Il s’installe au Congo un nouvel élan économique depuis la venue au pouvoir du président Joseph Kabila Kabange
  • ven, 17/06/2016 - 00:33

Même si le Congolais moyen de 2014 ne vit pas mieux que celui de 1960, depuis 2002, l’économie nationale est demeurée en terrain positif, enregistrant la plus longue période de croissance (soit 12 ans) depuis l’indépendance, explique le professeur d’Economie Daniel Mukoko Samba, Vice-premier ministre honoraire en charge du Budget (Matata 1). «Un nouvel élan est perceptible depuis que le Président Joseph Kabila Kabange a accédé à la fonction de Président de la République. C’est, pour chaque Congolais, un devoir de préserver cet élan».

Les Congolais réclament de meilleures conditions de vie. C’est leur droit légitime. C’est une aspiration largement justifiée. Toutefois, l’évolution à travers le temps des conditions de vie des citoyens d’un pays doit être appréciée en tenant compte de la marche de la nation tout entière. Qu’en est-il de la marche de la RD Congo depuis l’indépendance?
En 54 années d’indépendance, soit de 1961 à 2014, la croissance économique a été négative pendant 33 ans, dont 14 années d’affilée, de 1988 à 2001. Elle n’a été positive que pendant 21 ans, dont 11 ans de 2003 à 2014.
Au cours de ces 54 années d’indépendance, la marche de la nation a donc été en dents de scie, avec des fluctuations de très grande envergure. Les troubles politiques de la période 1960-1965 sont clairement reflétées dans les indicateurs économiques. L’économie pendant cette période trouble n’enregistre pas d’évolution régulière, les taux de croissance passant du négatif au positif d’une année à l’autre. Ce mouvement oscillatoire va se poursuivre entre 1965 et 1974; le pays n’aligne des taux de croissance positifs successifs qu’en 1968 et 1969. A partir de 1974 commence la longue descente aux enfers. L’économie recule chaque année, à part les courts épisodes (1980-1981, 1983-1984, et 1986) au cours desquels elle retrouve le terrain positif à la suite de programmes macroéconomiques dont les effets ne duraient pas plus de trois trimestres. L’hécatombe a lieu après le discours du 24 avril 1990. Le revenu par habitant a reculé de 16% en 1993, l’année de la deuxième vague des pillages de triste mémoire. Cette longue descente aux enfers s’est arrêtée en 2002.
Depuis 2002, l’économie est demeurée en terrain positif, enregistrant la plus longue période de croissance (soit 12 ans) depuis l’indépendance. Nous sommes en droit de considérer qu’un nouvel élan est perceptible depuis que le Président Joseph Kabila Kabange a accédé à la fonction de Président de la République. C’est, pour chaque Congolais, un devoir de préserver cet élan.
Nous n’avons pas le droit de rentrer dans un autre cycle de perte de revenus pour tous.
On peut se demander pourquoi le sentiment général dans le pays ne traduit pas cette évolution positive. La réponse est simple et elle est dans la courbe rouge du même graphique 1. Cette courbe montre que le Congolais moyen de 2014 ne vit pas mieux que celui de 1960. Le Revenu National Brut par habitant est passé (en dollars constants de 2005) de 728 USD en 1960 à 823 USD en 1974, 187 USD en 2001 et 253 USD en 2014. On comprend mieux l’expression «descente aux enfers» à la lecture de ces chiffres; le revenu moyen du Congolais de 2001 ne représente que 26% de son niveau de 1960. Si, à partir de 2002, sous le Président Joseph Kabila Kabange, le revenu par habitant a repris une évolution positive, nous n’en sommes qu’à 34,8% du niveau de 1960 ou encore 30,7% du niveau de 1974.
Il est, par conséquent, utile de rappeler que dans sa marche, une nation a besoin de maintenir plus longtemps un élan positif.
C’est le cas du Botswana, l’un des pays africains ayant connu une évolution positive de longue durée depuis son indépendance du Royaume-Uni en 1966. Considéré au moment de son indépendance comme l’un des territoires les plus pauvres au monde, le Botswana a connu une évolution régulière faisant passer le revenu par habitant de 1.255 USD en 1975 à 7058 USD en 2014, soit une progression annuelle de 4,5%. Rêvons un peu. Supposons qu’entre 1974 et 2014 le Congo ait connu une évolution régulière semblable, soit 4,5% de taux de croissance annuelle du revenu national brut par habitant, le RNB par habitant serait de 4.784 USD en 2014.
Mais l’on finit toujours par sortir d’un rêve. Et le nôtre nous laisse un goût amer. Normal! Nous aspirons à mieux, nous méritons plus. Mais tout n’est pas perdu. Il est désormais temps de mieux faire. Pour commencer, reconnaissons d’abord ce nouvel élan et engageons-nous à rechercher un consensus national pour le préserver et le consolider. Pour ce faire, tournons le dos aux démons, plus particulièrement le démon de l’instabilité et du «stop and go», qui nous faisait faire un pas en avant, six pas en arrière.
Il y a un Nouveau Congo à construire. Les nombreuses réformes engagées depuis 2007 préparent ce Nouveau Congo. Nous sommes à un moment particulier de transition, quittant le Congo que nous connaissons pour aller vers le Congo auquel nous aspirons. Un Congo à 26 provinces fonctionnelles dans lequel les fruits économiques ne seront pas que produits par le secteur minier. Un Congo où l’énergie électrique ne sera pas que produite par la Snél et l’eau par la Régideso. Un Congo où le secteur des assurances libéralisé jouera son plein rôle dans un secteur financier national modernisé. Un Congo où l’Etat laissera le secteur privé jouer pleinement son rôle dans la création d’une économie plus pourvoyeuse d’emplois et de revenus stables.
Une abondante production législative a déjà jeté les bases de ce Nouveau Congo. Oui, même si la Constitution du 18 février 2006 est muette sur le choix d’un modèle économique et social (et ce n’est d’ailleurs pas le rôle d’une Constitution), elle a tout de même indiqué et de la manière la plus claire possible les grandes orientations. Ainsi, depuis 2007, le Parlement a voté des lois majeures qui vont altérer notre système économique: la loi sur les entreprises publiques, la loi sur le désengagement de l’Etat, la loi sur les marchés publics, la loi sur la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), la loi relative aux finances publiques, le code des assurances, la loi sur l’électricité, la loi sur l’eau, pour ne citer que ces quelques textes. Une lecture attentive de ces lois permet d’y déceler la volonté d’instituer un nouveau système économique.
Le Nouveau Congo va naître au terme d’un bond qualitatif et quantitatif sur une longue période. C’est ce que j’appelle un mouvement long. Permettons-nous un autre rêve. Considérons que l’élan positif qui est évident depuis l’accession du Président Kabila au pouvoir en 2001 est un scénario bas, ce qui signifie que nous pouvons, nous devrions faire mieux. Le Graphique 3 illustre trois sentiers possibles pour faire de la R-dCongo un pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. La Banque mondiale classifie les 210 pays ayant une population supérieure à 30.000 habitants en quatre catégories:
- Pays à faible revenu (1.035 USD ou moins);
- Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (de 1.036 à 4.085 USD);
- Pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (de 4.086 à 12.615 dollars)
- Pays à revenu élevé: 12.616 dollars ou plus. L’indicateur de revenu utilisé est le Revenu National Brut par tête d’habitant calculé selon la méthode Atlas.
Les trois scénarii (scénario bas à 8,1% l’an de croissance du RNB par habitant; scénario moyen à 10,6% et scénario élevé à 12,7%) indiquent clairement un bond spectaculaire qui doit durer jusqu’en 2030. Dans les trois cas, la R-dCongo sera un pays à revenu intermédiaire à partir de 2023 pour le scénario haut et 2027 pour le scénario bas.
Un tel bond, pour qu’il dure, requiert de lever deux catégories d’hypothèques:
- les hypothèques d’ordre institutionnel
- et les hypothèques relatives aux structures économiques.
Sur le plan institutionnel, les hypothèques sont de deux ordres:
- 1. l’hypothèque sécuritaire: les nuisances sécuritaires à répétition importées de quelques pays voisins et la capacité limitée (par les moyens matériels et organisationnels) des services de sécurité et du système judiciaire à protéger physiquement et/ou juridiquement les citoyens;
- 2. l’hypothèque d’administration du territoire: la faible densité de l’administration à travers le territoire national et sa faible capacité à faciliter les transactions des citoyens à moindres coûts. Ces hypothèques consacrent l’instabilité des institutions et de certaines parties du territoire national. Elles limitent surtout les capacités de l’État à assumer ses missions régaliennes avec efficacité et à fournir les services publics aux citoyens. Lever ces hypothèques requiert de grandes réformes de l’État, lesquelles sont à leur tour indispensables pour la planification-programmation et la mise en œuvre de principaux projets à caractère national incontournables pour la transformation du Congo. Le projet Inga III, prélude du mégaprojet Grand Inga fait partie de cet ensemble de grandes aventures qui vont faire émerger le Congo.
Le Congo souffre aussi des hypothèques ayant trait à ses structures économiques restées quasi inchangées depuis la période coloniale. Le Congo ne peut réussir le bond requis en ne comptant que sur une base économique étriquée composée essentiellement de produits miniers bruts. Depuis les tristes mesures de zaïrianisation, les filières de l’agriculture industrielle (thé, café, coton, cacao, etc.) se sont écroulées et l’industrie manufacturière ne représente plus que moins de 4% du PIB.
Les tâches que le Congo doit accomplir dans ce domaine sont nombreuses et ardues, mais pas insurmontables.
Il s’agit essentiellement de:
- la diversification des exportations;
- de l’amélioration de la productivité des facteurs;
- et de la conception d’un modèle visant à capturer, pour le compte de l’État congolais, la part la plus élevée possible de la rente en rapport avec l’exploitation des ressources naturelles. Le secteur minier est, depuis quelques années, le principal contributeur à la formation du PIB. Toutefois, ce secteur n’a que peu d’effets de diffusion sur les autres secteurs. Sa contribution aux revenus publics est faible et il ne crée que très peu d’emplois.
Pour réussir son bond, le Congo a besoin d’inventer un modèle économique qui crée plus d’entreprises tournées vers les marchés extérieurs et plus d’emplois. Une telle transformation structurelle n’est pas possible en l’état actuel de notre système financier. Celui-ci, malgré les progrès de ces dernières années, est encore dans sa tendre enfance.
En guise de conclusion, je voudrais souligner que nous Congolais n’avons pas le droit de nous tromper dans la lecture que nous faisons du parcours de notre pays, de grands moments de rupture et de l’énorme chantier qui nous attend, celui de produire des résultats tangibles des nombreuses réformes initiées depuis 2002.
PROF. DANIEL MUKOKO SAMBA.


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