- lun, 08/05/2017 - 05:23
La nouvelle politique de réforme de la Justice congolaise se déploie sur quatre axes et s’articule autour de dix-sept résultats.
Le ministre d’Etat en charge de la Justice et Garde des Sceaux Alexis Thambwe Mwamba a présenté vendredi 5 mai à l’immeuble du Gouvernement dit «Intelligent», une PNRJ, la Politique Nationale de Réforme de la Justice, véritable feuille de route de la Justice congolaise, qui se déploie sur quatre principaux axes suivies des résultats attendus - dix-sept au total - articulés d’activités qui doivent être menées en vue de l’atteinte de ces objectifs.
Document stratégique de cinquante-huit pages, cette PNRJ fait suite à une décision des Etats Généraux de la Justice qui eurent lieu, il y a deux ans, dans la Capitale du 27 avril au 2 mai 2015 et furent organisés par l’alors Ministère de la Justice et Droits humains sous la direction du même ministre Alexis Thambwe Mwamba qui ainsi livre lui-même le fruit d’un travail mené sous sa gouverne.
Pour plus de solennité et sans aucun doute afin de donner le gage de leur bonne fin, ces travaux furent placés sous le haut patronage du Président de la République, Chef de l’Etat qui avait pris personnellement place pour la circonstance dans l’amphithéâtre du Kempinski Fleuve Congo Hotel.
Dans son discours d’ouverture, Joseph Kabila Kabange avait appelé à «l’accès à la justice» qui «demeure un impératif majeur afin que chaque citoyen, où qu’il se trouve, ait accès à son juge naturel pour faire valoir ses prétentions», invitant à «un changement des mentalités de tous les acteurs du secteur de la justice qui doivent, en toutes circonstances, avoir un comportement exemplaire, qui inspire la confiance des citoyens».
Organisés en collaboration avec le Conseil Supérieur de la Magistrature, ces Etats Généraux avaient été appuyés par des partenaires techniques et financiers intéressés au dossier de gouvernance démocratique, en tête, le PNUD, le Programme des Nations Unies pour le Développement, l’Union Européenne, l’UNICEF, la MONUSCO et le Royaume de Suède.
Environ trois cents spécialistes prirent part à ces travaux. Ils venaient de la magistrature, du barreau, du corps des défenseurs judiciaires, du secteur privé, des associations de la société civile nationales et internationales, du Gouvernement central et des gouvernements provinciaux.
VERS UNE REQUALIFICATION.
Un diagnostic «sans complaisance» du secteur de la justice de notre pays fut posé, admet dans la présentation de cet ouvrage, le ministre d’Etat Alexis Thambwe Mwamba et 350 recommandations à court, moyen et long terme furent formulées.
L’une de ces recommandations porte sur l’élaboration d’une PNRJ, la Nouvelle Politique Nationale de la Réforme de la Justice qui viendrait remplacer le Plan National d’Actions pour la Réforme de la Justice qui datait de 2007 et tombé, depuis 2012, à échéance.
C’est donc une PNRJ élaborée et validée qui a été présentée vendredi 5 mai à l’immeuble du Gouvernement.
Cette PNRJ met fin à «une certaine navigation à vue et des tâtonnements déplorés dans le secteur de la justice», écrit dans son texte le ministre d’Etat en charge de la Justice et Garde des Sceaux qui appelle que «tous nos efforts et toutes nos énergies» soient conjugués et canalisés pour l’atteinte d’une «vision partagée» déclinée en «justice pour tous, indépendante, fondée sur le respect de la dignité humaine et appuyée par un ministère de la Justice modernisé et d’une efficacité sans faille».
Vendredi 5 mai, devant les mêmes partenaires, en tête, le Programme des Nations Unies pour le Développement très impliqué dans le secteur, représenté par sa Directeure Pays Mme Gaj Raj, Alexis Thambwe Mwamba a ouvert un «processus de mise en œuvre» de cette PNRJ et, à terme, attend «la requalification de la justice congolaise».
Les quatre axes qui se déploient en termes de «garantie» à apporter par l’Etat via le Ministère de la Justice, sont les suivants:
- garantir l’accès au droit et à une justice de qualité pour tous (axe 1),
- garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire (axe 2),
- garantir la performance du ministère de la Justice et Droits humains (axe 3),
- garantir une justice fondée sur le respect de la dignité humaine (axe 4).
Le Soft International publie ci-après des détails de cette PNRJ qui est une boussole visant à consolider l’Etat de droit et la démocratie dans notre pays. Ci-après.
Le contexte.
Le 18 février 2006, une nouvelle Constitution a été promulguée en RDC. Elle érige celle-ci en un «Etat de droit… démocratique», respectueux des droits de l’homme tant civils que politiques,
économiques, sociaux et culturels2. Elle prévoit une restructuration de l’ensemble du système
judiciaire à travers:
- La création de deux ordres de juridictions (judiciaires et administratifs) et d’une Cour Constitutionnelle (articles 149, 153, 154, 155, 157 et 158);
- L’inclusion des juridictions militaires dans l’ordre judiciaire, sous la supervision de la Cour de Cassation (art. 153);
- L’affirmation du principe de l’indépendance de la magistrature confortée par la consécration de l’inamovibilité des magistrats, qui trouve son expression dans le statut des magistrats et par l’institution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ce Conseil devenant l’organe de gestion du pouvoir judiciaire (gestion de la carrière des magistrats, leur formation professionnelle et l’élaboration des budgets de l’institution judiciaire) (art. 152);
- La compétence concurrente entre le pouvoir central et les provinces, notamment en ce qui
concerne l’administration des cours et tribunaux, des maisons d’arrêts et de correction ainsi que
des prisons (art. 203 alinéa 5).
La même année, le premier document de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté
concrétisait ces engagements en prévoyant, dans le chapitre sur la gouvernance administrative, de réformer le secteur de la Justice.
En 2007, le Ministère de la Justice s’est doté d’un plan d’actions (2007 -2012) pour la réforme de la
Justice élaboré sur base du rapport d’Audit organisationnel du secteur de la Justice en RDC réalisé en 2004. Le plan d’actions identifiait cinq objectifs globaux:
- la pleine transposition dans l’ordre juridique interne et l’application des principes énoncés par la Constitution de la IIIème République;
- un meilleur accès à la justice pour les populations sur l’ensemble du territoire national;
- le renforcement du cadre de promotion et de protection des droits humains;
- l’accroissement des capacités et l’amélioration des performances des acteurs de la justice;
- la lutte contre la corruption et l’impunité.
S’il est vrai qu’un certain nombre de mesures allant dans le sens de ces objectifs ont été prises par le Gouvernement, force est de constater que malgré les réformes engagées par l’Etat avec le soutien de ses partenaires techniques et financiers, d’importants dysfonctionnements minent encore le secteur de la Justice qui est confronté à de graves problèmes d’orientation générale. De nombreuses études commanditées tant par les PTF que par des organes étatiques ou des OSC le révèlent.
Conscient du rôle majeur de l’appareil judiciaire dans la stabilité des institutions et la consolidation de
la paix et de la nécessité de s’engager dans un processus de réforme partagé par tous les acteurs du
secteur de la Justice, le Ministère de la justice a décidé de se doter d’une PNRJ ambitieuse, réaliste et
systémique.
Axe 1.
Garantir l’accès au droit et à une justice de qualité pour tous
La problématique de l’accès au droit et à la justice renvoie à la question de savoir comment permettre aux personnes d’accéder à la justice en accordant une attention particulière aux plus démunis ou aux groupes en situation de vulnérabilité, soit par une solution en droit (ce qui implique
d’avoir accès à un tribunal) soit par une autre modalité de résolution de conflit. La présente PNRJ veut
également affirmer que l’aide judiciaire fournie aux plus démunis est avant tout un droit essentiel de
toute personne et une composante centrale de son droit à un procès équitable. A ce titre, elle doit, à terme, devenir un véritable service public organisé par l’Etat.
La PNRJ s’appuiera sur plusieurs atouts dans le domaine de l’accès à la justice pour répondre avec
davantage d’efficacité au besoin de justice:
- la réforme de l’accès au droit et à la justice bénéficie d’une légitimité constitutionnelle avec la reconnaissance du droit d’accès à un tribunal par la Constitution (article 19 et 21);
- le pouvoir législatif est déjà saisi de l’examen d’un projet de loi en la matière;
- le pluralisme juridique constitue l’une des forces de la justice congolaise avec la coexistence du droit coutumier et du droit écrit, mais aussi la complémentarité entre les professionnels de la justice et les autorités coutumières;
- le pluralisme des acteurs de la société civile nationale (avocats, défenseurs judiciaires, associations, parajuristes), appuyée par les PTF, engagés dans de nombreuses activités, parfois innovantes, de fournitures des services d’accès au droit et à la justice, et dont le rôle est essentiel en milieu rural.
La stratégie que la PNRJ entend mettre en oeuvre consiste à agir, à la fois, en soutien de la demande de justice à travers le développement de l’accès au droit et à la justice, et en soutien de l’offre de justice pour rapprocher les institutions des justiciables. Elle repose sur une vision de la justice qui, d’une part, définit l’accès au droit et à la justice à la fois comme un droit fondamental de la personne et un moyen de réduire injustices et pauvreté et qui, d’autre part, s’engage à fournir une réponse de qualité aux citoyens-demandeurs de justice dont beaucoup sont, dans ce pays, à la fois victimes de la pauvreté et en situation de particulière vulnérabilité. Cette volonté se traduit par l’adhésion à une conception extensive de l’accès au droit et à la justice qui repose sur un ensemble de dispositifs (accès au droit; aide juridique; aide judiciaire et règlement de conflits).
L’accès au droit et à la justice doit, en effet, être également appréhendé comme un facteur déterminant de la stratégie de réduction de la pauvreté à travers le processus de legal empowerment (pouvoir d’agir grâce au droit) tel que le définit la Commission des Nations unies pour la démarginalisation des pauvres par le droit, c’est-à-dire la capacité pour les plus pauvres d’accéder aux ressources de droit nécessaires pour être protégés et revendiquer la jouissance de leurs droits humains, civils, politiques, économiques, culturels et sociaux.
Premier résultat attendu:
- L’aide judiciaire pour les plus démunis et les personnes en situation de vulnérabilité est effective.
Le cadre normatif encadrant l’accès au droit et à la justice est insuffisant au regard à la fois des préconisations internationales et de l’exigence d’une réponse efficace à la légitime demande de justice de la population. Certes, le droit d’accès à un tribunal est déjà reconnu par le droit positif5 mais n’est pas organisé pour en garantir la jouissance aux plus démunis.
L’aide judiciaire n’est aujourd’hui pas accordée de manière systématique et sans discrimination aux justiciables car elle est essentiellement financée par les PTF dans des régions spécifiques et pour certaines catégories de vulnérables. Même s’il existe une ligne dans le budget du MJ pour l’aide judicaire6, elle ne fait pas l’objet d’une mise en oeuvre et ne suffirait pas à financer des mécanismes d’accès au droit pour le plus grand nombre des justiciables sur la base de critères adaptés à la réalité sociale et économique.
L’une des raisons majeures de la défiance croissante des justiciables envers les institutions judiciaires tient à l’inexécution de presque toutes les décisions de justice.
Or, garantir aux citoyens qui saisissent la justice que la décision obtenue sera exécutée est une condition essentielle de l’Etat de droit. Par ailleurs, le paiement des droits proportionnels constitue également un obstacle à l’exécution.
La population n’est pas en mesure d’agir grâce au droit car elle n’en connaît pas toutes les dimensions (coûts, procédures, législation, mécanismes formels et alternatives). Ensuite, les acteurs communautaires de promotion du droit et d’appui aux victimes et aux vulnérables que sont les OSC ne sont pas suffisamment appuyés financièrement et techniquement par l’Etat pour assurer leur mission.
Les personnes vulnérables sont très souvent incapables de faire valoir leurs droits lorsque les enjeux politiques ou économiques sont importants et particulièrement dans le cas des crimes internationaux et des crimes économiques. Actuellement la législation congolaise ne prévoit pas la possibilité pour les OSC d’ester en justice dans le cadre de contentieux d’intérêt public.
Entre autres activités à mener pour cet axe: adopter, promulguer et publier la loi sur l’Aide juridique et adopter les textes réglementaires d’application. La première priorité est l’adoption à court terme d’un nouveau cadre normatif et donc du projet de loi déjà soumis au Parlement. Ce texte législatif doit être amélioré notamment quant aux critères d’éligibilité à l’aide juridictionnelle et aux critères d’attribution de plein droit qui devront être élargis. Les textes réglementaires d’application doivent également être adoptés rapidement pour assurer l’efficacité du dispositif et son adaptation aux réalités des conditions de vie de la majorité des justiciables congolais.
Mettre en place d’un fonds d’aide juridique est une autre activité à mener.
La réforme resterait lettre morte si le dispositif proposé par le législateur n’était pas financé dans le cadre d’un plan de financement budgétaire qui verra l’engagement de l’Etat augmenter
progressivement tous les ans, en coordination avec le Ministère du budget et les PTF qui accepteront de poursuivre leur appui dans le cadre de l’aide au développement. Mettre en place ce fonds d’aide juridique est un résultat essentiel à atteindre ainsi que l’augmentation annuelle du budget voté et attribué aux fournisseurs de ladite aide juridique (Résultat 5). Le développement de ce processus pour un financement étatique annuel de l’accès au droit et à la justice sera précédé par une évaluation des coûts de l’aide judiciaire à partir de meilleures pratiques existantes et la mise en place d’un mécanisme de coordination avec les PTF.
Installer une Commission de facilitation de l’exécution des décisions de justice dans chaque greffe de juridiction. Pour l’exécution des décisions judiciaires dans les années à venir, il est essentiel de pouvoir identifier les obstacles légaux, humains et financiers à l’exécution des décisions mais aussi d’appuyer les justiciables dans les démarches à effectuer grâce à des Commissions de facilitation de l’exécution des jugements qui seront, progressivement, installées dans toutes les juridictions. Un processus de révision et de simplification des frais de justice va également être engagé et il traitera en priorité la question du paiement du droit proportionnel.
Mettre en place un dispositif de sensibilisation et d’information des justiciables
sur les modalités du recours en justice.
Pour renforcer davantage la confiance du citoyen en la justice, l’information des citoyens sur les
modalités du recours en justice (connaissance des coûts ; des juridictions formelles à saisir et des mécanismes alternatifs disponibles, etc.) est une priorité à travers des actions d’affichage systématique des coûts et de simplification des frais de justice.
Des bureaux d’accueil seront créés dans toutes les juridictions et parquets du pays pour faciliter la compréhension des procédures judiciaires, en parallèle avec des campagnes de communication. Il
faudra dans un premier temps définir la manière et les moyens nécessaires à la mise en place des
bureaux d’accueil efficaces (taille, formation du personnel, documentation, informations dispensées, etc.) et ensuite les installer dans quelques juridictions-pilotes. La dernière étape consistera à l’étendre à l’ensemble des juridictions.
Par ailleurs, les OSC et les parajuristes dont le rôle est reconnu comme primordial dans la promotion de l’accès au droit seront appuyés financièrement et techniquement7. Les actions de sensibilisation conduites par les juridictions associeront les OSC et l’Etat, à travers ses Divisions provinciales. Ces actions seront conduites en lien avec l’appui aux AF (Résultat 4) afin de permettre aux justiciables de saisir la justice dans les meilleures conditions, mais également avec le développement des actions de renforcement des droits humains en milieu carcéral, notamment pour faciliter les activités de monitoring.
- Deuxième résultat attendu: Les enfants en conflit avec la loi ou en danger bénéficient en priorité d’une aide judiciaire effective et de qualité.
Même si la PNRJ reconnaît toute l’importance de garantir à terme, à tous les démunis, au sens de la loi, et aux personnes en situation de vulnérabilité, un accès au droit et à la justice, le choix a été fait de prioriser à court terme la fourniture d’une aide judiciaire effective et de qualité à tous les enfants en conflit avec la loi et à certaines autres catégories d’enfants en situation difficile comme les enfants victimes et témoins d’actes criminels (Résultat 16).
Prioriser l’enfant en conflit avec la loi dans le cadre de la réforme de l’aide judiciaire et, surtout, de sa mise en œuvre opérationnelle, est d’autant plus impératif pour l’Etat que cela répond à une exigence du droit international et du droit national8. Mais, à ce jour, cette disposition n’est pas effective et c’est aussi pour cette raison que le principe de cette aide obligatoire est réaffirmé par le projet de loi dont le Parlement est actuellement saisi.
La stratégie de la PNRJ consiste, sur ce point, à commencer par cibler, parmi tous les groupes de la
population en situation de vulnérabilité, celui des ECL avant d’élargir progressivement le champ des bénéficiaires du droit d’accès au droit et à la justice à d’autres catégories (enfants victimes et témoins, enfants en situation difficile, etc.). La mise en oeuvre de cette priorisation reposera sur 2 actions prioritaires.
Entre autres activités à mener: Elaborer et lancer un programme pilote d’AJ des enfants en conflit avec la loi et des enfants victimes et témoins (en partenariat avec les PTF pour la mise en place d’un fond commun). Il s’agira de définir et de conduire dans toutes les provinces un programme pilote d’aide judiciaire pour les ECL, après identification des besoins et ressources et constitution d’une base de données complète et actualisée en temps réel. Tous les ECL et les enfants victimes et témoins devront être bénéficiaires du dispositif qui sera mis en place, mais la PNRJ accordera une attention particulière à ceux qui sont privés de liberté, qu’ils soient détenus dans des postes de police, des établissements pénitentiaires civils et militaires, ou des EGEE. Ce programme sera mené en coordination avec le résultat 19 de la PNRJ sur le droit des personnes détenues.
Axe 2.
Garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire.
L’indépendance du pouvoir judiciaire repose principalement sur le CSM à qui incombe la «gestion du pouvoir judiciaire». Les EGJ ont souligné la nécessité de respecter le principe de l’indépendance du
pouvoir judiciaire en s’abstenant de toute interférence dans son fonctionnement12. Dans cette perspective, le CSM et le MJ ont arrêté une stratégie fondée sur six orientations s’inscrivant dans le prolongement du «Plan de modernisation judiciaire et feuille de route du pouvoir judiciaire» d’une durée de six ans (2011-2017) adopté par le CSM.
Quatre résultats attendus:
- La gestion du budget du pouvoir judiciaire est améliorée;
- L’organisation, le fonctionnement et les méthodes de travail du CSM sont renforcés;
- Le CSM assure une gestion plus efficace et transparente de la carrière des magistrats;
- La redevabilité des magistrats est améliorée dans le respect de leurs droits et de l’indépendance du pouvoir judiciaire;
Axe 3.
Garantir la performance du ministère de la Justice et Droits humains.
La performance du MJ est la clé d’un service public de qualité. Le MJ tient à l’améliorer en misant
sur la mise en place d’une politique publique de la justice axée sur les résultats; une politique pénitentiaire adaptée aux standards internationaux; le renforcement de la sécurité juridique; la réhabilitation, le développement et la modernisation des infrastructures et de l’équipement du
système judiciaire sur toute l’étendue du territoire national ainsi que le renforcement des capacités
des acteurs de la justice. Du diagnostic que le MJ a posé, il s’avère que plusieurs maux minent le secteur de la justice et impactent négativement sa performance avec des effets négatifs sur l’administration de la justice et ce, tant en ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement du ministère lui-même qu’au sujet des juridictions et parquets, sans oublier l’administration pénitentiaire et la formation des acteurs de la justice.
Cinq résultats attendus:
- La politique publique de la justice est axée sur les résultats;
- La politique pénitentiaire est adaptée aux standards internationaux;
- Le droit positif est compilé, actualisé et diffusé;
- Les infrastructures et les équipements du système judiciaire et pénitentiaire sont développés, réhabilités et modernisés sur tout le territoire national;
- Les capacités des acteurs de la justice sont renforcées grâce à une offre de formation initiale et continue adaptée à leurs besoins.
Axe 4.
Garantir une justice fondée sur le respect de la dignité humaine.
La Constitution dispose que le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des
droits fondamentaux des citoyens. La PNRJ poursuit l’objectif prioritaire d’assurer l’effectivité de cette disposition constitutionnelle. Une attention particulière sera portée sur la protection des droits de l’homme, singulièrement ceux de l’enfant et de la personne détenue qui en ont le plus besoin. La lutte contre l’impunité, y compris celle des crimes internationaux, des violences basées sur le genre et de la corruption comptera également au nombre des priorités.
Quatre résultats attendus:
- la lutte contre l’impunité et la corruption est renforcée;
- la protection des droits humains est renforcée;
- la protection de l’enfant est renforcée; les droits des personnes détenues sont garantis.
Il faut noter la réponse judiciaire aux crimes internationaux, commis sur une large échelle, est toujours en-deçà des attentes. Dans le même ordre d’idées, faute de riposte judiciaire efficace, la corruption et les autres infractions assimilées continuent de se commettre au préjudice de la majeure partie de la population, paupérisée à souhait. Par ailleurs, dix ans après la promulgation des lois sur les violences sexuelles, en dépit des progrès réalisés dans leur lutte, beaucoup d’efforts restent encore à fournir.
Loin d’être un fait de hasard, cet état de choses tient à un certain nombre de facteurs dont:
- les carences de la législation pénale dont l’alignement sur la Constitution et les engagements
internationaux de l’Etat demande à être parachevé;
- les imperfections de la loi modifiant et complétant le Code pénal de 2005 en rapport avec l’infraction de la corruption;
- le déficit de coopération judiciaire internationale, spécialement avec les Etats de la région;
- l’absence d’une stratégie de poursuites des crimes internationaux digne de ce nom;
- la protection insuffisante des victimes et témoins des mêmes crimes;
- le retard dans le processus d’adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption;
- une faible application des lois de 2006 relatives aux violences sexuelles;
- la modicité de la part du budget de l’Etat allouée au secteur de la justice.
Méthodologie de la PNRJ.
Depuis 2012, le Plan national d’actions pour la réforme de la justice est arrivé à son terme. D’où la nécessité de l’élaboration d’un nouveau document programmatique appelé à le remplacer. Déclenchée parles EGJ, celle-ci s’est poursuivie à travers les réunions des Sous-groupesThématiques avant sa finalisation par la rédaction de la PNRJ par les experts et sa validation par le COPIL du GTJDH.
Rappelons que les travaux des Etats généraux de la justice se sont tenus du 27 avril au 2 mai 2015. Organisés, à l’initiative du MJDH, en étroite collaboration avec le CSM et avec le soutien des PTF, ceux-ci poursuivaient comme objectifs, essentiellement, la formulation d’un diagnostic sans complaisance du secteur de la justice, le recensement et l’évaluation des mesures prises pour son redressement et le dégagement d’un consensus quant aux actions prioritaires à réaliser en vue de sa réforme globale.
Dans son allocution prononcée à l’occasion de l’ouverture des travaux, le Président de la République avait insisté pour que «l’accès à la justice demeure un impératif majeur afin que chaque citoyen, où qu’il se trouve, ait accès à son juge naturel pour faire valoir ses prétentions». Il avait appelé à «un changement des mentalités de tous les acteurs du secteur de la justice qui doivent, en toutes circonstances, avoir un comportement exemplaire, qui inspire la confiance des citoyens».
Au bout de cinq jours d’échanges, les participants, repartis en huit groupes thématiques, ont adopté près de trois cent cinquante recommandations à court, moyen et long terme. La tenue des EGJ a coïncidé avec la relance des activités du GTJDH par l’adoption, au mois de septembre 2015, de ses termes de référence et de la feuille de route pour l’élaboration de la PNRJ suivie de la nomination de son Coordonnateur et de son Coordonnateur-adjoint ainsi que la mise en place des sous-groupes thématiques et des GTJDH provinciaux dans l’Ituri, le Nord Kivu et le Sud Kivu. Les réunions spéciales des sous-groupes thématiques et des GTJDH ont permis de convertir les
recommandations ayant sanctionné les EGJ en sous-stratégies sectorielles à la base de la formulation de la PNRJ.
La formulation de la présente PNRJ a été réalisée, dans le strict respect des cadres logiques et orientations stratégiques consolidées du GTJDH, par une équipe d’experts multidisciplinaires, le rôle de ceux-ci ayant consisté essentiellement à présenter cette matière première conformément aux exigences de la planification stratégique.
La validation de la PNRJ au cours d’une réunion du COPIL du GTJDH a marqué le couronnement des efforts fournis par l’ensemble des parties prenantes pour doter le secteur de la justice d’un nouveau document programmatique et politique en remplacement du Plan national d’actions pour la réforme de la justice.
En définitive, la méthodologie d’élaboration de la PNRJ a été à la fois participative et inclusive s’efforçant, autant que possible, de capitaliser les acquis des initiatives de planification antérieures tout en veillant à s’aligner sur le PNSD.
Vision de la PNRJ.
La RDC se veut un Etat de droit. Pour concrétiser cet idéal, il est nécessaire de consolider une justice de qualité pour tous, indépendante, performante et protectrice des droits humains et, partant, rassurante. Cette nécessité constitue la vision de la PNRJ qui s’étendra de 2017 à 2026.
Une justice de qualité pour tous nécessite d’organiser, au bénéfice de la population dans son ensemble, particulièrement pour les personnes vulnérables, un accès au droit et à la justice. Celui-ci ne s’entend pas strictement à l’accès aux instances judicaires (Cours, tribunaux, parquets, police judiciaire) mais également à l’information et aux mécanismes alternatifs de règlement des conflits. La stratégie de la PNRJ consiste à agir, à la fois, en soutien de la demande de justice à travers le
développement de l’accès au droit et à la justice et, également, en soutien de l’offre de justice pour
rapprocher les institutions des justiciables. Elle vise, en même temps, à participer à la réduction de la pauvreté en permettant aux plus pauvres d’accéder aux droits nécessaires pour être protégés et
revendiquer la jouissance de leurs droits humains (droits civils, politiques, sociaux, économiques,
culturels et sociaux).
Si l’indépendance du pouvoir judiciaire est largement consacrée tant par la Constitution que par les engagements internationaux de la RDC et les lois subséquentes ainsi que l’existence d’un CSM rénové, force est de constater que, dans la pratique, elle continue à se heurter à quelques obstacles.
La faiblesse de la dotation budgétaire allouée au pouvoir judiciaire, les ingérences supposées ou
réelles de l’exécutif dans l’administration de la justice, les faiblesses organisationnelles du CSM,
l’impunité de certains magistrats corrompus, la faible redevabilité de quelques acteurs judiciaires et les conditions de travail pour le moins inadéquates de ceux-ci constituent autant de contraintes pesant sur l’indépendance du pouvoir judiciaire en RDC. La PNRJ a pour objectif de rendre effectif les mécanismes existants et prévus par le législateur en renforçant le CSM qui est le garant du pouvoir judiciaire, en obtenant des budgets suffisants pour mener une réelle réforme de la justice tout en renforçant la redevabilité des magistrats.
La vision portée par la PNRJ assigne un rang prioritaire à la performance du ministère ayant la Justice dans ses attributions, qui, en devenant un véritable service public, gagnera et entretiendra la confiance du public dans le système judiciaire. Elle visera particulièrement la mise en place d’une politique publique de la justice axée sur les résultats, la modernisation des infrastructures et de l’équipement du système judiciaire sur toute l’étendue du territoire national ainsi que le renforcement des capacités des acteurs de la justice. Par ailleurs, elle apportera sa contribution au
développement économique, en assortissant le droit des affaires d’une indispensable sécurité
judiciaire propice à garantir la sécurité des investissements et, partant, à l’amélioration du climat des affaires.
La Justice, pour réaliser sa vocation, doit être fondée sur le respect de la dignité humaine. La PNRJ
s’attaquera à l’impunité des violations des droits humains et, particulièrement, à la corruption et aux crimes internationaux, sans oublier les violences sexuelles et celles basées sur le genre. Le cadre juridique sera amélioré pour mettre en oeuvre les mécanismes appropriés permettant de protéger efficacement les Droits Humains. Une attention toute particulière sera portée à la protection de deux catégories de vulnérables en RDC: les enfants et les personnes en détention. A cet effet, les mécanismes de protection de tous les enfants, qu’ils soient en conflit avec la loi ou en danger, seront renforcés. L’approche privilégiée par la PNRJ pour garantir les droits des personnes détenues mettra l’accent sur la réduction de la population carcérale, le renforcement de la protection de la dignité humaine et la lutte contre la récidive.
Outres ces principes fondamentaux, plusieurs autres se retrouvent en filigrane au coeur de la PNRJ:
- La capitalisation des expériences du passé et la valorisation des acquis du processus de réforme de la justice depuis l’avènement de la Troisième République;
- Le développement du partenariat entre le CSM et le MJ ainsi que le renforcement de la collaboration entre le MJ et les autres départements ministériels ainsi que l’ensemble des acteurs publics et privés du secteur de la justice;
- L’adoption d’approches innovantes dans les solutions à apporter aux enjeux et défis de la réforme de la justice en RDC. Parmi ces approches innovantes, on peut relever la mise en place d’un programme d’aide juridique financé par l’Etat (Axe 1), la promotion au sein du service public de la justice (Axe 3) de la gestion axée sur les résultats (GAR) ou des partenariats entre l’Etat et la société civile qu’il est notamment proposé de nouer dans le cadre de la gestion des EGEE ou au titre de la réinsertion sociale et professionnelle des personnes détenues (Axe 4);
- L’alignement de la PNRJ sur le PNSD. La PNRJ s’inscrit dans le cadre des orientations déjà fixées par le PNSD en matière de réforme de la justice, comme l’illustre la convergence entre les thématiques du PNSD et celles couvertes par la PNRJ. Les revues futures du PNSD permettront de mettre en évidence les priorités retenues dans la PNRJ;
- Les équilibres de genre. Il est prévu, dans la PNRJ, d’assurer le respect de l’équilibre de genre dans le recrutement et la promotion, aux différents postes de responsabilité, des magistrats ainsi que du personnel judiciaire et pénitentiaire. Dans le domaine pénal, prenant en compte une vulnérabilité accrue des femmes et des enfants en milieux de détention, une attention particulière sera portée à la poursuite et la répression des violences basées sur le genre et aux conditions de détention de ces catégories;
- Le développement des capacités avec une approche systémique portant sur tous les niveaux: institutionnel, organisationnel et individuel. L’acquisition de nouvelles capacités devra s’accompagner d’activités visant à l’utilisation et à la rétention de celles-ci.