Le réquisitoire
  • ven, 19/06/2020 - 01:26

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1489|VENDREDI 19 JUIN 2020.

Le procès tel que fixé à suivre la présentation des faits.
A suivre les diverses parties à ce procès, il y a deux camps opposés à ce procès dans son premier acte des maisons préfabriquées turques. D’une part le Libanais Samih Jammal agissant en intelligence avec un ami de longue date, le Directeur de cabinet du Président de la République Vital Kamerhe Lwa-Kanyinginyi Nkingi, de l’autre, le camp de membres du comité de suivi du Programme des 100 Jours du Président de la République. Donc, celui de témoins.

Le Libanais Samih Jammal et le Directeur de cabinet Vital Kamerhe ont, avec eux, des membres de famille de celui-ci, l’épouse Hamida Shatur Kamerhe, la belle-fille Soraya Mpiana Tshituka, le cousin Daniel Shangalume Nkingi, le frère Justin Kamerhe et un autre dont le témoignage n’a présenté aucun intérêt à personne et, du coup, le nom n’intéresse personne.

LA FAMILLE
ET LA FAMILLE SEULE.

Ces trois derniers - frères biologiques ou géopolitiques du territoire de Walungu dans la province du Sud Kivu - font tous partie d’une manière ou d’une autre du cabinet du Président de la République et leurs noms étaient repris dans la décision du DirCab désignant une multitude de membres du comité de suivi. Mais c’est eux et eux seuls, la famille, qui ont été en contact avec l’entreprise Samibo Sarl, propriété de Jammal Samih et celle Husmal Sarl dont nul ne sait, à l’heure actuelle, à qui elle appartient ayant vu le jour pendant la période de la commission des faits. En dehors des membres de la famille biologique ou géopolitique du DirCab au comité de suivi, nulle autre personne du Cabinet du Président de la République n’a accès au projet des maisons préfabriquées.

Pour ces personnes tenues à l’écart, «ce fut un enfumage», conclut l’avocat de la République, partie civile lésée. A ces personnes comme aux ministres, Directeurs d’entreprises publiques, gouverneur de la Banque Centrale, etc., aucune information n’est donnée.

Lui et lui seul - le DirCab Vital Kamerhe Lwa-Kanyinginyi Nkingi - et les siens biologiques et géopolitiques du territoire de Walungu, dans la province du Sud-Kivu dont il est issu, sont dans le secret bien gardé du dossier des maisons préfabriquées qui vaut 57 millions de $US auxquels il tente d’ajouter, par lettre écrite pour compte d’entreprises libanaises, sans être l’autorité contractante, 57 autres millions de $US alors que les premiers paiements ont été versés cash quand la loi sur les marchés publics ne permet que le paiement à la commande de 30% de la facture avec garantie de bonne exécution et qu’aucun début de livraison n’a débuté...

A suivre ce procès retransmis pour la quatrième audience en direct à la radio et à la télévision et qui a mobilisé les Congolais du pays grâce certes à la Snél qui, en ces moments, ne fait pas défaut, et de la diaspora, de même que les expatriés intéressés au Congo, à écouter réquisitoire et plaidoiries qui s’en sont suivis jeudi 11 juin 2020 (partie civile, ministère public, la défense), ministère public et partie civile ont établi des «comportements répréhensibles» qui sont le détournement, la corruption avec des circonstances aggravantes, le blanchiment des capitaux et, du coup, s’agissant du blanchiment, le financement de terrorisme d’autant que plusieurs millions de $ US ont passé la frontière frauduleusement, en espèces, pour atterrir au Liban quand les 57 millions décaissés par le Trésor congolais étaient destinés à payer un fournisseur turque.

Tout commence par la lettre d’interdiction signée de sa propre main par le Directeur de Cabinet du Président de la République adressée aux membres du Gouvernement, en tête, le premier d’entre eux, à savoir le Premier ministre - à l’époque Bruno Tshibala Nzenzhe - aux ministres du Gouvernement national et autres mandataires publics, de cesser, à compter de la date de la signature de cette lettre, d’engager le moindre $US et le moindre CDF comme de recruter du personnel dans leurs administrations sauf à requérir son accord préalable et son accord préalable seul.
Du coup, le Directeur de cabinet du Président de la République s’attribuait tout le pouvoir de l’Etat et devenait le centre d’ordonnancement des dépenses publiques. Ce qui est illégal...

A partir de ce moment, Vital Kamerhe va multiplier démarches et produire du courrier à la pelle en faveur des entreprises du Libanais en intervenant directement agissant comme propriétaire ou copropriétaire de ces entreprises.
En clair, travaillant pour compte de, faisant pression, réclamant des paiements, etc. Il intervient toujours «sur instruction du Président de la République» mais il lui arrive d’écrire «sur instruction du Président de la République et de moi...», prenant la posture de Co-Président de la République.

UN COUPLE INSTALLE A LA PRESIDENCE.
Dans une autre lettre, il écrit : «J’autorise...». Mais aussi : «Son Excellence Monsieur le Président de la République m’a instruit...».
Ou : «Son Excellence Monsieur le Président de la République me charge de vous demander de payer...».
Ou : «Ce marché est confié à...». Est-il le ministre sectoriel et en vertu de quel acte? Qui ignore qu’un DirCab n’est pas une entité constitutionnelle?

Or, c’est à cette période qu’il embarque femme et enfants sur un jet privé et poste des photos; c’est à cette période - pour se vendre et mettre en confiance ses interlocuteurs - qu’il se dispute la préséance avec le Président de la République, faisant de l’officier d’ordonnance du Chef de l’Etat celui du Président et de lui-même; c’est à cette période que dans la ville haute, les salons matelassés s’affolent à la vue de ces images et que le protocole d’Etat se fait incendier quand l’avion présidentiel atterrit sur la piste de l’aéroport de N’Djili et que le Président de la République emprunte la passerelle pour en descendre non avec l’officier d’ordonnance dans son dos mais avec le DirCab comme si le militaire commis à la protection se trouvait là non pour assurer la sécurité du seul Président mais pour assurer la sécurité d’un «couple de Présidents».

Dans ses courriers qu’il adresse au ministre des Finances et au Gouverneur de la Banque Centrale, il ne fournit aucune preuve de l’instruction reçue du Président de la République et même s’il en fournissait une, l’ancien ministre de l’Information qu’il fut au lendemain du Dialogue inter-congolais de Sun City et président de l’Assemblée nationale outre membre de plusieurs cabinets ministériels sous Mobutu, ignore-t-il le code de bonne conduite de l’Agent public de l’Etat, ignore-t-il qu’un Chef donne une vision et, donc, une impulsion, que c’est aux collaborateurs exécutants - dont lui, le DirCab - d’agir au sens plein du terme, en veillant à ce que l’action soit étudiée préalablement dans tous ses détails, exécutée éventuellement mais dans le plus strict respect de l’orthodoxie et des textes légaux?

Or, d’importantes sommes en $US ont été payées en espèces sonnantes et trébuchantes à un prestataire - son ami libanais Jammal Samih - sans soubassement, sans contrat ni existant, ni légalement validé, sur sa seule et unique instruction donnée à la Banque Centrale agissant «sur instruction du Président de la République et de... moi».

JAMMAL
N’ETAIT RIEN QU’UN CANAL.

Lui, le DirCab, instruisant que «le présent virement est à effectuer à son compte (du Libanais, ndlr), compte logé à Rawbank». Comment le DirCab détient-il ces informations sur le Libanais lui qui a prétendu ne le jamais le connaître, ne l’avoir jamais rencontré? En clair, selon le team d’avocats de la République, il s’agit d’un détournement prémédité en complicité avec le Libanais Jammal Samih. Celui-ci n’aura jamais été qu’un canal - en d’autres termes un prête -nom - par lequel Kamerhe passait en vue de s’enrichir de façon illicite.

Lui, le Directeur de cabinet du Président de la République se déplace au ministère des Finances, pour le compte de l’homme d’affaires libanais, et, depuis le bureau du ministre des Finances Henri Yav Mulang, téléphone le gouverneur Déogratias Mutombo Mwana Nyembo, ignorant l’indépendance de la Banque Centrale.
S’ensuit un courrier : «A la suite d’une réunion tenue au ministère des Finances à laquelle nous avons associé le Gouverneur de la Banque Centrale, je vous prie de payer (...), selon la formule convenue».
Ailleurs, la formule est la même : «Selon nos précédents entretiens...».

Le DirCab ne s’arrête pas en si bon chemin. Il s’adresse même par courrier, à des transitaires... Comme si le fameux marché du Libanais Jammal des maisons turques préfabriquées, payé illégalement en entièreté, sans contrat, ni avenant, avait été passé par la Présidence de la République...

Pour établir un acte de détournement, le détourner, soutient la partie civile, n’a pas besoin d’être saisi avec des sommes d’argent. Il suffit qu’il exerce une influence dans la chaîne du détournement. Cette entreprise criminelle, Kamerhe l’a conçue bien avant la conception et le lancement du Programme des travaux des 100 Jours du Président de la République. La régularisation qui vient après la liquidation et le paiement de l’argent public est fait pour couvrir des opérations de détournements.

Pour la partie civile comme pour le ministère public, le DirCab Vital Kamerhe Lwa-Kanyinginyi Nkingi a violé toutes les lois du pays en la matière, toutes les instructions. Il porte une responsabilité politique, administrative, pénale. Il appartient à celui qui pose les actes répréhensibles d’en répondre. Il s’agit rien moins que d’une entreprise criminelle dans laquelle on trouve le Libanais Jammal Samih, ses deux enfants ayant pris depuis la poudre d’escampette (mais une commission rogatoire a été instruite par le procureur général près la Cour d’Appel de Kin-Matete, Adler Gisula Betika Yeye), le cousin du DirCab, le faux agent de la Sonas Daniel Shangalume Nkingi alias Massaro qui exhibe un subit enrichissement insolent avec l’acquisition de véhicules rutilants, d’immeubles à plusieurs millions de $US et plusieurs titres immobiliers, l’épouse Hamida Shatur, la fille de celle-ci Soraya Mpiana Tshituka. Outre que le couple Kamerhe a acquis un hôtel particulier à plusieurs étages à Paris et a décidé de le réfectionné au prix de plus d’un million d’euros, en France.

Des comptes bancaires qui débordent de millions de $US pendant la même période suspecte et dont l’argent ne saurait venir ni du commerce de Madame, ni des cadeaux reçus lors d’une célébration nuptiale.
Jeudi 11 mai à l’ultime audience de cette cause, c’est une peine de 20 ans de «travaux forcés» qui a été requise par le procureur contre le Directeur de cabinet du Président de la République.

NI ELECTEUR,
NI ELIGIBLE PENDANT 10 ANS.

Deux fois candidat à la présidentielle dont celle de 30 décembre 2018 avant de se désister au profit du candidat n°20 Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo un mois avant le scrutin et de conclure un accord CACH à Nairobi, le président de l’UNC (Union pour la Nation congolaise), parti qui compte plusieurs ministres au sein du gouvernement de coalition de même que des chefs d’entreprises, ne sera pas éligible, doit être interdit du droit de vote et d’exercice des fonctions publiques pendant 10 ans, a requis le ministère public. Agé aujourd’hui de 61 ans, si cette peine est confirmée par le tribunal, le principal accusé de ce procès anti-corruption sans précédent, sortira de prison à l’âge de 81 ans sauf grâce présidentielle. La même peine de 20 ans a été requise contre le premier de ses deux coaccusés, le Libanais Jammal Samih, 78 ans, dont plus de 50, dit-il, passés au Congo. Après avoir purgé sa peine, le Libanais devra être expulsé du Congo et être interdit de revenir. Une peine supplémentaire de 15 ans a également été requise contre Kamerhe et Samih pour «corruption aggravée».

Le cumul des peines ne doit cependant pas dépasser «20 ans de travaux forcés ou de servitude pénale», a indiqué le procureur du Tribunal.
Le troisième accusé, Jeannot Muhima, fonctionnaire à la Présidence en charge d’import/export a aussi été condamné. Et doit être arrêté immédiatement. Le Parquet a requis la «confiscation des fonds» bancaires de l’épouse Hamida Shatur Kamerhe, de Soraya Mpiana Tshituka et du cousin Daniel Shangalume, ainsi que «la confiscation des propriétés immobilières acquises avec les fonds détournés pendant la période allant de janvier 2019 à ce jour».
Kamerhe et Jammal doivent rembourser l’Etat congolais plus de 47 millions de $US, dédommager l’Etat à hauteur de 100 millions de $US.

La défense a soulevé une «exception d’inconstitutionnalité» contre la peine requise de 20 ans de «travaux forcés», en affirmant que cette peine n’est pas conforme à la Constitution du pays.
Depuis Paris, un collectif d’avocats de M. Kamerhe a annoncé avoir saisi un «groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire», en «sollicitant une intervention urgente pour garantir le respect des droits fondamentaux de Vital Kamerhe».

«La procédure fait état de détournements d’argent public. Mais il n’y a aucune preuve de flux financiers coupables», écrivent le collectif dans un communiqué signé Me Jean-Marie Kabengela et Me Pierre-Olivier Sur. Les deux avocats reviennent également sur la mort soudaine du magistrat Raphaël Yanyi qui présidait les débats, dans la nuit du 26 au 27 mai, soit deux jours à peine après la deuxième audience. Dans l’attente d’un compte-rendu d’autopsie, «plusieurs sources» avancent que le magistrat a été «empoisonné et dé=signent Vital Kamerhe comme responsable». «Dans ce contexte tendu, les autorités pénitentiaires congolaises ne sont pas en mesure de garantir la sécurité» de Vital Kamerhe, estiment les avocats.
D. DADEI.


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