Coup de balai
  • lun, 28/09/2015 - 03:46

Peut-être un vrai coup d’arrêt au débauchage et à la trahison.

Pourtant en une journée, le 16 septembre, après la signature et l’annonce sur les réseaux sociaux et dans les médias étrangers d’une énième lettre (ouverte, cette fois) corrosive datée du 14 septembre 2015, en moins de deux heures, non seulement Joseph Kabila Kabange a validé - au titre d’Autorité Morale de la Majorité Présidentielle - les délibérations du Bureau politique de la Majorité élargi aux présidents des groupes parlementaires des Chambres et à l’allié du Parti Lumumbiste Unifié - l’auto-exclusion de la majorité présidentielle du groupe de sept partis dits le G-7 (Charles Mwando Nsimba, Pierre Lumbi Okongo, Olivier Kamitatu Etsu, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, José Endundo Bononge, Christophe Lutundula Apala Pen’Apala, Dany Banza Maloba), il a puni, dans une incroyable transformation, deux personnalités clé de son exécutif: le ministre du Plan et de la Révolution de la Modernité Olivier Kamitatu Etsu (ARC, Bandundu, Kwilu, Bulungu) et son conseiller en matière de sécurité, Pierre Lumbi Okongo (MSR, Maniema, province maternelle du Président de la République, chef du deuxième parti de la majorité avec 44 Députés dans son groupe parlementaire MSR et Alliés duquel il faut cependant extraire 18 Députés Alliés dont ceux appartenant aux ex-RCD-Goma, un personnage historique). Deux personnalités qui occupaient des fonctions importantes, révoquées pour avoir manqué au devoir de réserve…
Si on rappelle combien des oukases de ce genre ont eu lieu au sein de la majorité, on peut conclure que pour le Chef de l’Etat, le verre plein débordait déjà. En clair, le président de la République paraît avoir décidé qu’une ligne rouge avait été franchie. Que l’heure de tolérance zéro avait sonné!
Alors qu’au lendemain de ces auto-exclusions, le Congo et le monde assistaient incrédules à un débordement d’actes d’allégeance, que télés, radios et journaux mis à contribution, rendaient rendaient compte des scènes de ferveur pro-Kabila émanant des personnes décidées de se maintenir dans l’Exécutif en passant outre le mot d’ordre de leurs chefs membres du G-7, voilà que le Président de la République accélère son avantage en estimant qu’il faut au contraire vider l’abcès, tout l’abcès, sans attendre en donnant un coup de balai mortel…

DES PERSONNES AU-DESSUS DE TOUT SOUPÇON.
Du coup, le ministre de l’Environnement et du Développement durable Bienvenu Lihota Ndjoli qui avait usé de la magie de la télévision en mobilisant une foule compacte aussi bien le dimanche 20 septembre à son domicile et le lendemain lundi 21 septembre à son cabinet non loin des Cliniques kinoises, est défenestré. Et au soir même d’un conseil des ministres auquel il venait de prendre part sans qu’il n’ait vu le moins du monde venir l’onde de choc et alors qu’il avait, déjà, son billet d’avion en poche pour une mission à New York dans le cadre des préparatifs de la COP-21, la grande conférence stratégique sur l’environnement qui aura lieu en décembre à Paris au terme de laquelle le Congo va réclamer une bagatelle de 21 milliards de dollars à titre de dommages et intérêts pour compenser financièrement les services environnementaux et les préjudices subis en vue d’intégrer la mise en place de programmes de résilience sur le long terme, de fixer le seuil des émissions tolérable pour un pays, dans le temps et dans l’espace afin de les contraindre à atteindre pour éviter toute perturbation…
Le message est clair: à ce niveau de responsabilité, il faut des personnes au-dessus de tout soupçon! Avec lui, le ministre de l’Agriculture Kabwe Mwewu (Katanga, UNADEF-Charles Mwando Nsimba) et…, la ministre du Genre, Femme et Famille Bijou Kat (UNADEC-Gabriel Kyungu wa Kumwanza, Katanga). Depuis belle lurette, celle-ci s’était pourtant désolidarisée de son chef de parti Gabriel Kyungu qui avait répondu par une fatwa lancée contre elle, elle avait participé à un coup d’état de palais! Effet collatéral - les balles perdues ne sont jamais perdues pour tout le monde, on le sait depuis les années Léopard - ou volonté affichée d’en finir avec un jeu inadmissible? Ce coup de balai intervient au lendemain du départ du ministre - le benjamin du Gouvernement - de la Jeunesse, Sports et Loisirs Sama Lukonde Kienge (Katanga, ACO) qui, après avoir fait acte d’allégeance au Chef de l’Etat l’avait accompagné samedi 19 à la cérémonie de clôture des IIèmes jeux africains à Brazzaville. Au retour de cette mission, voilà que le plus jeune ministre annonce qu’il s’en allait du camp présidentiel et rejoignait le G-7! Le Président de la République a certainement pris la mesure de l’ampleur du complot et a décidé de nettoyer les écuries d’Augias.
A l’arrivée, sauf exception, c’est fondamentalement un coup d’arrêt au débauchage qui n’a jamais payé nulle part - ni sous Mobutu, ni sous Sarkozy, ni nulle part au monde - ne réussissant qu’à consolider la carte de visite de son bénéficiaire (les UDPS Lihau, Birindwa, Kibasa Maliba au Congo-Zaïre, les socialistes DSK et Bernard Kouchner en France) sans rien apporter ni au système, ni au régime...
Deux exemples récents: au lendemain de sa prestation de serment et de l’annonce de sa volonté de travailler avec tout Congolais «ayant la passion du Congo», Joseph Kabila Kabange fit venir dans son gouvernement deux personnalités de l’opposition: Jean Paul Nemoyato Bagepole (Province Orientale, Député CDC-Gilbert Kiakwana kia Kiziki-Florentin Mokonda Bonza) et Rémy Musungayi Bampale
(Kasaï Occidental, non élu, ADR-François Mwamba). Les deux hommes prennent le contrôle de deux ministères stratégiques. Le premier à l’Economie et Commerce Extérieur, membre du coup du Kern congolais - la Troïka congolais - qui se retrouve chaque lundi entre 6 et 7 heures du matin autour du Chef du Gouvernement et du gouverneur de la Banque Centrale pour délibérer sur des questions économiques majeures touchant à la marche du pays; le second prend l’Industrie, Petites et Moyennes entreprises.
Si nombre de membres du CDC prennent d’assaut le secteur de l’économie et du commerce extérieur, la contestation anti-Kabila ne faiblit point, bien au contraire. Qui ignore envolées et diatribes anti-Kabila du Député (Kongo Central) Gilbert Kiakwana kia Kiziki ou du Sénateur (Province Orientale) Florentin Mokonda Bonza?
Quant au ministre Rémy Musungayi Bampale, dès ses premiers jours au gouvernement, il prend le pari de défier son parti d’origine qui prononce aussitôt son exclusion. Tant que Musungayi est ministre, il ne représente que lui-même, et personne d’autre, décrète l’ADR qui tente de le changer, sans y parvenir. Jusqu’au 7 décembre lorsque Elvis Mutiri wa Bashara le remplace mais au Tourisme.
Si ce jour, Musungay regagne son domicile à Limete sans demander son reste, l’élu de la province Orientale Nemoyato fait valoir son droit au retour en récupérant son siège à l’Assemblée Nationale et retrouve les rangs de l’opposition. Même s’il se ferait bien prier de renouveler sa confiance à un CDC qui lui avait privé de son appui estimant qu’au sein du Gouvernement, il ne représentait que lui-même et qui lui a fait écourter une expérience que l’élu aurait bien voulu prolonger, qu’importe! Le secrétariat général en charge des partis politiques au ministère de l’Intérieur regorge de mille secrets: chaque élu, de l’opposition comme de la majorité, aurait en poche une feuille de papier: l’agrément de son propre parti politique qu’il aurait fait enregistrer et n’attendrait que la fin de la législature pour se libérer. La loi ne fait perdre son siège qu’à l’élu qui le signifie formellement. Elle protège le siège de celui qui se fait exclure du parti sur les listes duquel il a été élu. Les exemples sont légion. «Je reste membre sur papier même si je n’en ai plus l’âme», explique un élu.
«Tout Député national qui quitte délibérément son parti politique durant la législature est réputé renoncer à son mandat parlementaire obtenu dans le cadre dudit parti politique (…). Il est remplacé par son premier suppléant» (art 85, règlement intérieur de l’Assemblée nationale). «Le suppléant qui quitte délibérément son parti politique durant la législature perd son droit à la suppléance. Dans ce cas (…), il est remplacé de plein droit par le 2ème suppléant. A défaut de suppléant, il est pourvu à la vacance créée par le Député (…) par l’organisation d’une élection partielle dans la circonscription électorale concernée dans un délai de soixante jours maximum, conformément à la loi électorale» (art. 86, text. cit.).
T. MATOTU.


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