre Bruno Tshibala alors personnage clé de l’UDPS. Le nouveau Premier ministre fit partie, avec Charles Mwando Nsimba, de la délégation qui fut reçue par le Vice-premier ministre belge en charge des Affaires étrangères Didier Reynders, signe de la place qu’il occupait au sein du Rassemblement qui venait de naître. Tharcisse Loseke Nembalemba critique la partialité des évêques catholiques qui ont pris fait et cause pour «l’aile katumbiste du Rassemblement», oubliant que l’église doit être et demeurer «au milieu du village».

On vous a connu très proche de feu Etienne Tshisekedi dont vous étiez médecin personnel. Vous avez souffert à l’époque du régime Mobutu jusqu’à la prison. A quelle aile du Rassemblement appartenez-vous?
J’étais très proche du Président Etienne Tshisekedi, paix à son âme. Je veux souligner que j’ai connu cette personnalité hors normes en 1988 dans le cadre de mes fonctions de médecin spécialiste en neurologie. Il m’a été confié par réquisition du Parquet général de la République en vue d’une expertise suite à une altercation avec les forces de l’ordre qui ont provoqué un traumatisme crânien. Il m’avait été demandé d’établir une attestation médicale qui devait attester son état de santé psychique et mental. A la suite d’examens cliniques et paracliniques, j’ai conclu à un examen médical strictement normal. Cela m’a valu des ennuis car derrière ces examens, il y avait un aspect politique. Les autorités politiques du Zaïre de l’époque au sommet voulaient déclarer, M. Tshisekedi dérangé mentalement. Ce que je n’ai pas fait puisque je suis tenu par ma déontologie et par mon serment d’Hypocrate et j’ai accompli mon travail normalement. Cer refus m’a valu la peine de prison. A ma sortie de prison, je suis resté proche de Tshisekedi jusqu’à sa mort. Je suis resté au pays pendant 21 ans comme enseignent à l’université. J’ai gravi presque tous les échelons académiques et, au plan, politique, j’ai eu une carrière riche parce que j’ai été ministre deux fois après les pillages de 1990 et lors du gouvernement issu de la transition de 1992. Médecin et proche collaborateur, en juin 2016, nous avons lancé un regroupement politique Le Rassemblement à la suite du Conclave de Genval. Pour nous, le Rassemblement est un et indivisible par rapport aux objectifs qu’on avait assignés à ce regroupement à savoir respect de la Constitution à la date du 19 décembre 2016 et alternance au sommet de l’Etat. Malheureusement, ces deux objectifs n’ont pas été atteints. Pour moi, cette association politique momentanée a cessé d’exister. Comme certains sont allés au dialogue de la CENCO sous le label Rassemblement, je peux dire que j’appartiens au véritable Rassemblement Originel issu de Genval.

Ce Rassemblement Originel n’existe pas de droit, êtes-vous dans l’équipe Badibanga comme UDPS alors?
Je suis au gouvernement comme membre de l’UDPS, Samy Badibanga lui-même était président du groupe parlementaire UDPS et Alliés à l’Assemblée Nationale. Notre parti politique est et demeure en effet l’UDPS.

Monsieur le Ministre, comment réagissez-vous aux critiques de la CENCO qui parle d’«entorse» dans la nomination de Bruno Tshibala comme premier ministre, chef du gouvernement?
La mission que le Chef de l’Etat avait confiée aux évêques était la recherche de l’inclusivité suite à l’Accord du 18 octobre 2016 dit de la Cité de l’Union Africaine. Il aurait fallu que les évêques fassent tout pour se limiter à cette mission de recherche de l’inclusivité. Je peux dire qu’ils ont eu les mérites de faire venir autour de la table une partie du Rassemblement qui était favorable à la logique insurrectionnelle et de confrontation. C’est à la suite de ça que nous n’avons évité des troubles à la date du 19 décembre 2016. Mais c’est l’Accord du 18 octobre qui a donné naissance au gouvernement Badibanga. Les négociations de la CENCO ont abouti à la signature de l’Accord du 31 décembre 2016. Pour moi, cet Accord était mal négocié. Je l’affirme et je le dis de la manière la plus claire. Outre qu’il contient beaucoup de concepts mal explicités, on s’est focalisé sur deux personnalités, le Chef de l’Etat et le président de l’UDPS. Quand on négocie dans ce contexte-là, il y a beaucoup de subjectivités qui font qu’on quitte l’objectivité juridique pour créer des ambiguïtés que nous connaissons. De là l’importance d’une négociation de l’arrangement particulier afin de mettre tout le monde d’accord sur certains passages de l’Accord. Malheureusement, les évêques n’ont pas réussi à faire aboutir l’arrangement particulier. C’est un échec de leur part. Aujourd’hui, le fait pour eux de prendre position pour une partie du Rassemblement, cela est une ingérence intolérable dans les affaires politiques du pays parce qu’ils prennent une position foncièrement partisane qui ne peut qu’amplifier la situation au lieu de chercher des solutions consensuelles. Pour moi, il est impérieux que la signature de l’arrangement particulier puisse intervenir afin de mettre un terme à la confusion à laquelle nous assistons dès lors que chacun interprète certains passages à sa manière.

Vous dites que les évêques se sont politiquement engagés?
Pour le moment oui parce qu’ils s’en sont pris à l’ordonnance du président de la République qui nomme M. Bruno Tshibala premier ministre. D’abord, ces évêques auraient dû avoir une approche plus élégante pour exprimer leur mécontentement ou leur désapprobation au lieu de faire des déclarations incendiaires destinées à la consommation extérieure. Ensuite, j’ai l’impression qu’ils ne connaissent pas très bien M. Bruno Tshibala. Ce dernier est d’abord co-fondateur de l’UDPS et il a milité depuis sa jeunesse jusqu’aujourd’hui au sein de l’UDPS, personne ne peut lui nier cette qualité et il accédé aux hautes fonctions au sein de l’exécutif de l’UDPS en étant à plusieurs reprises secrétaire général adjoint de ce parti et porte-parole. En Belgique, M. Bruno Tshibala et moi-même, étions avec le président Tshisekedi les initiateurs du Conclave de Genval. Ensuite, M. Bruno Tshibala était le modérateur de ce Conclave et l’un des rédacteurs de l’Acte d’engagement de Genval qui a donné naissance au Rassemblement. C’est à ce titre qu’il a signé cet Acte pour le compte de l’UDPS au titre de rapporteur du Rassemblement et de membre du Comité des Sages du Rassemblement. En clair, il était la deuxième personnalité après le président Tshisekedi qui était le président du Comité des Sages et il est resté à ce poste jusqu’au moment où, avec les combines des partisans de M. Moise Katumbi et le secrétaire général adjoint de l’UDPS, M. Félix Tshilombo est née une aile katumbiste au sein du Rassemblement qui revendique actuellement le poste de Premier ministre. Nous pouvons dire qu’actuellement sur le terrain, il y a deux ailes du Rassemblement, l’aile katumbiste et l’aile tshisekediste. Mais nous ne comprenons pas pourquoi les évêques ont pris fait et cause pour l’aile katumbiste. Nous n’en savons rien et cela ne peut que contribuer à l’amplification de la crise dans notre pays. Les évêques auraient dû normalement rechercher la réconciliation et l’unité au sein du Rassemblement. C’est la raison pour laquelle tout le monde est d’avis que les évêques ont franchi le Rubicon. Ils ont complètement empiété sur le terrain politique alors qu’ils doivent rester église au milieu du village.

Accorde-t-on au fond trop d’importance à l’église catholique quand l’Etat congolais est laic, que dans ce pays existent nombre d’autres églises?
Fondamentalement, on ne peut pas reprocher au président de la République, Chef de l’Etat de chercher un médiateur interne pour trouver une solution à la crise politique congolaise. Il avait jeté son dévolu sur la CENCO au lendemain de la signature de l’Accord du 18 octobre 2016 afin de rechercher l’inclusivité de la classe politique dans la formation du gouvernement d’Union nationale. Mais le Chef de l’Etat a fait de bonne foi comme vous le savez, l’église catholique est mieux implantée et contient en son sein pratiquement 60 à 70% des fidèles dans ce pays. Le Chef de l’Etat a tenu compte de la notoriété de l’Eglise catholique. Il ne s’est pas trompé sur ce choix en plaçant sa confiance aux évêques mais malheureusement, les reproches qui lui sont faits maintenant sont inélégants et partisans de telle sorte que cela peut mettre en cause la partialité des évêques par rapport à leur position politique.

Après votre expérience aux côtés du président Joseph Kabila, l’opposant que vous étiez, a-t-il changé sa perception et son jugement de l’homme, du dirigeant Kabila?
Je suis dans un gouvernement d’Union nationale. Et l’expérience de bientôt quatre mois est très passionnante surtout mon passage au ministère des Finances sous la direction du président de la République, Chef de l’Etat. Sous ses recommandations et directives, nous sommes parvenus à réaliser des performances que nos prédécesseurs n’avaient pas atteintes. Nous venons d’être félicités avec mon ministre Henry Yav chaleureusement par les institutions de Bretton Woods. Cela est à mettre au crédit du président de la République, Son Excellence, Joseph Kabila Kabange. En plus, nous avons adopté une politique de gestion rigoureuse des Finances publiques. Cette politique nous a permis de faire des décaissements prévus pour la CENI qui se poursuivent actuellement en dépit de l’absence du budget de l’exercice 2017 non encore adopté par les deux Chambres du Parlement. Grâce à cette gestion rigoureuse, nous espérons stabiliser le cadre macro-économique et espérer organiser les élections dans le délai prévu par l’Accord du 31 décembre 2016.
MARDOCHEE NGOMBE.
YERKIS MUZAMA.


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