L’imbroglio judiciaire de Jean Pierre Bemba
  • lun, 01/06/2015 - 04:57

Un vrai imbroglio à La Haye. Le juge unique de la Chambre préliminaire Cuno Tarfusser avait «réexaminé de sa propre initiative» l’affaire Bemba II. Il a «commis une erreur en ne procédant pas à une évaluation appropriée des risques justifiant la détention et, en conséquence, en n’effectuant pas de façon adéquate la mise en balance nécessaire», tonne la Cour d’appel qui renvoie les Bemba devant la première Instance. Signe que JPB est loin de s’être sorti de ses démêlés avec la justice internationale.

Dans l’affaire Bemba et consorts (à savoir, son conseil principal Me Aimé Kilolo-Musamba de nationalité belge, un membre de l’équipe de la défense de Bemba, chargé de la gestion des dossiers de l’affaire Jean-Jacques Mangenda Kabongo, le député et secrétaire général adjoint du MLC et un proche parmi les proches du leader du MLC Fidèle Babala Wandu et un témoin cité à comparaître par la défense Narcisse Arido), la mise en liberté provisoire a été annulée vendredi 29 mai par la Chambre d’appel. Ces personnes sauf Jean-Pierre Bemba lui-même, avaient été libérées fin 2014 et le Dép. Fidèle Babala Wandu (élu de Kinshasa, originaire de Bulungu, Kwilu, Bandundu) avait regagné le pays et retrouvé sa place au sein de l’hémicycle. Les cinq prévenus sont renvoyés devant la Chambre de première instance. Mais comment ce juge unique s’est-il prévalu d’autant de pouvoirs? Mystère! On est au moins sûr d’un fait: l’ancien Vice-président de la République en charge de questions économiques et financières est loin de s’être tiré de ses démêlés avec la justice internationale.
«Aujourd’hui, la chambre d’appel vient d’annuler cette décision de mise en liberté provisoire de M. Bemba et de quatre autres prévenus. La chambre d’appel remet cette responsabilité à la chambre de première Instance chargée de s’occuper du procès dans le cadre de l’affaire de subornation des témoins. Ce procès doit commencer le 29 septembre», a déclaré Paul Madidi, un porte-parole de la CPI expliquant que la procureure de la CPI, Fatou Bom Bensouda, de nationalité gambienne, avait interjeté appel contre cette décision de mise en liberté provisoire.
Si le bureau de la procureure a réclamé la réincarcération des intéressés, il n’a cependant pas été suivi, ce qui réjouit la partie Bemba. «Les juges de la Cour pénale internationale ont dit le droit et le bon droit. Tant mieux pour la CPI. Cette juridiction internationale joue sa crédibilité auprès de l’opinion africaine», explique un avocat au barreau de Bruxelles, Me Guylain Mafuta Laman, conseil de son confrère Aimé Kilolo-Musamba mêlé à cette triste affaire.
«La Chambre d’appel constate qu’en tenant compte du temps écoulé depuis leur mise en liberté, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que les suspects soient arrêtés de nouveau», a souligné une juge de la CPI, Silvia Fernández de Gurmendi.
Ci-après, le communiqué de presse daté 29 mai 2015 de la CPI:
ICC-CPI-20150529- PR1113.
Aujourd’hui, le 29 mai 2015, la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a annulé et renvoyé devant la Chambre de première instance VII la décision du 21 octobre 2014 par laquelle la Chambre préliminaire II avait ordonné la mise en liberté provisoire de quatre suspects dans l’affaire Bemba et al. Cependant, la Chambre d’appel a constaté qu’en tenant compte du temps écoulé depuis leur mise en liberté, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que les suspects soient arrêtés de nouveau.
Dans un jugement distinct également rendu aujourd’hui, la Chambre d’appel a annulé et renvoyé devant la Chambre de première instance VII la décision de la Chambre préliminaire II du 23 janvier 2015 ordonnant la mise en liberté provisoire de M. Bemba dans le cadre de cette affaire.
Le 21 octobre 2014, le juge Cuno Tarfusser, juge unique de la Chambre préliminaire II, avait réexaminé de sa propre initiative la détention d’Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, Fidèle Babala Wandu et Narcisse Arido et avait ordonné leur mise en liberté provisoire, à condition qu’ils comparaissent au procès ou si la Chambre le demandait. Les suspects ont par la suite été libérés de la garde de la Cour. Alors que la mise en liberté du cinquième suspect dans cette affaire, Jean-Pierre Bemba, avait également été ordonnée par la Chambre préliminaire, celui-ci reste en détention dans le cadre des procédures dans une autre affaire devant la Cour: Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo. Tous les suspects avaient été mis en liberté sur la base que la durée de leur détention en attendant le procès était excessive.
Le Procureur de la CPI avait fait appel de ces deux décisions de la Chambre préliminaire II. Mme la juge Silvia Fernández de Gurmendi, remplaçant Mme la juge Sanji Mmasenono Monageng (juge présidente dans le présent appel), a lu un résumé des arrêts rendus par la Chambre d’appel aujourd’hui au cours d’une audience publique. Concernant l’appel à l’encontre de la décision de mise en liberté des quatre suspects, la Chambre d’appel a expliqué que la Chambre préliminaire a mal interprété et appliqué l’article 60-4 du Statut, qui oblige cette Chambre à s’assurer que la détention avant le procès ne se prolonge pas de manière excessive «à cause d’un retard injustifiable imputable au Procureur».
Cependant, la Chambre d’appel a estimé que, même en l’absence d’un tel retard injustifiable, une Chambre peut déterminer qu’une personne a été provisoirement détenue pendant une durée excessive conformément à l’article 60-3 du Statut, qui prévoit des réexamens périodiques de la détention. La Chambre d’appel a jugé que, pour prendre une telle décision, une Chambre doit évaluer la durée de la détention à la lumière des risques justifiant une arrestation tels qu’énumérés à l’article 58-1-b du Statut de Rome, afin de déterminer si le maintien en détention est devenu excessif. L’article 58-1-b du Statut de Rome prévoit qu’une arrestation est justifiée pour garantir que la personne comparaîtra; qu’elle ne fera pas obstacle à l’enquête ou à la procédure devant la Cour; ou qu’elle ne poursuivra pas l’exécution d’un crime relevant de la compétence de la Cour. La Chambre d’appel a conclu que la Chambre préliminaire a commis une erreur en ne procédant pas à une évaluation appropriée des risques justifiant la détention et, en conséquence, en n’effectuant pas de façon adéquate la mise en balance nécessaire. Pour ces raisons, la Chambre d’appel a annulé la décision de la Chambre préliminaire. Cependant, compte tenu de la situation spécifique des suspects dans cette affaire, qui ont été mis en liberté le 21 octobre 2014, et en tenant compte du temps écoulé depuis leur mise en liberté, la Chambre d’appel a estimé qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que les suspects soient arrêtés de nouveau en raison de l’annulation de la décision la Chambre préliminaire. En conséquence, la Chambre d’appel a maintenu leur mise en liberté jusqu’à ce que la Chambre de première instance, désormais saisie de l’affaire, se prononce sur cette question. La Chambre d’appel a également annulé la décision de la Chambre préliminaire II du 23 janvier 2015 ordonnant la mise en liberté provisoire de M. Bemba du fait que cette décision soit essentiellement fondée sur le même raisonnement juridique et les mêmes conclusions que la décision de mise en liberté des co-suspects de M. Bemba, que la Chambre d’appel a jugée entachée d’erreurs.

D. DADEI.


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