Le Congo avant tout
  • lun, 05/05/2014 - 05:31

La visite de M. Kerry montre la place et le rôle de notre pays sur l’échiquier international.
Il faut en convaincre nos compatriotes: ce pays n’est pas n’importe lequel sur l’échiquier international. Le secrétaire d’Etat John Kerry n’est pas venu le week-end délivrer un message lié aux droits de l’homme, à l’observance des cycles électoraux, ni décerner un carton rouge à quelque monarque. En Afrique, il n’y a pas que le Congo - il faut le rappeler - où un mandat présidentiel arrive à terme et où des élections vont se tenir. Plus près de nous, il y a le Congo Brazzaville et il y a le Burundi. Pourquoi Kerry aurait-il choisi de se rendre chez nous et pas ailleurs en Afrique où on est à la veille de confrontations électorales?
Le troisième homme - après le Président et le Vice-président - de l’administration américaine et le chef de la diplomatie de la première puissance du monde ne peut pas avoir quitté les dossiers cruciaux de la planète - notamment la perspective d’une nouvelle guerre mondiale en Ukraine où la Russie et le Président Poutine avancent leurs pions imperturbablement - pour venir à Kinshasa si le Congo et sa cause n’influaient pas sur la marche du monde. M. Kerry ne peut pas être venu pour se laisser entendre les jérémiades d’une classe politique congolaise qu’il connaît par des fiches de diplomates et qui laisse à pleurer. Aussi, a-t-il réservé une fin de non-recevoir à une délégation d’opposants - Kamerhe, Luhaka jusqu’à Tshisekedi - et n’a accepté de répondre qu’à deux questions - deux seules dont les questionneurs auraient été enregistrés depuis fort longtemps. Finalement, où est l’enjeu?
Bien sûr qu’on glosera sur des détails:
- Pourquoi l’énorme oiseau bleu/blanc américain United States of America a-t-il redécollé de N’Djili samedi pour Libreville aussitôt qu’il a craché son prestigieux passager? Même si le Boeing 757-300-9Q-CBA n’avait rien à craindre à faire un night-stop à N’Djili, l’Oncle Sam dispose de ses propres critères de cotation sécuritaire et les compagnies d’assurance américaines veillent au grain. Tant qu’il n’y a pas de risque zéro, l’Amérique s’abstiendra. L’avion pouvait-il être hors de portée d’un «Maï-Maï» étourdi?

LE CONGO, UN SUCCESS STORY.
Encore qu’il existe une autre explication: le vol qui a amené Kerry de Juba à Kinshasa n’est peut-être pas celui qui l’a conduit de Washington à Addis Abeba. A l’étranger, les officiels américains ont recours à plusieurs aéronefs stationnés sur leurs différentes bases militaires dans le monde qu’ils regagnent aussitôt la mission exécutée.
- Combien de temps a duré l’audience du Palais de la Nation? Quand des rumeurs font état d’un quart d’heure d’audience, chronomètre à l’appui, des témoins oculaires assurent une audience qui a commencé à 09h02’ pour se terminer à 10hà1’. Soit exactement soixante minutes.
- Pourquoi les véhicules sont-ils passés directement au pied de l’avion sans se rendre au pavillon présidentiel? N’était-ce pas signe de mauvaise humeur? D’une part, c’est oublier que le pavillon présidentiel est le salon du Chef de l’Etat réservé à l’accueil de ses homologues; que John Kerry est ministre des Affaires étrangères et, à ce titre, aurait dû être reçu au salon gouvernemental mais voilà que Kabila met les pêtits plats dans les grands et lui permet d’avoir ses premiers entretiens avec son homologue congolais dans le pavillon présidentiel. On imagine que la partie américaine bien au courant des us et coutumes n’a pas oublié d’apprécier le petit détail... Ensuite, s’agissant d’un agenda serré et suivant l’heure d’arrivée annoncée à Luanda, fallait-il prendre une minute encore à Kinshasa?
Il reste clairement que le Congo est un success story pour les Américains. A en croire des proches, depuis son arrivée samedi à son départ dimanche, M. Kerry n’a pas tari d’éloges pour Joseph Kabila Kabange.
Il s’est montré fortement admiratif pour l’œuvre accomplie: des crises armées résorbées, l’économie qui se booste avec des performances qui laissent d’aucuns perplexes. Dans la sous-région, le Congo est loin d’être le dernier de la classe - le pays serait même le premier - même dans la situation des droits de l’homme. Il n’y a ici pas de crise et il n’y a ici rien à arbitrer, ni à réconcilier. Bref, il s’agit très clairement d’appuyer et de consolider l’œuvre entamée. Et les mots n’ont pas manqué pour le dire, tels qu’ils sont rapportés par Rfi - oui par Rfi - une fois n’est pas coutume. «C’est ainsi que l’on renforce un pays. Je n’ai aucun doute sur le fait que l’héritage du président Kabila sera défini par les progrès qu’il a faits, en particulier l’année dernière, en vue de la résolution de la question sécuritaire dans l’est du pays et sur le plan économique». Si ce n’est pas la reconnaissance d’un incontestable leadership, il faut inventer d’autres mots. «Les Etats-Unis d’Amérique pensent qu’un pays est renforcé, que son peuple éprouve du respect pour sa nation et son gouvernement quand le processus constitutionnel est mis en œuvre comme il convient et qu’on s’attache à le faire respecter». Qui donc penserait le contraire? Du coup: «Je crois que le président a clairement en tête le fait que les Etats-Unis d’Amérique sont intimement convaincus que le processus constitutionnel doit être respecté». A nouveau, il n’y a aucun problème. Puis de trouver un grand destin à Kabila. «Le Président est un homme jeune. Il peut encore contribuer à son pays». De la manne financière que les Etats-Unis promettent de déverser.

PAS DE LEGITIMITE A DECERNER.
Pas peu. «30 millions de dollars de financement supplémentaires destinés à soutenir des élections transparentes et crédibles et des programmes de reconstruction». S’agissant du processus de DDR (Démobilisation, Désarmement et Réintégration), l’agence américaine pour le développement promet 1,2 milliard de dollars au cours des cinq prochaines années. Jamais l’Amérique n’avait annoncé autant d’argent pour notre pays. Signe que le Congo - sous le leadership de Kabila - inspire désormais de la respectabilité. Reste aux Congolais de savoir que rien n’est plus important que leur pays; que le bonheur ne leur viendra jamais d’ailleurs, il viendra d’eux-mêmes; que les amis - américains et autres - ne seront là que pour constater le travail accompli par les Congolais eux-mêmes. Si John Kerry a annulé à la toute dernière minute une rencontre avec des opposants, c’est pour éviter qu’elle ne donne lieu à valorisation dans un pays où tout mot conduit à des malentendus. Qui le souhaite peut aller à Washington et être reçu au Département d’Etat mais le secrétaire d’Etat n’est pas venu au Congo pour décerner de la légitimité à qui ne l’aurait pas ou mettre de l’huile sur le feu.
A la coalition majoritaire du pays d’engager une réflexion sur le sens à donner à chacun des mots entendus et s’organiser pour le combat qui s’annonce. Un américain à un tel niveau ne se déplace que lorsqu’il y a un enjeu planétaire. L’heure a sonné. Il faut resserrer les rangs.
T. KIN-KIEY MULUMBA.

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