Ennemis de la guerre, grands alliés désormais
  • dim, 03/05/2015 - 23:58

Shinzo Abe a exprimé son «profond repentir» au sujet du rôle du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale (à laquelle le Congo a pris une part déterminante avec l’usage de l’uranium, lire pages 7 et 8), tout en affirmant la place qu’entend occuper Tokyo comme acteur de la sécurité internationale face à la montée en puissance de la Chine. Le Premier ministre japonais, qui s’exprimait mercredi 29 mai devant le Congrès des Etats-Unis, a estimé que le Japon ne devait pas occulter les souffrances infligées par son pays pendant la guerre de 1939-45, mais il n’a pas pour autant présenté ses propres excuses, reprenant plutôt les déclarations de ses prédécesseurs, ce qui n’a apaisé ni la Chine ni la Corée du Sud, qui l’accusent de trahir les faits historiques. «Nos actes ont fait souffrir les populations des pays asiatiques», a-t-il déclaré. «Nous ne devons pas en détourner nos regards». Chaleureusement reçu par les membres du Congrès, en tant que dirigeant du principal allié des Etats-Unis en Asie, Shinzo Abe a profité de l’occasion pour adresser un message de fermeté à la Chine qui est en plein différend avec le Japon et d’autres pays d’Asie sur des questions maritimes. «Nous brandissons un nouveau slogan, la «contribution proactive à la paix sur la base du principe de coopération internationale»», a dit le Premier ministre, qui, la veille, avait exposé aux côtés de Barack Obama la nouvelle doctrine de l’armée japonaise consistant à pouvoir soutenir les forces américaines en dehors des frontières nipponnes. Shinzo Abe a émis l’idée de modifier la Constitution pacifique adoptée par le Japon après la guerre afin de faciliter une telle évolution. S’il n’a pas mentionné nommément la Chine dans son discours, Shinzo Abe a parlé de «l’état des zones maritimes asiatiques», déclarant que les pays ne devaient pas «recourir à la force ou à la coercition pour faire valoir leurs revendications».

«FEMMESDE RECONFORT».
Le discours du chef du gouvernement japonais a marqué symboliquement la réconciliation entre les deux ennemis de la Seconde Guerre mondiale, qui sont désormais de grands alliés. Shinzo Abe s’est exprimé lentement, en anglais, et a été fréquemment interrompu par des applaudissements et des ovations debout. Il s’est exprimé à l’endroit où le président Franklin Roosevelt avait sollicité une déclaration de guerre contre le Japon impérial après le bombardement de Pearl Harbor à Hawaii en 1941. Son discours coïncidait également avec la journée fériée au Japon qui commémore l’anniversaire de naissance de l’empereur Hirohito, au pouvoir pendant la guerre. Si les déclarations de Shinzo Abe sur le rôle du Japon dans la guerre du Pacifique lui ont valu des critiques de certains élus américains, au Japon, les alliés politiques du Premier ministre jugent inutiles de présenter de nouvelles excuses.
De fait, Shinzo Abe a bien eu une nouvelle figure de rhétorique lorsqu’il a évoqué sa visite au monument aux morts de la Seconde Guerre mondiale à Washington, disant à ce propos: «Avec un profond sentiment de repentir au coeur, j’ai prié silencieusement».
Pour le reste, il s’en est tenu aux expressions déjà utilisées, parlant de ses «profonds remords» pour la conduite du Japon durant la guerre et disant qu’il maintenait les excuses déjà présentées par Tokyo, notamment la déclaration historique faite en 1995 par le Premier ministre d’alors, Tomiichi Murayama. Shinzo Abe n’a pas fait allusion aux «femmes de réconfort» - euphémisme japonais pour les milliers de Coréennes et autres Asiatiques contraintes à la prostitution dans des bordels de l’armée japonaise durant la guerre du Pacifique. Cependant, il a tenu à dire que «les conflits armés ont toujours fait souffrir davantage les femmes». Présente au Congrès pendant le discours de Shinzo Abe, à l’invitation d’un élu démocrate, une ancienne «femme de réconfort», la Sud-Coréenne Yong Soo Lee, 86 ans a jugé «choquant et honteux» que Shinzo Abe n’ait pas présenté d’excuses dans son discours.


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