Cette femme est entre la vie et la mort
  • mar, 06/03/2018 - 06:22

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Elle fut de tous les combats pro-démocratie en première ligne. Elle inaugura avant l’heure les marches de protestation. Seule ou accompagnée de deux ou trois amies recrutées contre rien. À 81 ans, Maman Thérèse Pakasa Tulula ne compte pas le nombre de fois où elle fut raflée en pleine rue alors qu’elle manifestait contre le régime Mobutu, jetée dans un panier à salade puis au cachot de l’AND, Agence Nationale de Documentation, devancière de l’actuelle ANR, Agence Nationale de Renseignement, seule ou avec ses amies, sa mère, un enfant - un bébé! Elle décline toutes les dates avec précision. «La prison de l’AND, je connais comme ma chambre à coucher», rappelle-t-elle sans remords, au «Soft International» (n°1000, daté 3 août 2009), qu’elle choisit pour raconter une histoire qui vaudrait un film à Hollywood. Elle nargue le régime comme jamais auparavant. Elle est reléguée dans son Gungu natal. Mais ne laisse pas prise. C’est en 1987, à Brazzaville, qu’elle rencontre Antoine Gizenga délaissé par des camarades réfugiés et opposants arrivés de Kinshasa. Elle arrache de l’ancien Vice-premier ministre de Lumumba déifié à Gungu mais comme à son ordinaire jamais déterminé, l’autorisation de défier publiquement Mobutu au faîte de son pouvoir afin de sauvegarder un PALU devenu un champs des ruines. Quand en 1992, Gizenga met fin à son exil brazzavillois, il déclenche l’OTT, Opération Tremblement de terre, en remettant pied dans son pays, qui fait esclaffer d’un rire fou un Mobutu triomphant et fait flop. Qu’importe! Thérèse Pakasa Tulula est là. Elle accueille le couple Gizenga éreinté par des années de braise épuisantes, offre sa maison, sa chambre à coucher, son lit, une cuillère et une fourchette, mais se fait évincer dans l’incompréhension peu après de ce parti qu’il a fait exister. Cette femme d’acier Pende de Gungu - issue du secteur de Lonzo quand Gizenga, Pende comme elle, vient de Kandale - depuis cette même petite et modeste maison de Matete, lutte, désormais, entre la vie et la mort. Abandonnée! Venue du Kwilu où elle vit avec son mari, sa fille Anne-Marie Mafuta est à son chevet dans cette chambre jadis prêtée au couple lumumbiste qu’elle ne quitte plus d’où elle lance un appel pathétique à toutes les personnes de bonne volonté. «Ma mère est une grande icône pro-démocratie de ce pays. Elle ne peut s’en aller sans que nul ne s’en soucie, dans un tel état d’oubli total». Ci-après, l’interview-confession de Maman Thérèse Pakasa Tulula parue dans «Le Soft International» (n°1000, daté 3 août 2009). Aucun doute possible: la crise qui sévit au PALU, partenaire clé de la Majorité Présidentielle AMP, n’ira pas sans laisser des traces sur la configuration politique du pays. Elle a fait irruption avec la fronde des jeunes qui réclamaient plus de considération et voulaient décider du sort de certains de leurs aînés disqualifiés à leurs yeux. Gizenga a fait mine de lâcher du lest avant de se rebiffer. Mais voilà que les Vétérans entrent en lice en annonçant l’incroyable: l’éviction du Patriarche accusé de tous les péchés suivie d’une campagne médiatique surréaliste pour un parti jusque là sans histoires. Et de deux: la rentrée arrive à pas de géant avec ses promesses et ses incertitudes. Alors que «le Soft» passe la barre du millième, en attendant ses vingt ans, notre journal est choisi par Mme Pakasa, l’icône Palu des années de plomb. Une interview exclusive et historique qui fait comprendre les jeux qui se jouent et les alliances qui se nouent. La dure Dame du PALU des années Mobutu fait un procès à charge. Signe que le changement a la peau dure au sein du PALU. Dans une interview exclusivement réservée au «Soft International» - «refusée à d’autres», nous révèle-t-elle - elle évoque avec peine ses années tristesse, les peines qu’elle a endurées, l’ingratitude. Elle est très sévère avec la gestion du PALU d’Antoine Gizenga Fundji. Signe que la guerre au sein du mouvement lumumbiste est déclenchée, les divergences réelles et profondes. Thérèse Pakasa nous reçoit chez elle, à Matete. Elle parle français - qu’elle maîtrise parfaitement. Elle a quelques questions «personnelles, sensibles», mais dénude l’essentiel.

Comment vous présenter?
Je suis une Pende, du secteur de Lozo, territoire de Gungu, district du Kwilu, province du Bandundu. J’ai eu six enfants. Deux sont morts suite à tout ce que j’ai vécu. Dures épreuves. J’ai étudié jusqu’en deuxième Normale - comme on le disait en ce moment-là, à la mission catholique Leverville, aujourd’hui Sowa. Je suis une ménagère. Les capacités que j’ai viennent de Dieu. Chacun de nous naît avec. Ces qualités sont divines. Puis, un jour, elles se manifestent. C’est question de les utiliser à bon escient.

Êtes-vous du village de Gizenga?
Lui, il est Pende, de Kandale. Son village c’est Makala. Certes, dans le Gungu...

Quand vous parlez de qualités divines. à qui pensez-vous?
Lumumba n’a pas fait de grandes études. Voyez ce qu’il a pu représenter et ce qu’il représente. Il n’a fait que cinq ans de primaire. Sa pensée politique n’en fut pas moins sublime. Il valait plus qu’un universitaire. Moi, qui vous parle, je n’ai pas été à l’Université. J’ai pourtant eu à gérer le PALU, fort bien. Pour gérer, diriger, il faut avoir ces capacités divines…

Vous êtes une figure bien connue au sein du PALU. Avez-vous de la force physique pour continuer la lutte politique qui est dure?
Je suis restée en marge de tout, quinze ans durant. Et je pense que j’ai beaucoup de force, aujourd’hui. Beaucoup plus qu’avant. La force c’est moral, mental, spirituel. Le mental ne vieillit pas. C’est le physique qui vieillir.
Le mental reste intact, toujours plus fort. Quand on est dans la vérité, on exprime des qualités morales, spirituelles, et cela vous aide à être chaque jour plus fort. J’ai encore toutes les capacités de mener la lutte. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre ces gens du PALU mais contre tous ceux qui nous empêchent de nous développer. Nous luttons contre le colonialisme qui s’est mué en néocolonialisme. Nous avons eu l’Indépendance mais nous n’avons pas un système de Gouvernement approprié ni un mode d’action approprié. Colonialisme et néocolonialisme, c’est du pareil au même. Donc, il faut maintenant lutter pour changer. Il nous faut désormais créer un état indépendant et souverain. Ceux qui pensent que j’ai vieilli se trompent.

Quinze ans, loin de la politique, cela ne vous a-t-il pas fait perdre des repères...
Ces années de silence ont été des années de travail. Quand Antoine Gizenga était en exil, c’est moi - et moi seule - qui avais organisé le parti. J’ai implanté le parti. J’ai organisé les manifestations aux risques et périls de ma vie. Quand il est revenu en 1992, il a pris ma place. Nous avons travaillé avec lui mais, plus tard, il y a eu des divergences. Et il m’a destituée de mes fonctions. Et je me suis retirée. Mais je regardais tout ce qui se passait dans ce parti, le mien, le nôtre.

On vous appelle la Dame de fer. Comment vous vous êtes laissé débarquer du PALU, parti que vous avez dirigé des années durant?
Gizenga avait le regard tourné ailleurs. Il trompait l’opinion. Il se faisait proclamer nationaliste. En réalité, il n’en est pas un. Moi, je l’ai découvert. Gizenga n’a que les intérêts en tête. Vous pouvez voir cela aujourd’hui.

Vous pensez à l’ingratitude...
Il n’y a pas un autre mot. C’est de ça qu’il s’agit. Je leur ai tout laissé: ma chambre à coucher, mon lit, mes draps, etc. Renseignez-vous auprès des voisins. J’avais transformé ma maison en permanence du PALU, puisqu’à l’époque, le parti ne disposait de rien. Même pas d’une chaise.

Le PALU est aujourd’hui aux affaires, vous souffrez d’en être éloignée...
Je suis abandonnée à moi-même. Je vis dans ces conditions que vous pouvez voir. Ils ont tous, tout oublié. Cela prouve qu’ils ont la mémoire courte. J’ai fait la prison pour le PALU, pour Gizenga. Toute ma famille a fait la prison avec moi: ma mère - une vieille dame -, un bébé de deux semaines. Gizenga connaît tout. Certes, l’important est de défendre le PALU. Gizenga et son groupe ont trahi le peuple, le parti et toutes les valeurs du PALU dont ils faisaient semblant de porter.

Alors!
Nous nous battons pour les valeurs du PALU. Les valeurs que Lumumba a prônées. Quand il était en exil à Brazzaville, j’étais en contact permanent avec lui. Il le sait. Mais je ne comprends pas pourquoi a-t-il agi ainsi. On l’appelle Patriarche. Chez les Bantous, cela signifie Sage. Malgré le poids de l’âge, il devait se souvenir de tout ça. C’est l’histoire du parti.

Gizenga s’était aussi rendu en Union Soviétique...
ça, je n’en sais rien. Moi, je l’ai connu à Brazzaville. Pas ailleurs. Il a passé son exil à Brazzaville. Il s’était rendu en URSS certes. Mais avant l’exil. Il est reparti en URSS pour un court moment avant son retour définitif au pays. Puis, il s’est rendu au Canada pour des soins médicaux.

Quels rapports avez-vous avec son nouvel entourage?
On l’appelle Patriarche. C’est-à-dire un vieux. Pensez-vous qu’un jeune puisse changer ses idées, à son âge? C’est lui qui, au contraire, dirige ces jeunes, qui leur montre la ligne à suivre. Mais les intérêts égoïstes se sont tout simplement croisés. Comme moi aujourd’hui, j’ai une vision de vie, l’idéal. Personne ne peut changer ma voie à cause des intérêts égoïstes. Non!

Quand avez-vous commencé votre lutte?
J’ai commencé ma lutte en 1987 au sein du PALU. J’avais alors cinquante ans.

Comment avez-vous connu Gizenga?
Je me trouvais à Brazza à la rencontre de mon frère. Alors commando et chauffeur de Mobutu, il allait faire un coup contre Mobutu. Malheureusement pour lui, les choses n’ont pas bien marché. On ignorait où il se trouvait. Un jour, nous avons reçu un message qu’il s’était exilé à Brazzaville. En 1985, je suis allé encore voir mon frère et, là, j’apprend que Gizenga s’y trouvait en détention. Il venait d’Angola. En 1986, on l’avait libéré. Le gouvernement du Congo Brazzaville lui avait donné une villa à Mikalu et il en avait profité pour organiser des rencontres avec des réfugiés de R-dC. Avant déjà, je le connaissais bien en 1960, parce qu’il était le président du PSA et mon défunt mari Christian Mafuta était secrétaire provincial alors que Cléophas Kamitatu était président provincial et Marc Katsunga vice-président provincial. à l’époque, comme président du PSA, il avait initié des tournées. Il s’était rendu à Feshi, Popokabaka… et, enfin, à Gungu où il fut logé chez nous. Puis, je l’ai revu en 1960 quand il est devenu Vice-Premier ministre. Aussitôt après, il est parti en exil.
J’avais perdu toute trace de lui jusqu’à cette rencontre de 1986 à Brazzaville lorsqu’il tentait de mettre en place une machine avec ces réfugiés de R-dC. Au fond, je ne leur ai pas trouvé de grandes idées. Tout ce qu’ils faisaient c’était de s’accuser mutuellement. Tel a fait ceci, tel cela… J’ai suivi et j’ai compris que Gizenga n’irait pas loin. Je me suis mise à poser des questions du type: sont-ce ces gens-là qui allaient réellement libérer le Congo? Et j’ai dit: «non, je ne pense pas». Après, je suis retournée chez mon frère. Deux semaines plus tard, Gizenga a envoyé sa femme Anne Bumba à ma recherche. Sa femme m’a dit: «le vieux a dit «même Thérèse aussi m’a fui», parce que tous ces réfugiés l’avaient aussi quitté. Moi, j’ai dit non. J’étais dégoûtée. Puis, j’ai préparé un repas et leur ai amené. Je lui ai dit à lui et à sa femme tout le mal que je pensais de leurs discussions de ce jour-là et que je ne pensais pas qu’avec ces gens-là, il pouvait libérer le Congo.

Alors?
Je ne voyais pas en eux de grandes philosophies politiques. J’ai senti qu’ils n’étaient pas prêts à mener des actions et j’ai clairement dit à Gizenga qu’il devait compter sur une relève, une nouvelle génération. Dans le pays, tout avait changé. Il fallait qu’il évacue la mentalité de Léopoldville qu’il avait connue. Une nouvelle mentalité s’était mise en place au pays. Il nous fallait des gens très courageux qui connaissent les nouvelles réalités du pays pour faire du travail. Et, il me demande: «C’est ça les nouvelles réalités du pays?» Je lui ai dit oui.

Voulez-vous dire qu’il avait perdu toute réalité du pays?
Il ne maîtrisait plus rien. Il était hors de tout. Je lui ai dit: est-ce que nous ne pouvons pas organiser des manifestations de rejet de ce régime Mobutu? Il me dit: «Est-ce vraiment c’est ce qu’il faut? C’est donc ce qu’il faut entreprendre?» J’ai répondu par l’affirmative. Puis, j’ai passé un long moment à Brazzaville sans penser le revoir un jour.
Mais voilà qu’il m’envoie à nouveau sa femme, la même, Anne Bumba. Il voulait me rencontrer. J’ai dit ne trouver aucun inconvénient. Arrivée chez lui, il me demande si je n’étais pas prête à prendre mon adhésion au parti. Je lui ai demandé de quel parti il parlait? Il me répond: le PALU. Je lui demande de me donner les documents du parti - statuts, règlement intérieur, projet de société, etc. - afin que je puisse prendre connaissance de ce que ce parti envisage. Il me remet les statuts du parti et autres documents. Ce qui me touche en prenant connaissance de ces textes, c’est le discours de Lumumba et sa dernière lettre écrite à Pauline, sa femme. J’ai aussitôt pris mon adhésion. à l’époque, Gizenga était tout seul. Il était à la recherche des gens puisqu’il avait été abandonné par tous ses anciens camarades.

Pourquoi l’ont-ils quitté?
Je n’en sais rien. Peut-être n’y avaient-ils pas vu d’avenir au PALU. Mais il faut aussi savoir que dans la vie, il y a des gens qui lisent les événements à venir. Peut-être avaient-ils cerné son comportement. Moi, en tout cas, j’ai pris ma carte de membre. Elle porte le n°8. Comme j’étais déjà dans l’organisation, il m’a confié des responsabilités. Il a adhéré à mon projet de marches contre le régime et m’a demandé de repartir au pays en vue de lancer ces mouvements de protestation. Le 8 mars 1987, j’ai traversé le fleuve dans le sens contraire. à l’époque, les gens avaient peur de Mobutu. Je n’ai trouvé que trois femmes plus moi-même. Nous étions quatre. La première manifestation a eu lieu le 23 juillet 1987. Nous avons commencé notre action à l’ambassade de Belgique et nous avons progressé jusqu’au niveau de la SONAS. La police nous a arrêtées, on nous a jetées dans les cachots de Mobutu, à l’AND, l’Agence nationale de documentation, l’actuelle ANR. Nous y avons passé un mois et demi avant d’être libérées. Quand on est sorti de ces cachots, nous avons repris avec le recrutement des femmes, décidées de braver la dictature. Mais, nous n’étions plus que deux à mener ces actions. Les deux autres femmes ont été découragées par leurs maris. à nouveau, nous avons été arrêtées, puis torturées.
Chez moi, le mécontentement montait. Ma mère avait trop peur. Elle craignait d’être abattue par le régime. Je me suis alors mise à leur expliquer les droits fondamentaux, la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, etc.
J’ai fini par convaincre ma mère qui a marché avec moi. C’était le 19 avril 1988. Battues, torturées, nous avons à nouveau été enfermées et, cette fois, nous avons passé trois mois en prison avant d’être reléguées dans nos villages.
J’ai fait cinq mois au village. Puis, je suis revenue dans la Capitale en vue de nouvelles manifestations. Malheureusement, une femme m’a dénoncée. On m’a encore arrêtée le 4 janvier 1989 à quatre heures du matin avec une femme du Kasaï, Christine Kasanji, qui vit désormais aux états-Unis. Nous avons fait trois mois de cachot. Puis, nouvelle arrestation - un certain 15 du mois. Toute la maison avec un bébé de deux semaines a été raflée avant de libérer les enfants. Moi, cette femme Kasanji, ainsi que son mari, avons encore fait trois mois de prison. La prison était devenue ma maison. Malgré tout, je n’avais pas lâché prise. J’ai recruté d’autres femmes. Le discours de Mobutu à la N’Sele a ouvert des opportunités. Gizenga a envoyé le modèle des cartes qu’on a imprimé. Quand il est revenu en 1992 au pays, nous leur avons tout laissé. Lui et sa femme. Même mon lit. On mangeait tous ensemble. Il aimait occuper cette place (qu’ellle désigne du doigt, ndlr), regardant les passants. Plus tard, il a aménagé dans la commune de Limeté. On a continué de travailler ensemble - et je ne sais d’où lui est venu la crainte qu’il a eu de moi. Il a commencé à me créer des problèmes. Je ne sais pas, peut-être qu’il a vu que j’étais plus active que lui. Et il a voulu peut-être m’éloigner...

Quel type de relations avez-vous avec sa femme, Anne Mbuba?
Maman Anne ne m’a jamais reçue. Mon fils est allé la voir et lui a proposé de lui passer mon numéro de téléphone, elle a refusé. Antoine Gizenga a aussi refusé, expliquant à mon fils que j’étais trop orgueilleuse. Que j’avais laissé tomber le parti, que je n’avais plus de place au PALU et qu’il ne savait pas quelles responsabilités il me confierait. Gizenga a oublié que c’est lui qui m’a écarté du parti.

Vous paraissez très amère?
J’ai en tout cas de nombreux reproches à lui faire. Le parti tel que je le faisais fonctionner a complètement changé. C’est devenu un parti des gens qui suivent les intérêts égoïstes. Avant, on disait aux membres que nous cherchons à vous libérer, un pays où chacun pourra être libre et bénéficier de ce que nous avons comme richesse. Les discours ont changé. On entend des discours où les dirigeants cherchent à s’enrichir et les militants sont de plus en plus poussés à la pauvreté. Aujourd’hui, le discours - la voie de Lumumba que l’on pensait suivre - n’est plus le même. Les décisions qui émanent du peuple ne sont plus prises en compte. Référez-vous à l’affaire Mayobo. Gizenga a boycotté toutes les décisions du CENAL, le Conseil de discipline… C’est de la dictature, c’est du despotisme. Il réhabilite celui qu’il veut et chasse ceux qu’il n’aime pas. Le PALU n’est plus un parti du peuple.

A-t-on désormais deux PALU?
Non, il n’y a qu’un seul PALU. La lutte a lieu au sein du parti. Le PALU avec un seul dirigeant. Gizenga, nous le mettons de côté. Il a bien dit qu’il est fatigué. Bientôt, nous allons occuper le secrétariat général. La nature a dit non à Gizenga.

Vous avez créé un PALU Progressiste...
Quand Gizenga m’a chassée, j’ai créé un mouvement. Puisque je ne voulais pas m’écarter de la logique de Lumumba. Mais ce parti n’existe plus. Les services du ministère de l’Intérieur ont écrit à Gizenga pour l’en notifier.
On m’avait donné un délai de six mois pour changer la dénomination, j’ai refusé. Tous savent cela. Ils disent désormais n’importe quoi.

À quoi ressemble le PALU d’aujourd’hui?
Pas au nôtre en tout cas. Sans mâcher mes mots, le dynamisme n’existe plus dans ce mouvement. Ceux qui suivent ne suivent que pour les intérêts. Chacun cherche à tirer un dividende de ce qu’il fait. La démotivation des membres est due au fait que les dirigeants suivent deux voies à la fois. Ils cherchent des intérêts égoïstes et font semblant d’être des nationalistes. Ça ne peut pas marcher. Ces gens-là fragilisent le parti.

Pour les militants du PALU, Gizenga est un demi Dieu...
C’est un demi Dieu pour les ignorants. Ceux qui ne comprennent rien. Sur base de quoi serait il un demi Dieu? Le mythe est tombé. C’est l’origine de la faiblesse du PALU actuellement. Du fait que Gizenga, chef de file, n’incarne plus le parti. Tout mouvement dispose des compagnons de lutte et quand ceux-ci ne jouent pas leur rôle ou sont négligés c’est le déclin. Vous ramassez des opportunistes, d’emblée vous tombez puisque ceux là ne recherchent que leurs intérêts égoïstes. Moi, je n’ai pas connu Mayobo, qui est arrivé bien plus tard. Tout comme Sylvain Ngabu et consorts. J’ai commencé avec mes quatre femmes. Après le discours de Mobutu, il y a Fidèle Kianza, Ramazani décédé, docteur Minzia. Puis, d’autres personnes nous ont rejoint. Je pense que toutes ces personnes ne sont pas avec lui. Sur le plan idéologique, politique, de la lutte, des combats, nous ne sommes plus ensemble.
S’il s’amende et redevient le nationaliste auquel j’ai toujours rêvé, nous pouvons nous retrouver autour d’une table. Mais ce que les gens doivent savoir, même si vous êtes issus de la même tribu, cela n’empêche pas les divergences. Dans nos villages, les tribunaux ne jugent que les frères et sœurs. La justice est la justice. On ne peut laisser l’erreur progresser. L’erreur, nous devons la bannir.

Finalement, c’est quoi votre combat politique?
Réaliser l’idéal de Lumumba. Sarkozy l’avait si bien dit que Lumumba a voulu faire du Congo, au cœur de l’Afrique, une nation heureuse. C’est ça mon rêve. Gizenga est tombé de l’autre côté mais moi, je continue la lutte. Et ce que nous devons savoir, dans un pays, nous devons avoir une pépinière politique. Et c’est dans un parti qu’on peut trouver ça. Nous devons prêcher la bonne gouvernance.

N’êtes-vous pas coupée de Gizenga en vous annonçant à sa succession?
Gizenga doit être sincère. Il a dit que son état physique est défaillant. Il doit donc pourvoir à son remplacement. Et il n’y a pas une autre personne pour le remplacer en dehors de moi. Parce que j’ai combattu avec lui. 
Il a peur que j’organise mieux les choses! Si je prends sa place, il ne doit pas avoir peur. Il restera pour nous une autorité morale. On ne change pas l’histoire. Par contre, je ne suis pas sûre si je peux travailler avec les gens qui l’entourent. Sauf s’ils s’amendent. Notre parti c’est le parti de l’unification. Le pouvoir vient du peuple. C’est un va-et-vient.

Que pensez-vous d’Adolphe Muzitu?
Il est Premier ministre, c’est tout. Je l’ai connu comme militant quand je coordonnais le PALU.
Je ne cherche pas à savoir la façon dont il gère le Gouvernement. Je sais aussi qu’il est de Gungu, secteur de Kobo. Mais, personne de ces gens ne cherche à me rencontrer. Même pas un Député du PALU. J’ignore pourquoi. Je pense que pour eux, je suis une personne à abattre.

Comment jugez-vous les accords AMP PAU?
Ils auraient dû au préalable se mettre ensemble sur le programme, constituer une commission en vue d’examiner les points communs entre leurs programmes et dégagent un programme commun de gouvernement. Si la question avait porté sur la nomination du PALU à la deuxième position de l’état sans tenir compte du programme, ce fut une erreur.
PATIENCE. KIMVULA.
Le Soft International, n°1000 | 3 août 2009. Numéro Spécial d’anniversaire 20 ans.


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