- jeu, 05/07/2018 - 05:26
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Sonné (ou sauvé par le gong?) Cela dépend de qui on parle...
Incroyable destin. Dix ans d’enfermement à La Haye quand nul n’imaginait que celui qui fut Vice-Président de la République (l’un des quatre du Régime 1+4 d’après Sun City) en sortirait ni un jour, ni vivant après autant d’actes d’accusation mis à sa charge - crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en République Centrafricaine par sa rébellion. Voilà qu’un vendredi 8 juin 2018 le miracle vînt. Non seulement il est libéré mais il est acquitté au grand dam de la procureure générale gambienne Fatou Bensouda qui enregistre une vidéo qui fait un buzz dans le monde dénonçant un scandale judiciaire et pour Jean-Pierre Bemba Gombo une inattendue possibilité de rattraper le cycle électoral congolais ouvert sans lui avec toutes les chances de bouleverser le cours de l’histoire de son pays au grand bonheur des siens et sans aucun doute de ceux qui détestent Kabila et ses... caciques. C’était peut-être aller un peu trop vite en besogne pour ses fans que pour ceux qui juraient et jurent au complot ourdi par l’Occident. Car la justice a aussi son agenda... Alors que ses fans misaient sur une libération totale et un retour au pays dès hier mercredi 4 juillet 2018 au soir à l’occasion de l’audience dans une affaire connexe de subordination des témoins avec pour conséquence immédiate sa participation au Congrès de son parti MLC (Mouvement de Libération du Congo) qui le désignerait officiellement candidat Président de la République à la prochaine élection présidentielle, voici que Bemba est... sonné par le gong.
Il doit encore attendre. Poursuivi dans l’affaire de subordination des témoins et condamné en appel de manière définitive, ce dossier n’a pu aboutir. Mercredi 4 juillet, les juges de la Chambre VII de la CPI ont clos les débats promettant de rendre très rapidement le verdict sans autre précision. Intraitable, le bureau de la procureure générale a requis cinq ans de prison et une «amende conséquente» excluant toute possibilité» d’atténuation de la peine initiale parlant d’un «dossier pollué à dessein par la corruption des témoins et dont l’ampleur n’est toujours pas connue à ce jour», expliquant que l’accusé Bemba et ses deux complices ont «mis en œuvre un plan élargi» de subornation des témoins quand la défense de Bemba a plaidé la relaxe. Mais JPB doit encore attendre, sous bonne garde judiciaire à sa résidence de la cossue banlieue flamande Rhôde-Saint-Génèse à la frontière de celle wallonne Waterloo, avant d’être fixé sur sa peine.
RETOUR AU PRECEDENT.
La défense a estimé que l’audience a tourné un peu au procès de la décision d’acquittement en appel. Les avocats ont demandé aux juges de ne pas tenir compte du «désaccord continuel», déjà exprimé publiquement par la procureure générale Bensouda.
«Le verdict existe et il est final», rappelle l’avocate de Bemba, Me Melinda A. Taylor. Pour qui, quand le bureau du procureur demande la peine maximale de cinq ans de prison pour l’ancien vice-président et deux membres de son équipe de défense parce que la subornation de 14 témoins a favorisé l’acquittement de Jean-Pierre Bemba, il s’agit d’un avis subjectif.
L’avocate s’insurge contre l’enregistrement la veille de l’audience au greffe d’un nouveau document développant cette ligne d’accusation, introduisant même, explique-t-elle, de nouveaux éléments alors que Bemba a déjà été condamné de manière définitive pour des cas précis.
Les juges reconnaissent que la défense a le droit de se sentir prise en embuscade par l’introduction d’un document de plusieurs dizaines de pages dans le registre de la cour alors que normalement, la procédure ne permettait plus l’enregistrement au greffe de requêtes écrites par les parties.
La cour décide néanmoins de les entendre. Pour le bureau du procureur, il est clair que si 14 des 34 témoins de la défense ont été entraînés à donner certains témoignages par écrit ou à l’oral et que d’autres ont eu des contacts réguliers avant leur témoignage, cela a eu une influence sur la décision d’acquittement.
Car c’est sur la base de certains de ces témoins que la chambre d’appel a décidé de casser la condamnation de Bemba à 18 ans de prison, en disant que plusieurs circonstances atténuantes n’avaient pas été prises en compte par les juges de première instance.
QUI EST-CE CE TEMOIN D14?
Le premier substitut de la procureure Bensouda, Me Kweku Vanderpuye cite le témoignage du témoin D14 (non autrement identifé. Mais qui donc?) auquel l’avocat de Bemba de l’époque, Me Aimé Kilolo, co-condamné pour subornation de témoins, avait demandé d’atténuer l’idée que l’ancien VIPI avait connaissance des crimes commis par ses troupes en Centrafrique. Le premier substitut cite d’autres témoins, d’autres affirmations et des passages de la décision d’acquittement. «Leur plan a fonctionné», n’a-t-il cessé de répéter. Bemba doit donc encore attendre... Si cela arrive hors délai de la loi électorale congolaise? Sonné (ou sauvé par le gong? Cela dépend de qui on parle...
T. MATOTU.