États-Unis-Rwanda : la fin d’une longue idylle ?
  • sam, 13/12/2025 - 13:03

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1652 | SAMEDI 13 DÉCEMBRE 2025.

Face au Rwanda, Washington change radicalement de ton. Jamais à ce jour, les États-Unis n’avaient usé de mots aussi forts contre le Rwanda et le régime Kagame en place.

Le 12 décembre 2025, lors d’une réunion d’urgence sur la situation sécuritaire dans les Kivu, dans son allocution devant les membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’ambassadeur américain Mike Waltz, n’y est pas allé de main morte.

Il a assuré que les États-Unis « utiliseront les outils à (leur) disposition pour tenir responsables les fauteurs de troubles de la paix » au Congo (RDC).

Est-ce la fin d’une longue idylle quand on se rappelle les longs défilés de personnalités américaines dont un ancien chef de l’État - le démocrate Bill Clinton pour ne pas le citer - qui ne cessaient de se croiser à Kigali ?

Nul doute, en autorisant ses forces déployées au Congo de prendre la troisième ville de la province du Sud-Kivu, en leur fournissant les armes les plus sophistiquées, le président rwandais Paul Kagame, « intimement impliqué dans la planification et l’exécution de la guerre dans l’est de la RDC », s’est moqué de Donald Trump, en franchissant la ligne rouge. À quoi Kigali - mieux, le régime Kagame - peut-il s’attendre désormais ?

Extraits et après l’intégralité de la « Déclaration (de l’ambassadeur des États-Unis) lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation en République Démocratique du Congo » (traduction officielle américaine).

« Chers collègues, le président Trump s’est réjoui d’avoir réuni le président de la RDC Tshisekedi et le président rwandais Kagame à Washington le 4 décembre pour la signature des accords de Washington et du cadre d’intégration économique régionale. C’était une démonstration et un effort vrai et sincère vers la paix (…).

Cependant, les processus de paix exigent des parties qu’elles respectent leurs engagements envers ce même processus. Et les États-Unis sont profondément préoccupés et incroyablement déçus par la reprise de la violence dans l’est de la RDC (…). Aujourd’hui, je veux partager avec vous quelques informations supplémentaires sur la portée et la sophistication de l’implication du Rwanda dans l’est de la RDC : Depuis sa réémergence en 2021, le Rwanda exerce un contrôle stratégique sur son groupe armé par procuration, le M23, ainsi que sur l’aile politique du M23, l’Alliance du fleuve Congo (AFC), et a déployé le M23 et l’AFC pour atteindre les objectifs géopolitiques du Rwanda dans l’est de la RDC.

Kigali a été intimement impliqué dans la planification et l’exécution de la guerre dans l’est de la RDC, en fournissant une direction militaire et politique aux forces du M23 et de l’AFC depuis des années maintenant. Les Forces de défense rwandaises ont fourni du matériel, de la logistique et un soutien à l’entraînement au M23, ainsi que des combats aux côtés du M23 en RDC avec environ 5000 à 7000 soldats début décembre. Cela ne compte pas les augmentations possibles du Rwanda dans cette avancée la plus récente.

Ces derniers mois, le Rwanda a déployé plusieurs missiles sol-air et d’autres armes lourdes et sophistiquées dans le Nord et le Sud-Kivu pour aider le M23 dans son conflit contre la RDC. Le Rwanda et le M23 ont commencé leur offensive juste ce week-end dernier pour prendre Uvira, avec des forces rwandaises colocalisées avec le M23 le long des lignes de front. De plus, nous avons des rapports crédibles sur l’utilisation accrue de drones suicides, une utilisation accrue d’artillerie par le M23 et le Rwanda, y compris des frappes au Burundi.

Donc, plutôt qu’une marche vers la paix, comme nous l’avons vu sous la direction du président Trump, ces dernières semaines, le Rwanda conduit la région vers une instabilité et une guerre accrues. À la lumière des engagements pris dans les Accords de Washington, nous sommes profondément préoccupés par le maintien de la présence militaire rwandaise sur le territoire congolais en soutien au M23. Nous utiliserons les outils à notre disposition pour tenir responsables les fauteurs de troubles de la paix ».

Ci-après l’intégralité.

DÉCEMBRE 13, 2025

12 décembre 2025
Ambassadeur Mike Waltz
Représentant des États-Unis auprès des Nations Unies
New York, New York.

Merci, Monsieur le Président, et merci à nos intervenants d’aujourd’hui.

Chers collègues, le président Trump s’est réjoui d’avoir réuni le président de la RDC Tshisekedi et le président rwandais Kagame à Washington le 4 décembre pour la signature des accords de Washington et du cadre d’intégration économique régionale. C’était une démonstration et un effort vrai et sincère vers la paix.

Cependant, les processus de paix exigent des parties qu’elles respectent leurs engagements envers ce même processus. Et les États-Unis sont profondément préoccupés et incroyablement déçus par la reprise de la violence dans l’est de la RDC.

Aujourd’hui, je veux partager avec vous quelques informations supplémentaires sur la portée et la sophistication de l’implication du Rwanda dans l’est de la RDC :

Depuis sa réémergence en 2021, le Rwanda exerce un contrôle stratégique sur son groupe armé par procuration, le M23, ainsi que sur l’aile politique du M23, l’Alliance du fleuve Congo (AFC), et a déployé le M23 et l’AFC pour atteindre les objectifs géopolitiques du Rwanda dans l’est de la RDC.

Kigali a été intimement impliqué dans la planification et l’exécution de la guerre dans l’est de la RDC, en fournissant une direction militaire et politique aux forces du M23 et de l’AFC depuis des années maintenant.

Les Forces de défense rwandaises ont fourni du matériel, de la logistique et un soutien à l’entraînement au M23, ainsi que des combats aux côtés du M23 en RDC avec environ 5000 à 7000 soldats début décembre. Cela ne compte pas les augmentations possibles du Rwanda dans cette avancée la plus récente.

Ces derniers mois, le Rwanda a déployé plusieurs missiles sol-air et d’autres armes lourdes et sophistiquées dans le Nord et le Sud-Kivu pour aider le M23 dans son conflit contre la RDC. Le Rwanda et le M23 ont commencé leur offensive juste ce week-end dernier pour prendre Uvira, avec des forces rwandaises colocalisées avec le M23 le long des lignes de front.

De plus, nous avons des rapports crédibles sur l’utilisation accrue de drones suicides, une utilisation accrue d’artillerie par le M23 et le Rwanda, y compris des frappes au Burundi. Donc, plutôt qu’une marche vers la paix, comme nous l’avons vu sous la direction du président Trump, ces dernières semaines, le Rwanda conduit la région vers une instabilité et une guerre accrues.

À la lumière des engagements pris dans les Accords de Washington, nous sommes profondément préoccupés par le maintien de la présence militaire rwandaise sur le territoire congolais en soutien au M23. Nous utiliserons les outils à notre disposition pour tenir responsables les fauteurs de troubles de la paix.

Nous appelons le Rwanda à respecter ses engagements et à reconnaître davantage le droit du gouvernement de la République démocratique du Congo de défendre son territoire et son droit souverain d’inviter des forces burundaises sur son territoire. Nous nous engageons avec toutes les parties pour exhorter à la retenue et éviter une nouvelle escalade, y compris en s’abstenant de tenir des propos hostiles anti-Tutsi.

Alors que ce Conseil négocie le mandat de la MONUSCO, les États-Unis s’efforceront de faire en sorte que la mission ait les capacités nécessaires pour apporter un soutien aux accords de Doha et de Washington – en gardant à l’esprit que les parties elles-mêmes portent l’entière responsabilité de leur mise en œuvre réussie. Et nous cherchons le soutien des membres de ce Conseil alors que nous négocions le renouvellement de ce mandat.

La capacité de la MONUSCO à fournir un soutien essentiel à ces processus dépend cependant entièrement de sa capacité à se déplacer librement, à subvenir à ses besoins et à mettre en œuvre son mandat sans interférence. Et le fait que les forces de maintien de la paix de l’ONU soient assiégées par des forces soutenues par un État membre – un État membre qui est lui-même un fournisseur de troupes aux missions de maintien de la paix – franchement est une triste hypocrisie.

Malheureusement, le blocus imposé par le M23 à la MONUSCO depuis des mois a compromis sa capacité à opérer efficacement à l’intérieur et à l’extérieur de Goma, comme de nombreux représentants l’ont déclaré ici aujourd’hui.
Pour sa part, le Rwanda continue de déployer des missiles sol-air et de mener en outre des opérations de spoofing et de brouillage qui ont effectivement immobilisé les opérations aériennes de la MONUSCO.

Alors, comment la MONUSCO peut-elle réussir dans ces conditions ? Nous exigeons la fin immédiate de cette obstruction, qui viole les obligations du M23 et du Rwanda en vertu des accords de Doha et de Washington, respectivement.

Nous restons fermes dans notre soutien à la MONUSCO et son rôle dans la réalisation de ces accords historiques, qui selon nous ont un grand potentiel pour mettre fin aux décennies de souffrance dans l’est de la RDC.

Je vous remercie, M. le Président.


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