- sam, 27/01/2018 - 08:17
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Les dignitaires congolais de l’église catholique romaine se tirent dessus à fleurets mouchetés.
Si les Congolais s’attendaient à voir deux têtes couvertes de calotte - le bonnet rouge qui couvre le sommet du crâne des ecclésiastiques - s’envoyer publiquement sur la figure des noms d’oiseaux, échanger des coups de poing, se rouler dans les travées d’une nef ou sur le parvis de la Cathédrale Notre-Dame du Congo, c’est raté! Nul n’aura droit à ce privilège à l’exorbitant droit d’entrée... Pourtant, entre l’archevêque de Kisangani Mgr Marcel Utembi Tapa et son homologue de Kinshasa, Mgr le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, la guerre de leadership éclatée, non déclarée, fait rage et... dégâts. Sera-t-elle courte ou longue? Va-t-elle se solder par un knock-down d’un des protagonistes, par une victoire aux poings ou par un résultat blanc? Pour l’heure, la guerre encore au stade épistolaire est violente bien qu’à fleurets mouchetés.
UTEMBI RECLAME DES PREUVES...
Déjà que le premier plus jeune et donc plus fougueux a remplacé le second bientôt octogénaire, à la tête de l’archidiocèse de Kisangani d’abord, ensuite, à la tête de la CENCO, la Conférence Episcopale Nationale du Congo. Comme président de l’épiscopat du Congo, Utembi a toute autorité devant tous les évêques du pays, y compris «Son Eminence Le Cardinal». Outre cela, il est l’interface du pouvoir d’Etat congolais.
Aux termes du Concordat signé le 20 mai 2016 à la Cité du Vatican entre le Saint-Siège et l’Etat congolais, la République Démocratique du Congo reconnaît (...) la personnalité juridique de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo et de toutes les circonscriptions ecclésiastiques existantes, archidiocèses, diocèses, administrations apostoliques, prélatures personnelles et territoriales, abbayes, paroisses, instituts de vie consacrée et sociétés de vie apostolique (art. 4 de l’Accord-cadre). «La Conférence Episcopale Nationale du Congo et l’Etat congolais collaboreront, par des contacts réguliers dans les matières d’intérêt commun et pour la clarification des questions relatives, à leurs rapports réciproques, en particulier en ce qui concerne les activités des entités de l’Église catholiques. Afin de promouvoir cette collaboration, la Conférence Episcopale Nationale du Congo nommera une personne qui assurera une information réciproque» (art. 19).
Du coup, réagissant aux attaques du Gouvernement qui accuse l’un des évêques du Congo, d’être à la tête d’un mouvement insurrectionnel - évoque «quelques tentatives subversives d’un membre de la hiérarchie du clergé de l’Eglise catholique de la ville de Kinshasa» et de s’inscrire «dans un schéma anticonstitutionnel de violence, de désordre, de perturbation du processus électoral», une démarche «compromettant gravement les intérêts nationaux» - l’évêque président de la CENCO a réclamé publiquement des «preuves». Dans quel but? En vue de se faire sa propre religion? Puis, de prendre des sanctions? Désaveu de l’action engagée par le Cardinal?
Si les questions peuvent se poser, les réponses n’en paraissent pas moins évidentes.
Ainsi, au Gouvernement, la demande faite par l’évêque Président serait prise très au sérieux...
Dans l’un de nombreux articles stipendiés qui lui sont consacrés désormais jour après jour depuis qu’il a pris la tête d’un Comité laïc de Coordination reconnu par son seul diocèse et à la tête duquel il a porté deux professeurs - l’un des Lettres et membre du parti politique ARC-Aile RASSOP-Limete Justin Okana Nsiami, l’autre d’Histoire et membre du parti politique MSR-Aile RASSOP-Limete Isidore Ndaywell E Nziem, le Cardinal pris tour à tour pour Madiba, Desmond Tutu, «l’opposant n°1, mieux, le symbole de la résistance», «le Joker face à Kabila» pour la Belge Colette Breackmann du Soir de Bruxelles, qui serait, pour certains observateurs en Occident, en passe d’accéder à la magistrature suprême du Congo, recherche «depuis Mobutu», un «changement» introuvable, selon le dernier directeur de cabinet du feu Maréchal, l’opposant sénateur Florentin Mokonda Bonza. Avis partagé par un autre opposant, député celui-là et Vice-président du RASSOP-Limete conservateur, Christophe Lutundula Pene Apala qui voit dans la posture du Cardinal et l’émergence d’un nouveau comité laïc de coordination sinon «l’histoire se répéter, du moins bégayer»… Même si «la mobilisation n’est pas encore du niveau de celle de 1992, l’intention est là», se lamente la rédactrice de l’article, la Française Sonia Rolley de Rfi, connue pour être très proche des opposants des Grands Lacs africains.
MGR UTEMBI
TRES REMONTE.
C’est dans sa lettre circulaire (réf. CENCO/PR/MUT/15/01 0000070/2018BG-7°) datée du 15 janvier 2018, adressée au Cardinal et aux Evêques du Congo (tous, tient-il à préciser) que Marcel Utembi Tapa affirme toute son autorité - afin que nul n’en ignore rien - sur l’administration de l’Eglise catholique au Congo.
Les mots employés sont choisis.
Quoiqu’en dise l’abbé Donatien N’Shole taraudé par plusieurs médias, trouvent des explications alambiquées, peinent à convaincre, on est face à un haut dignitaire catholique très remonté.
Petit florilège: «Ayant appris que le Comité Laïc de Coordination (…) a annoncé une autre marche (…), je m’empresse d’attirer notre attention sur l’attitude que nous devons avoir si jamais nous sommes approchés par les laïcs de nos diocèses qui veulent emboîter le pas ou encore par les journalistes».
Utembi Tapa a donc «appris…» et, face à un danger imminent (pour le pays? Pour l’Eglise catholique?), le verbe exaspéré, il «s’empresse d’attirer notre attention»!
Puis: «Tout en n’assumant pas cette marche comme étant organisée par la CENCO (…)».
Les termes employés ne prêtent à la moindre équivoque.
Et, encore davantage plus clair, comme si cela ne l’était pas déjà: «Les laïcs (ndlr: que nous, princes d’Eglise, ne sommes pas et, n’avons pas à nous mêler de leurs actions) peuvent s’organiser à leur niveau sans vous impliquer directement dans l’action». Puis enfin: «A chaque diocèse de voir comment accompagner les laïcs (ndlr: que nous ne sommes pas, nous, princes d’Eglise et que n’entendons pas être sous aucun prétexte!) qui souscrivent librement à cette initiative pour qu’ils restent dans la dynamique de l’appel de la CENCO».
En clair, si des laïcs répondent «librement» (et en clair, sans y être invités ou poussés de quelque façon que ce soit par les évêques), il appartient à ceux-ci de «voir comment les accompagner».
Ceux qui ont estimé que Utembi s’insurge contre Monsengwo ont vu juste. Le risque de division au sein de l’Eglise catholique du Congo est réel…
Sous le sceau de l’anonymat, un fonctionnaire international qui «suit le Congo» avoue «ne pas savoir très bien où cette lettre veut en venir». «Certains disent que c’est un faux» mais note que l’épiscopat congolais prompt à communiqué n’a rien démenti. «Ni ceux qui travaillent avec Utembi à qui le texte a été envoyé».
T. MATOTU.