- lun, 31/03/2025 - 11:29
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1633|LUNDI 31 MARS 2025.
Membre des principaux partis politiques français de droite, RPR, UMP, LR, puis d'extrême-droite, RN, le Rassemblement National dont il est élu député européen, secrétaire d'État puis ministre des Transports de 2010 à 2012, dans le troisième gouvernement de François Fillon, Thierry Mariani n’exclut pas de nouvelles sanctions européennes visant directement le président rwandais, Paul Kagame. «Quand la Russie a attaqué l’Ukraine, nous avons sanctionné les dirigeants russes. Aujourd’hui, tout le monde sait qui est derrière ce conflit. Si le pillage et les meurtres continuent, il faudra sanctionner le grand instigateur - et tout le monde sait où il se trouve». Selon Thierry Mariani, l’Union Européenne, UE, a mis du temps à reconnaître officiellement l’implication du Rwanda et du M23 dans l’occupation et le pillage d’une partie du Congo. «Même l’ONU a fini par l’admettre dans une résolution. La vraie question, c’est pourquoi avoir attendu aussi longtemps?», a-t-il souligné évoquant notamment une certaine «sympathie» de l’Union Européenne pour le Rwanda, expliquant que Kigali a longtemps bénéficié d’un traitement de faveur.
L’Union Européenne a notamment interdit toute transaction avec Gazebo Gold Refinery, principale raffinerie utilisée par le Rwanda pour commercialiser les minerais provenant du Congo. Mariani se dit sceptique quant à l’impact immédiat de ces sanctions mais considère qu’elles envoient un message clair à Paul Kagamé. « Vous êtes démasqué.
Si vous voulez retrouver votre image, vous devez quitter la RDC». Si certaines voix estiment que les sanctions annoncées juste avant les pourparlers entre Kinshasa et le M23 ont conduit à leur échec, pour Mariani, cette analyse est erronée.
KISANGANI ET KINDU SOUS MENACE.
« Le M23 est un groupe terroriste soutenu par le Rwanda. La souveraineté d’un pays n’est pas négociable». Il insiste sur le fait que la communauté internationale ne peut plus ignorer cette réalité. En février 2024, Bruxelles et Kigali ont signé un accord pour garantir un approvisionnement en matières premières pour l’UE.
Mariani estime que cet accord a contribué à alimenter la guerre. « Cet accord ne garantit rien. J’espère qu’il ne sera plus appliqué, même s’il n’a pas encore été officiellement dénoncé », explique-t-il.
Lors d'une réunion le 27 mars à New York au Conseil de sécurité des Nations Unies, les États-Unis, qui font partie des pays à avoir sanctionné des responsables rwandais, ont jugé inacceptables les fausses allégations rwandaises selon lesquelles la Monusco appuierait les FDLR, venant de la part d’«un contributeur au maintien de la paix», à savoir le Rwanda.
En tant que principal bailleur de fonds de la Monusco, les États-Unis ont demandé que les Casques bleus soient autorisés à se déplacer librement, y compris dans les zones contrôlées par le M23. Si la Mission des Nations Unies ne peut y protéger les civils, alors le Conseil devrait envisager «toutes les options possibles, y compris une révision du mandat de la Mission, qui ne reflète plus l’environnement opérationnel», a préconisé la délégation américaine, suivi sur ce point par la Fédération de Russie.
Les attaques contre les Casques bleus sont susceptibles de constituer des crimes de guerre, a déclaré la France, à cette réunion, soulignant qu’il en va de même pour les entraves à la liberté de mouvement de la Monusco ou à l’exercice de son mandat.
La Représentante spéciale s’est félicitée que, le 7 février dernier, le Conseil des droits de l’homme ait établi une mission d’établissement des faits, ainsi qu’une commission d’enquête indépendante sur les violations graves des droits humains et du droit international humanitaire commises dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu depuis janvier 2022. Une décision qui vient en appui aux efforts similaires entrepris par la Cour pénale internationale, CPI, pour enquêter sur les crimes commis au Nord-Kivu depuis cette date, a noté la haute fonctionnaire.
La détérioration «dramatique» de la situation sécuritaire dans les Kivu au cours des deux derniers mois a des ramifications à l’échelle nationale et régionale, menaçant les fragiles acquis obtenus de haute lutte dans les provinces orientales congolaises, a déclaré en substance le 27 mars au Conseil de sécurité la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies et cheffe de la Monusco, la Guinéenne Bintou Keita.
Venue présenter le dernier rapport en date du Secrétaire général sur les activités de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation au Congo, qu’elle dirige, elle a rappelé que cette crise est liée à l’expansion territoriale de l’AFC, l'Alliance Fleuve Congo et du Mouvement du 23 mars, M23, soutenus par l'armée rwandaise, FDR, la Force de Défense Rwandaise.
Leur consolidation leur a permis de prendre le contrôle de vastes zones des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, menaçant de s’étendre à celles de la Tshopo et du Maniema. L’AFC/M23 a assis «sa mainmise», selon le rapport du Secrétaire général, établissant une administration parallèle dans de grandes parties des territoires de Masisi, Rutshuru, Lubero Sud et Nyiragongo ainsi qu’à Goma et ses environs.
« Les 5 et 11 février, respectivement, le M23 a nommé une autorité provinciale parallèle pour le Nord-Kivu et un maire pour Goma. Le groupe a mis en place sa propre police parallèle, établi des services coutumiers et administratifs et continué à prélever des impôts, tout en poursuivant l’enrôlement dans ses rangs». Et au Nord-Kivu, l’administration parallèle a nommé des administrateurs financiers et un délégué aux mines, une décision qui fait écho aux liens entre les conflits armés et l’exploitation illégale des ressources naturelles dans l’Est du Congo, a relevé Mme Keita.
«Aujourd’hui, l’AFC/M23, appuyé par la FDR, contrôlent de vastes zones des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, menaçant de s’étendre aux provinces de la Tshopo et du Maniema. L’AFC/M23 a également poursuivi la mise en place d’une administration parallèle, nommant récemment un gouverneur, deux vice-gouverneurs et un maire à Bukavu, au Sud-Kivu.
Au Nord-Kivu, elle a nommé des administrateurs financiers et un délégué aux mines, faisant écho aux liens entre les conflits armés et l’exploitation illégale des ressources naturelles dans l’Est du Congo. Il est impératif, a insisté Mme Keita, que toutes les parties honorent leur engagement déclaré de faire taire les armes et de rechercher une solution pacifique en vertu du cessez-le-feu immédiat et inconditionnel auquel elles ont souscrit», a déclaré Mme Bintou Keita.
Alors que toutes les parties au conflit sont tenues par la résolution 2773 (2025) de conclure un cessez-le-feu et le M23 et ses alliés rwandais à se retirer immédiatement des territoires occupés, la Monusco s’efforce de s’acquitter de son mandat en intensifiant ses patrouilles et en établissant des bases opérationnelles mobiles à Lodha et Aar.
Elle facilite également les consultations menées par le Gouvernement congolais avec les groupes armés en Ituri depuis janvier 2025, qui ont notamment conduit à la reddition de 2.216 éléments zaïrois, à la déposition de 103 armes et munitions, a fait valoir la haute fonctionnaire. Mais à Goma et dans d’autres zones sous contrôle du M23, a-t-elle confirmé, la liberté de mouvement des Casques bleus continue d’être entravée, notamment par des barrages routiers et une obligation de notification préalable de 48 heures, même si, ces derniers jours, certaines restrictions ont été assouplies.
« Des milliers de morts et des déplacés internes, des villes entières ravagées de Walikale à Kamanyola en passant par Bunagana, Masisi centre, Goma, Minova, Idjwi et Bukavu, dans un contexte humanitaire globalement chaotique ; l’Est du Congo offre toujours et encore l’image d’un spectacle désolant».
C’est ainsi que le représentant congolais aux Nations Unies a décrit la situation que vit le pays, tandis que Charlotte Slente, la Secrétaire générale du Conseil danois pour les réfugiés, a précisé que l’«explosion» de violence à Goma et ses environs a provoqué l’exode de 660.000 personnes, un chiffre qui s’ajoute aux 6,7 millions de personnes déjà déplacées à travers le pays fin 2024.
Au Burundi, autre pays touché par cette guerre dont le représentant s’est exprimé le 27 mars, 60.000 Congolais de plus ont trouvé refuge, portant leur nombre total à 120.000. L’ampleur et la persistance des violences, que le représentant congolais a attribuées aux forces rwandaises et à leurs supplétifs, suggère qu’«on ne peut plus se permettre de laisser cette crise s’éterniser au prétexte qu’elle serait un problème africain nécessitant une solution africaine», à laquelle a appelé de ses vœux la Chine et la Sierra Leone, au nom des A3+, le bloc formé par ce pays, l’Algérie, la Somalie et le Guyana.
Le délégué congolais a accusé le Rwanda de mauvaise foi et d’«intransigeance» dans le cadre des pourparlers de paix, qu’il tenterait de saboter. Le Rwanda, qui ne jurait que par les négociations directes entre le Congo et l’AFC/M23, a été le premier à boycotter la rencontre du 18 mars dans le cadre de la feuille de route de Luanda, dont le moindre engagement aurait été «piétiné» par le pays.
LE MÊME NARRATIF RÉPÉTITIF.
De son côté, Olivier Jean Patrick Nduhungirehe, le ministre rwandais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, a déclaré que les causes profondes du conflit dans l’Est du Congo étaient à chercher dans le maintien de la milice génocidaire FDLR, Forces démocratiques de libération du Rwanda, malgré son bilan de massacres ethniques, de recrutement d’enfants soldats et de déstabilisation des deux pays voisins, mais aussi dans la persécution systématique des locuteurs congolais du kinyarwanda, en particulier des communautés tutsies, des allégations contestées par le représentant congolais.
Olivier Jean Patrick Nduhungirehe s’est également montré sévère avec la Monusco, qui a été incapable, selon lui, de mettre en œuvre son mandat, alors que la résolution 2098 (2013) lui avait permis de déployer une brigade d’intervention pour neutraliser tous les groupes armés, «y compris la milice génocidaire des FDLR».
En Ituri, parallèlement à la menace posée par les ADF, les affrontements entre la Coopérative pour le développement du Congo, CODECO, et les groupes armés zaïrois se sont intensifiés, notamment dans les territoires de Djugu et de Mahagi. L’annonce par Thomas Lubanga Dyilo, ancien condamné par la CPI, de la création d’un nouveau mouvement politico-militaire, la Convention pour la révolution populaire, CRP, en Ituri, menace également les civils et la sécurité régionale, s’est alarmée la Représentante Spéciale.
Cette violence persistante dans l’Est du Congo compromet la cohésion nationale dans tout le pays. «Alors que de plus en plus de personnes fuient les provinces de l’est de la RDC vers les zones contrôlées par le Gouvernement à l’ouest, la désinformation les qualifiant d’infiltrés ou de suspects se propage, notamment sur les réseaux sociaux», a averti la Représentante spéciale, en citant des attaques, certes isolées, contre des citoyens congolais tutsis et swahiliphones, ainsi que la résurgence des discours de haine.
Après avoir exhorté le Gouvernement congolais à adopter la loi récemment soumise contre le tribalisme, le racisme et la xénophobie, elle a fait part de la détermination de la Monusco à soutenir les initiatives de paix régionale en cours.
« La détérioration dramatique de la situation sécuritaire dans l’est du pays a eu un impact majeur sur les discussions entre la Monusco et les autorités congolaises concernant le désengagement progressif et responsable de la Mission et la transition au Sud-Kivu », a confié Mme Keita.
La mise en œuvre de la feuille de route provinciale du Gouvernement du Sud-Kivu pour la transition a été suspendue à la suite de la prise de Bukavu par l’AFC/M23. Les efforts du Groupe de travail conjoint - composé du Gouvernement, de la MONUSCO et de l’équipe de pays des Nations Unies - pour définir les modalités de planification du désengagement de la Mission des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri ont également été compromis, « car plusieurs hypothèses de planification sont désormais caduques », a-t-elle expliqué.
avec AGENCES.