L’affaire Robert Levi et sa banque TMB
  • lun, 09/04/2018 - 04:22

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le casse du siècle ou les grands scandales de la République. Fac-similé d’une lettre de la TMB au ministre des Finances congolais... Peu à peu, les langues commencent à se délier dans l’affaire des immeubles ex-BZCE, boulevard du 30 juin, appartenant au diamantaire anversois Dorado Diamonds BVBA qu’aurait acquis l’ex-agent de change lushois, Robert Levi, fils d’un propriétaire de quincaillerie de la capitale du cuivre. On sait que dans une lettre n°006/TMB/RL/MVM/2008 reçue au ministère des Finances en date du 27 août 2008, Robert Levi, à la physionomie pittoresque, devenu patron de la Trust Merchant Bank katangaise, offrait au ministre des Finances la reprise par l’État de l’immeuble ex-BZCE devenu depuis siège de la CÉI, Commission Électorale Indépendante.
Prix proposé par l’homme d’affaires: 17,5 millions de $ US.
On a tout écrit.

Pourtant, cet immeuble et ses dépendances avaient été acquis six mois plus tôt, le 12 février 2008, par le même Robert Levi et sa banque la TMB au prix de... 6 millions de $US. Non seulement se pose le problème de traçabilité de ce paiement introuvable dans le système bancaire national, mais le premier analphabète r-dcongolais comprendrait la face cachée de l’affaire. La fureur de faire de l’argent, de réaliser des coups contre la monnaie, bref, rien qui favorise l’existence d’une saine économie.

LE CASSE DU SIECLE.
En effet, si, par impossible, cette opération venait à aboutir, la TMB et Robert Levi auront réalisé en six mois, une plus-value de 11,5 millions de $US. Un vrai casse du siècle. L’Américain Bernard Madoff aux États-Unis qui a été à la base du crash financier du siècle n’avait pu être capable d’un tel hold-up... Voici ce qu’écrit Robert Levi dans sa lettre au ministre des Finances: «Nous pensons effectivement que cet immeuble du fait non seulement de sa localisation stratégique mais également de sa capacité à accueillir une large administration et particulièrement pour le Gouvernement, constitue une réelle opportunité pour tout acheteur éventuel». Puis, le signataire de la lettre prie le ministre de «bien vouloir prendre en considération notre offre» se disant «prêt à discuter des modalités de paiement avantageuses». Il ne préciser lesquelles. Plus haut, Robert Levi vante le volume de ses activités bancaires et les nouvelles acquisitions en termes de réserves bancaires que sa banque offre sur le territoire de R-dC. Mais il oublie de citer un seul chiffre qui aurait pu mieux éclairer la lanterne du ministre... Robert Levi justifie la vente de l’immeuble ex-BZCE (Banque Zaïroise du Commerce Extérieur) par des nécessités de consolidation des actifs immobiliers autour de ses activités bancaires.
Le problème de cet immeuble, faut-il le rappeler, est que nul ne sait précisément à qui il appartient. Dans une lettre n°0473/CAB/MIN/FINANCES/JUR/2009 datée du 5 février 2009, le ministre des Finances Athanase Matenda Kyelu en reconnaît la propriété à la société anversoise Dorado Diamonds BVBA. Il prie le gouverneur de la Banque Centrale d’envisager «un règlement amiable» en vue d’éviter à «l’État congolais de nouvelles tracasseries judiciaires sur ledit immeuble».
La société anversoise Dorado Diamonds BVBA détient sur cet immeuble une créance de 10 millions de $ US.
Des éléments du dossier, il ressort que la société de fait CDA Opération café appartenant à feu Aimé Atembina Mongoma trouvé carbonisé dans une voiture sur une autoroute de France et au fils Mobutu, feu Manda Mobutu a réussi, après un procès qui, à l’époque, fit couler salive et encre, à faire condamner la BZCE (Banque Zaïroise du Commerce Extérieur, institution publique) à payer la somme de 19 millions de $US et 43 millions de FB.
Dans le cadre de l’exécution forcée dudit arrêt, le président du tribunal de Grande Instance de la Gombe prit le 30 mars 1994 l’ordonnance n°0099/D.50/94 qui autorisait et organisait la vente publique des immeubles BZCE identifiés par les certificats d’enregistrement vol. A297 folio 80 portant le n°3952 du plan cadastral de la commune de la Gombe et vol A 322 folio 93 portant le n°4471 du même plan cadastral (immeuble BZCE, dépendances, et parkings situés à Kinshasa, boulevard du 30 juin, commune de la Gombe à Kinshasa).
A l’issue des séances des ventes publiques des 16 mai 1994, 5 et 10 juin 1994, ces immeubles furent adjugés à la société Dorado Diamonds BVA au prix respectivement de 3,3 millions de $US pour l’immeuble alors enregistré sous le volume A 297 folio 80, et de 50.000 $ US pour celui enregistré sous le volume A 322 folio 93, soit la somme totale de 3.350.000 de $ US (plus frais de notaire et d’enregistrement soit 1,172 million de $ US) que la société anversoise versa intégralement à l’agent des ventes publiques. Dorado Diamonds BVBA devint propriétaire de ces immeubles et demandait ses propres certificats d’enregistrement. Immeuble, dépendances et parkings Dorado Diamonds BVBA furent couverts respectivement par les certificats d’enregistrement vol AL 343 folio 45 et vol AL 343 folio 48. Ces biens cessèrent d’appartenir à la Banque Zaïroise du Commerce Extérieur qui fut dissoute par ordonnance présidentielle n°91.227 datée du 6 août 1991 et Jean-Baptiste Mupepe Lebo nommé liquidateur par arrêté ministériel n°007/CAB/MIN/PORT/95 pris en date du 24 mai 1995. Agissant au nom de la BZCE, le liquidateur Jean-Baptiste Mupepe Lebo conclut avec la société anversoise une convention à l’issue de laquelle Dorado Diamonds BVBA acceptait de céder ou de rétrocéder à la BZCE ces biens à condition que la BZCE paie la somme de 10 millions de $US dans le délai de six mois à compter du 24 mai 1995. à défaut, la dite vente deviendrait définitive.
A la prise du pouvoir de l’AFDL, par arrêt RC 052/TSR rendu par la Cour Suprême de Justice le 3 avril 1998 et l’arrêt RCA 18.999 de la Cour d’appel de la Gombe contre la société de fait CDA Opération café Aimé Atembina et Mobutu Niwa, l’État r-dcongolais donnait ordre au conservateur des titres immobiliers d’annuler les certificats d’enregistrement détenus par Dorado Diamonds BVBA s’estimant en droit de reprendre ces immeubles.
Un délai fort suspect et «inhabituel».
Dans une lettre datée du 20 janvier 2008, l’ingénieur Nyembo Bin-Lumbu, conservateur des titres immobiliers faisait part à la Dorado Diamonds BVBA (2, bus 304, 2040 à Hoventestraat à Antwerpen) des arrêts rendus dix ans plus tôt par la Cour Suprême de Justice de la R-dC et par la Cour d’appel de la Gombe-Kinshasa. Et réclamait la remise «sous 48 heures» des originaux des certificats d’enregistrement délivrés à la Dorado Diamonds BVBA en vue de les annuler à défaut de quoi, le conservateur se chargerait, sans autre forme de procès, d’annuler les duplicata détenus dans ses services. Ce qui aurait pour effet, posait-il, d’annuler les originaux... C’était au minimum, pour le conservateur, aller vite en besogne…
Keen Stevens, l’avocat anversois du diamantaire Dorado Diamonds BVBA, trouvait suspect le délai «inhabituel» accordé par le conservateur r-dcongolais Nyembo Bin-Lumbu à la Dorado Diamonds BVBA. Sans discuter des détails de forme très r-dcongolais, l’avocat, agissant au nom de sa cliente posait le principe: le diamantaire d’Antwerpen se disait ni plus ni moins non concernée par des «arrangements inhabituels» de Kinshasa. «Les arrêts dont vous faites référence ne concernent pas ma cliente étant donné qu’elle n’est pas partie dans ces procédures. Il n’y a, de notre connaissance, pas de jugement ou arrêt opposable à ma cliente déclarant la vente publique - autorisée par ordonnance n°0099/50/94 du 30.4.94 - nul et de nul effet. Nous ne pouvons dès lors pas répondre à votre demande de retourner les originaux desdits certificats d’enregistrement. Au contraire, ma cliente fait valoir ses droits de propriété sur les biens, immeubles et le terrain».

KANAFFER EST DE RETOUR.
Selon un complément d’enquête, ce n’est donc que l’année dernière, janvier 2008 (acte de vente dont copie a été communiquée au «Soft International» porte la date du 12 février 2008) que Robert Levi a mis la main sur ces biens, immeubles et terrain alors que le Gouvernement y logeait déjà la Commission Électorale Indépendante. Un peu comme dans l’affaire de l’immeuble siège de la NBK, la Nouvelle Banque de Kinshasa de l’homme d’affaires Augustin Dokolo Sanu où, grâce à des connexions dans des services de la justice et auprès des magistrats dont on peut imaginer la haute moralité, Robert Levi a réussi son tour de magie en imposant une banque Trust Merchant Bank dont par ailleurs la formation n’était pas sanctionnée par une ordonnance présidentielle… Joint par les avocats conseils du diamantaire anversois sur ce qui n’est rien moins qu’une expropriation, l’Etat r-dcongolais réalise par la lettre du ministre des Finances (n°0473/CAB/MIN/FINANCES/JUR/2009 datée du 5 février 2009) que cela pouvait l’amener dans des arbitrages à l’international et admet devoir indemniser Dorado Diamonds BVBA à hauteur de 10 millions de $ US. Si, après avoir reconnu les faits, le Gouvernement tarde à honorer cette créance auprès du diamantaire, Robert Levi n’a pas attendu le délai légal de deux ans qui permet à un certificat d’enregistrement d’entrer dans la pérennité, six mois plus tard, il veut aller très vite plus tard en se dessaisissant de ces biens.
L’ex-agent de change lushois offre au même Etat de reprendre ces immeubles et fait mieux: il met un appât à son offre et parle «de modalités de paiement avantageuses» sans préciser lesquelles. On connaît seulement le prix de l’offre: 17,5 millions de $US. Robert Levi avait acquis cet immeuble et ses dépendances six mois plus tôt contre 6 millions de $ US dont des contrôleurs financiers peinaient à trouver trace dans le circuit bancaire. S’il parvient à convaincre le ministre des Finances à reprendre les biens immeubles et terrain de l’ex-BZCE passés dans le portefeuille de la Dorado Diamonds BVBA, l’homme d’affaires Robert Levi aura réalisé en six mois une vraie casse du siècle au détriment du peuple r-dcongolais; une plus-value de 11,5 millions de dollars. Une parfaite opération de spéculation et des fonds vautours qui ne peuvent aider au développement du pays… Chocking! Et vous cherchez comment on devient milliardaire en peu de temps sur les bords du majestueux fleuve? Si Kanaffer a quitté le Zaïre, d’autres plus puissants ont repris la main...Et vous cherchez entre autres l’origine de la bulle immobilière que vit Kinshasa? Cette opération à bien d’égards évoque les fameuses OPA, offres publiques d’achat sur les entreprises à travers lesquelles des spéculateurs sans foi, ni loi, de connivence avec les banques qui leur accordaient des lignes de crédit, rachetaient des entreprises qui, parfois, ont mis des longues décennies à se construire. Dans le but avoué d’en prendre le contrôle et aussitôt de les revendre après l’envolée de leurs cours d’action en bourse, encaissant ainsi de plantureuses plus-values, puis prenaient des vacances tranquilles en Espagne. Un enrichissement évidemment sans cause, tant décrié, à la base de ces crises financières récurrentes qui ont conduit le capitalisme à l’agonie et à sa crise de récession la plus grave qu’il ait connue depuis 70 ans.

PARFAITE EXECUTION?
Un capitalisme de casino traqué partout dans le monde et qu’on cherche à moraliser paraît très clairement avoir trouvé une nouvelle frontière chez-nous. Mais dans cette opération, il y a moult questions qui rebutent. Alors que dans sa lettre datée du 20 janvier 2008, le conservateur des titres immobiliers Nyembo Bin-Lumbu annonçait sans aucune ambiguïté au diamantaire Dorado Diamonds BVBA que l’État l’avait évincé et réclamait «sous 48 heures» la restitution des certificats d’enregistrement, par quelle magie ces immeubles sont-ils repassés entre les mains de la BZCE qui en avait déjà reconnu la vente publique du 30 avril 1994 par acte du notaire Masambombo Ngandu, vente publique autorisée par ordonnance présidentielle n°0099/50/94? En effet, les 6 millions de $ US, Robert Levi de la TMB dit les avoir versés au liquidateur indépendant belge Francis Goffin se fondant sur des pouvoirs lui reconnus par le COPIREP - le même - et le Groupement DLA Piper & Figepar autrefois appelé Coudert Brothers & Figepar! En clair, comment ces biens sont-ils revenus à l’ex-BZCE via liquidateur indépendant belge Francis Goffin alors qu’ils avaient été repris par État auprès de Dorado Diamond BVBA pour être revendus à l’État par celui qui se disait les avoir acquis à l’État, à savoir Robert Levi et la banque TMB? A supposer que ce liquidateur indépendant belge Francis Goffin ait un brin de légitimité, comment expliquer que cet homme, dans une transaction d’une telle taille - 6 millions de $ US - ait réalisé celle-ci contre simple quittance? L’article 4 de l’acte de vente dont «le Soft International» s’est fait communiquer une copie explicite: «La vente est consentie et acceptée entre parties pour le prix de USD 6.000.000 (dollars américains six millions). Ce prix est intégralement payé au Vendeur, à la date des présente, contre bonne et valable quittance».
Bonne et valable pour les Finances publiques? Qu’en dit-on des frais dûs à l’État, et des frais de notaire? Sous quel format ce paiement a-t-il eu lieu? L’argent a-t-il été porté en espèces au liquidateur belge Goffin? Sous quelles coupures? L’argent a-t-il été porté par chèque? Si oui, sur quelle banque? Et, last but not least, qui certifie que la vente des immeubles ex-BZCE passés entre les mains du diamantaire anversois Dorado Diamonds BVBA a eu lieu en parfaite exécution?
Plus grave encore, dans l’acte de vente dont un fac-similé ci-haut (article d’origine), il est dit, en exposé, ce qui suit: «L’Acquéreur a été retenu comme adjudicataire pour le Bien pour le prix total de USD 6.000.000 (Dollars américains six millions); l’offre de l’Acquéreur telle qu’acceptée par le Vendeur s’inscrit dans le cadre d’une offre indivisible portant également sur d’autres biens».
De quels «autres biens» s’agit-il? Et si cette cession avait été sciemment mise place par des maîtres spéculateurs? Comment éviter que notre pays soit le dernier de la liste dans le classement de Doing Business, partenaire de la Banque Mondiale, quand un acheteur étranger de bonne foi fait confiance au pays, acquiert un bien - donc réalise un investissement -, paie ses droits parfaitement à l’État, et se retrouve cocufié par une banque commerciale? Cela a-t-il un autre nom sinon un crime?
D. DADEI.
In Le Soft International
n°1019 daté 4 décembre 2009.


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