La révision du code minier pour le boom du cobalt met en transe les professionnels
  • sam, 27/01/2018 - 08:13

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Les professionnels du secteur se sont mobilisés en nombre, logeant dans des palaces de la Capitale, des jours durant, des équipes sélectionnées de premier ordre venues notamment des provinces minières et paraissent avoir mis la main à la poche afin que leurs intérêts à court, moyen et long termes soient préservés au moment où le pays qui regorge de matières premières, a entamé de réviser son code minier jugé trop favorable aux capitaux étrangers, pour que son économie profite de l’envolée des cours du cobalt désormais plus que jamais recherché - la voiture électrique oblige! - et du cuivre. Le texte est actuellement en deuxième lecture au Sénat en session extraordinaire et les professionnels étaient particulièrement engagés devant la Chambre haute redoutée pour son expertise même si, aux termes de la Constitution, la parole prépondérante revient à la Chambre basse.

BOOM MONDIAL DU LITHIUM.
Le boom mondial des batteries de smartphones et de voitures électriques a provoqué une flambée des prix du cobalt à $US 75.000 la tonne (+127% en un an). Premier producteur mondial, notre pays qui est aussi le premier producteur africain du cuivre, qui s’échange sur le marché des métaux à Londres à plus de $US 7.000 la tonne pour la première fois depuis trois ans et demi. La production congolaise de cuivre a explosé de 27.000 tonnes en 2002 à plus d’un million de tonnes en 2016, indique le préambule du nouveau code minier. Du Katanga aux régions du Kivu en passant par le Kasaï, le sous-sol offre aussi à l’économie mondiale de l’or, du diamant, du coltan...
Le pays est souvent comparé à un «scandale» d’abondance géologique qui côtoie un autre scandale, la pauvreté d’une grande partie de ses 80 millions d’âmes.
Après bien des péripéties, le gouvernement a présenté en décembre au parlement une révision du code minier datant de 2002 pour «faire des mines un véritable moteur de développement du pays», a expliqué l’éternel ministre des Mines, le PALU-MP Martin Kabwelulu, chargé du dossier depuis février 2007. «L’ancien code de 2002 se voulait attractif pour les investisseurs parce que nous étions dans une situation de guerre», explique Henri Muhiya, du très influent épiscopat congolais, la CENCO qui a amendé le texte. Une référence aux conflits qui ont ravagé le pays de 1997 à 2003, notamment les régions minières de l’est.
«Nous nous sommes rendus compte que les investisseurs sont effectivement venus, mais que les bénéfices n’ont pas été répartis de façon équilibrée entre eux et le pays. On va essayer d’équilibrer», ajoute le secrétaire de la commission «ressources naturelles» de la conférence épiscopale.

PATRIOTISME ECONOMIQUE.
Le texte, adopté par l’Assemblée et en discussion au Sénat, lors de la session parlementaire extraordainire en cours, prévoit «l’élargissement de l’assiette et le relèvement des taux de la redevance minière». Il prévoit des taux allant jusqu’à 5% pour les «métaux stratégiques» (dont probablement le cobalt) et 6% pour les pierres précieuses. La loi fixe actuellement un taux de 1% mais qui a été relevé à 2,5% dans certaines entreprises. Kinshasa abat aussi la carte du patriotisme économique: relèvement de la participation de l’État dans le capital des sociétés minières et sous-traitance exclusivement réservée «aux seules sociétés dont la majorité du capital est détenue par des Congolais».
Le Congo veut la mise en œuvre effective du rapatriement de 40% des recettes des ventes de minerais à l’exportation.
Les multinationales ont estimé que ce nouveau code minier allait «affaiblir significativement la confiance des investisseurs», dans une lettre aux présidents des deux chambres.
Les signataires sont les filiales congolaises des géants du secteur, China Molybdenum, le Suisse Glencore, Rangold, l’Australo-Chinois MMG. «Nos partenaires depuis quinze ans nous ont - le mot n’est pas fort - trompés et nous ont volés. Cela doit s’arrêter», avait tempêté en novembre le PDG de la toute puissante société publique congolaise Générale des carrières et des mines (Gécamines, capital 100% étatique), Albert Yuma Mulimbi.
Le Congo doit contrôler ses minerais comme «nos frères arabes avaient profité du contrôle du pétrole», avait ajouté Yuma.

REPARTITION
ACTIONNARIALE.

Dans l’esprit du nouveau code minier, la Gécamines annonce aussi des nouveaux partenariats avec une «répartition actionnariale plus égalitaire» en augmentant la part de l’Etat, actuellement de 17%, et l’«implication réelle et croissante des cadres congolais».
Ce code révisé et ces nouveaux partenariats suffiront-ils pour que les richesses du pays soulagent la pauvreté des Congolais, qui se demandent parfois résignés: «Mais où va l’argent du pays?». En juillet, l’ONG britannique Global Witness avait qualifié le secteur minier congolais de «distributeur automatique de billets» pour le régime. Début novembre, une ONG américaine, le Centre Carter, a estimé que 750 millions de dollars, générés par la production minière entre 2011 et 2014, n’avaient pu être retracés de «manière fiable» dans la comptabilité de la Gécamines. «Une idiotie, un mensonge», avait réagi Yuma Mulimbi. Les enquêtes des «Paradise Papers» ont révélé en novembre que le Suisse Glencore avait mis la main à moindre coût en 2007 sur une mine congolaise par l’intermédiaire de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler sous le coup depuis décembre aux États-Unis d’une loi qui sanctionne «des cleptocrates et des acteurs corrompus».


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