Mais où étaient passés Mbeki et Kerry au Kenya
  • lun, 04/09/2017 - 14:13

Le Sufad noir et l’Américain blanc sont-ils allés faire du tourisme… dans un pays réputé pour ses infrastructures hôtelières?

Il y a sans aucun doute un premier commentaire à faire après la décision de la Cour suprême du Kenya d’annuler la Présidentielle du 8 août. Si celle-ci a bénéficié de la présence d’observateurs - et non des moindres, des équipes conduites par l’ancien président Sud-africain Thabo Mbeki et par l’ancien secrétaire d’Etat américain, le démocrate John Kerry (administration du président Obama dont le père est originaire de ce pays) notamment, où donc étaient-ils quand ces irrégularités étaient commises? Les ont-ils constatés? Si oui, pourquoi ne les ont-ils pas dénoncés? Si non, qu’étaient-ils allés faire au Kenya? Du tourisme dans un pays réputé pour ses infrastructures touristiques, eux qui ont unanimement salué ces scrutins?
On peut féliciter l’indépendance des juges kenyans après ce coup de tonnerre qui montrent leur niveau d’indépendance, mais il faut dénoncer l’incurie des observateurs étrangers qui ont dépensé de l’argent public sans faire le travail. On peut s’en prendre aux dictatures africaines. On peut lancer des éloges sur tel ou tel régime, on retient de ces juges kenyans qu’ils ont adressé, par leur décision de ce vendredi 1er septembre, un cinglant camouflet à ces Occidentaux et à leur modèle et dire que, finalement, leurs annonces ne sont pas forcément si indépendantes qu’ils le disent... On le savait, on le soupçonnait. Là, on a une démonstration en temps réel...
Les épaules rentrées, les traits creusés, le président du pays Uhuru Kenyatta avait, en cet après-midi du 1er septembre, la mine de très mauvais jours.
«Personnellement, je suis en désaccord avec cette décision, mais je la respecte», a articulé péniblement le chef de l’Etat dans une allocution télévisée. «Nous ne sommes pas en guerre avec nos frères et nos sœurs (…) Paix. Amani», a-t-il répété, en anglais et en kiswahili. Comme pour mieux s’en convaincre.

DIPLOMATE DEPITE.
Mais le sourire forcé et le ton faussement apaisé n’ont su cacher totalement sa colère. Car jamais dirigeant africain n’avait subi une telle humiliation. Sur le continent, c’est la première fois qu’une cour de justice annule l’élection d’un chef de l’Etat. La victoire du président sortant a été décrite comme «invalide, nulle et non avenue» par le président de la Cour, David Maraga. Un verdict implacable, forçant le pouvoir à organiser un nouveau scrutin sous soixante jours.
Samedi 2 septembre, le président kényan a critiqué la Cour suprême. Les juges de la Cour suprême ont «décidé qu’ils avaient plus de pouvoirs que plus de 15 millions de Kényans qui ont fait la queue pour voter. Cela ne peut pas durer, et nous nous pencherons sur ce problème, après les élections. Il y a un problème et nous devons le régler», a mis en garde M. Kenyatta, s’adressant à des représentants de son parti réunis au palais présidentiel. Le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Kenya, Isaac Okero, a qualifié ces déclarations de «menaçantes» et «inappropriées».
Le président a exclu tout remaniement de la Commission électorale (IEBC), épinglée par la Cour suprême pour sa gestion des élections et dans laquelle l’opposition a dit avoir perdu toute confiance. «Que l’IEBC fasse son boulot, qu’elle annonce la date de l’élection, et rendez-vous aux urnes!». Le nouveau scrutin doit avoir lieu d’ici au 31 octobre.
Tout devait pourtant être donné à Kenyatta, ce président en col blanc, homme le plus riche du pays et fils du père de la nation, Jomo Kenyatta, premier président du pays (1964-1978). Il avait remporté haut la main la présidentielle du 8 août, avec 54,27 % des voix - soit plus d’1,4 million de voix d’avance - contre son adversaire, l’opposant Raila Odinga, 72 ans, qui avait obtenu 44,74 % des suffrages pour sa quatrième et dernière campagne présidentielle. Depuis trois semaines, Kenyatta pavanait. Il se voyait déjà leader incontesté et démocratique de l’Afrique centrale orientale. Le retournement de situation a pris de court tout Nairobi. La décision de l’opposition, le 18 août, de saisir les tribunaux pour contester le résultat de l’élection, sonnait comme un renoncement.

«HYENES».
«On n’a rien vu venir, on n’a aucun plan, on est un peu perdu…», avoue ainsi, dépité, un diplomate en poste au Kenya. Mais ce vendredi, les rôles se sont brutalement inversés. Et le président, amer, pouvait bien ronchonner devant ses partisans, dans un rassemblement improvisé au cours de l’après-midi, pestant contre les juges «escrocs» de la Cour suprême.
Le 1er septembre était le jour d’Odinga. Celui-ci ne s’est d’ailleurs pas privé de parader dans les rues de la capitale, entouré de partisans exaltés, portant à la main branche d’arbre ou orange sucrée – son fruit fétiche.
«Un nouveau Kenya est né!», a lancé Raila Odinga, fustigeant la commission électorale indépendante, décrite comme «pourrie», et ses dirigeants, coupables aux yeux de l’opposant d’un «crime monumental contre le peuple», qu’il a appelés à démissionner avant de «faire face à des poursuites criminelles». «Ces voleurs de la Commission électorale doivent s’en aller, nous ne leur permettrons pas de conduire les nouvelles élections», a déclaré Raila Odinga dimanche à la sortie de la messe. L’opposant n’hésite pas à qualifier les agents de l’IEBC de «hyènes», assurant que «leurs jours sont comptés». A Mathare, un quartier pauvre où une fillette avait perdu la vie sous les balles de la police lors des manifestations qui ont suivi les élections il y a trois semaines, devant des milliers de partisans habillés d’orange, la couleur de son parti, il a encore une fois salué le verdict de la Cour: «Le chemin vers la justice est semé d’embûches, mais le 1er septembre le peuple kényan a gagné», a-t-il dit.
Nul ne connaît les raisons exactes qui ont poussé la Cour suprême à invalider le scrutin du 8 août. Vendredi, celle-ci n’a en effet donné que son verdict: un jugement complet et détaillé doit être rendu sous vingt et un jours. La décision n’a pas été prise à l’unanimité: deux des sept juges de l’institution ont publiquement déclaré s’opposer à la décision finale de la Cour. La plus haute juridiction du pays n’a par ailleurs désigné ni vainqueur ni vaincu et de pointer la responsabilité de la commission électorale, qui n’aurait pas réussi à conduire le scrutin «en accord avec la Constitution».
L’essentiel des critiques devrait se concentrer sur la transmission électronique des résultats, entaché d’irrégularités.
(avec agences).


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