Parler moins, agir plus
  • mar, 24/12/2024 - 11:39

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1624|MARDI 24 DECEMBRE 2024.

Communiquer c'est souvent se taire mais agir en posant des actes d'adéquation. La leçon est connue dans les Universités du monde. Trop de communication tue la communication. Face au Rwanda, nous devrions (nous aurions dû) faire mieux : éviter de trop ouvrir la bouche mais agir avec efficacité. Encore qu'ouvrir trop souvent la bouche ce n'est pas toujours communiquer adéquatement. Se taire est souvent une meilleure posture à prendre. Question : pourquoi notre pays aime tant ouvrir la bouche? Alerter son entourage sur un danger qui pointe à sa porte ne manque pas de sens mais est-ce la première action à engager en l'espèce ou il faut au contraire chercher à neutraliser le danger ? Ceux qui dirigent le monde savent. Ils frappent. Et communiquent après.
Les États-Unis en Irak face à Saddam Hussein exécuté par pendaison à Bagdad, le 30 décembre ; la Russie face à l'Ukraine désormais quasi détruite ; Israël face au mouvement palestinien Hamas qui voit tous ses chefs anéantis un à un où qu'ils se trouvent dans le monde. Pareil pour le groupe islamiste chiite libanais Hezbollah. Les exemples sont légion. Pense-t-on que les Maîtres du monde pourraient avoir une autre perception des relations entre les États qui mettrait de côté la puissance? Si tel est le sens de la communication publique congolaise, c'est taper à côté.
Rappelons ces mots du président français Emmanuel Macron prononcés les yeux dans les yeux, le 4 mars 2023, avec solennité, à Kinshasa, au Palais de la Nation, siège de la présidence de la République, face à son homologue congolais, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, devant la Nation, devant le monde, après des propos récusés d'un journaliste congolais, allant jusqu'à le ridiculiser : « Je suis pour la vérité, toute la vérité. Je suis prêt à ouvrir toutes les pages de l'Histoire. (...). Vous avez fait un raccourci qui n'a rien d'historique, ni de juste entre le rôle qu'a pu jouer la France dans cette page sombre dans la sous-région et la situation dramatique que j'ai évoquée, la deuxième guerre, avec les millions de morts, de votre pays, dont je rappelle la gravité. Donc, je récuse le raccourci que vous avez fait (...). Soyons clairs. Depuis 1994, plusieurs pays de la sous-région - pas qu'un - sont entrés dans votre pays et plusieurs groupes rebelles y ont prospéré, captant d'ailleurs beaucoup de richesses, minières, économiques qui devraient revenir à votre pays. Depuis 1994 - et c'est pas la faute de la France, pardon de le dire dans des termes aussi crus - vous n'avez pas été capables (votre pays n’a pas été capable, ndlr) de restaurer la souveraineté, ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative. Faut pas chercher des coupables à l'extérieur (...)».

LA RECETTE.
Pense-t-on que ces paroles, qui datent de l'année dernière, soient sorties par hasard de la bouche du chef d'un pays membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, connu pour celui qui rédige les résolutions des Nations Unies sur le Congo ? Pense-t-on que ces paroles représentent le point de vue de la seule France, du seul président français, et qu'elles ne seraient pas partagées par d'autres puissances planétaires, par l'Afrique, par la sous-région ?
En fait, jamais à ce jour, ni la France, ni l'ONU, ni une quelconque puissance mondiale n'a condamné le Rwanda dans son agression au Congo. Le feront-ils un jour ? Qui sait ? Mais quand, comment, pourquoi ? Que de rapports rédigés par des commissions d'experts de l'ONU, distribués à New York sur cette invasion rwandaise. Qui les a lus ? Qui en a tenu compte? Lettre morte! Nations Unies, «le Machin ô combien inutile et même dangereux», avait déjà constaté le Général de Gaulle. Ces Nations-Unies qui, depuis plus d’un demi-siècle, s'éternisent au Congo sans que nul ne sache quand elles s'en iront, et, dans quelles conditions...
Sait-on que si Paris ne peut condamner Kigali, c’est suite aux relations étroites qui lient la France au Rwanda. L’alliance Paris-Kigali se situe dans nombre de secteurs. Entre les deux Capitales, il s'agit d'un partenariat stratégique. Au Mozambique, des soldats rwandais combattent des djihadiste qui empêchent l'émergence du gigantesque projet gazier de la multinationale française, TotalEnergies. Le Rwanda est pourvoyeur de troupes pour les Casques bleus des Nations Unies. L'armée rwandaise RDF est déployée en Centrafrique et au Mozambique dans le cadre d’opérations onusiennes sur le continent. Sait-on comment il est difficile de trouver un pays qui offre ses soldats pour aller combattre pour un autre pays, dans un autre pays...
Que faire face à cette agression rwandaise que Kinshasa qualifie de «barbare» ? Une recette, une seule : arrêter de parler inutilement, arrêter de faire trop de bruit, arrêter « le théâtre de chez nous ». Repenser la parole congolaise, structurer celle-ci. Mettre en place une équipe de stratèges politiques, militaires, sécuritaires de haut vol, composée de ceux qui savent, qui connaissent, qui maîtrisent la politique, l'armée, la sécurité, les Grandes Puissances, l'Afrique, les Grands lacs. Objectif : placer le Congo en capacité de restaurer demain la souveraineté militaire, sécuritaire, administrative. S'éloigner plus que jamais des apprentis qui agissent comme des petits enfants. Donner à ces stratèges un temps et des moyens de réflexion en vue de faire rebondir le Congo. La Russie l'a fait après la fin, le 25 décembre 1991, de l'URSS après la démission de Mikhaïl Gorbatchev. Le Front Patriotique Rwandais tutsi l'a fait après la mort de son chef Fred Gisa Rwigema tué le 2 octobre 1990 dès le lendemain de la première offensive tutsie visant à renverser le pouvoir Hutu à Kigali. Cela a pour nom reculer pour mieux sauter.


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