Mettre le cap Congo
  • ven, 28/06/2019 - 04:57

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1459|VENDREDI 28 JUIN 2019.

Voici que le pays s’interroge. Il n’y a d’élections valables que celles qui apportent la paix dans les cœurs. Sinon, quel gâchis! Quelle dilapidation des deniers publics! Les nôtres - celles d’une CENI dévoyée, totalement déconsidérée - renvoyées à une Cour constitutionnelle elle aussi dévoyée, déconsidérée et, du coup, aucun apaisement en vue.

Gagnant jour après jour en illégitimité. Voit-on le péril vers lequel fonce le pays?
En janvier dernier, on avait annoncé et célébré une passation des pouvoirs... «civilisée» car pacifique.
Fin juin, six mois après, on est à des calculs politiciens...
Puisque le cœur n’y a pas été, voici que triomphe le jeu de cache-cache, celui d’à malin, malin et demi.

S’ASSURER DE
LA PERENNITE.

Voici que nous surprend une date historique, celle des Pères fondateurs - celle de l’Indépendance du pays - qui aurait dû être un moment fort de célébration de ce premier après-scrutins réussi car pacifique.
Voici que ce moment, le 59ème anniversaire de l’Indépendance - même si le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo s’adressera à la Nation dans un discours radio-télévisé - passe dans... «la méditation, la prière, les Congolais restant chez eux», a déclaré le Vice-Premier ministre a.i. Basile Olongo.
Voici qui rappelle les années de braise de Mobutu quand les années CACH-FCC (Cap pour le changement-Front commun pour le Congo) n’ont ni démarré, ni commencé puisqu’à ce jour, rien de palpable n’existe et que les équipes de négociation peinent à conclure...
Il faut certainement continuer à faire confiance, à avoir foi à nos Dirigeants, à en croire le Haut Représentant du Président de la République Yesu Kitenge qui prend part aux négociations.
«Négociations CACH/FCC: en toute chose, il faut considérer la fin. On n’est pas à la bourse où on se bat à coup de chiffres mais sous le Baobab», écrit-il dans un tweet posté le 22 juin.
Il est appuyé par le coordonnateur du FCC, Néhémie Wilonya Wilondja qui prend part lui aussi aux négociations. Pour qui «lorsqu’un projet de mariage met du temps à démarrer, c’est le fait que les partenaires veulent s’assurer de sa pérennité», déclare-t-il samedi 22 juin au sortir d’une réunion avec l’ancien président de la République, Autorité morale du FCC Joseph Kabila Kabange qui venait de s’adresser aux 91 sénateurs de sa famille FCC accompagnés des présidents des partis et des regroupements politiques. Il n’empêche!
Les difficultés d’enfantement peuvent révéler l’absence de volonté d’y aller ensemble et, du coup, l’impossibilité de conclure.
Car en effet, quand on parle de coalition, on parle de famille. S’agissant de CACH-FCC, on a de la peine à croire qu’il s’agisse de coalition. Donc d’une famille qui renvoie à la devise bien que non officielle suisse: «Un pour tous, tous pour un». Qui suppose que ce qui est pour le FCC l’est pour CACH. Interchangeable.
Les membres du CACH-FCC pourraient-ils être «mis à la place les uns des autres», comme le définit le dictionnaire?
S’il ne s’agit pas de coalition, s’agit-il de cohabitation où des alliés de circonstance sont chacun sur leurs gardes, se regardent en chiens de faïence?
On sait que cette «coexistence institutionnelle», selon l’expression de François Mitterrand - un Président de la République et un Gouvernement de tendances politiques opposées ou majoritairement opposées - a, à trois reprises, eu lieu sous la Ve République française. Si le Socialiste Mitterrand n’a pas su cohabiter avec le Gaulliste Jacques Chirac, il a pu fonctionner avec Édouard Balladur du même parti RPR que Jacques Chirac. Elle fut qualifiée de «cohabitation de velours». La troisième expérience unit un président de la République de droite, Jacques Chirac et un Premier ministre de gauche, Lionel Jospin. Elle fut plutôt difficile...
Que dire de notre pays? Quand la solution coalition ne marche pas, faut-il avoir peur de parler de cohabitation vers laquelle le Congo paraît s’orienter irréversiblement, soit l’hypothèse maintes fois entendue d’un Exécutif où le FCC lèverait le plus grand nombre de membres?
Mais la Constitution congolaise installe le Président de la République dans le rôle d’arbitre (le Président est garant du «fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions», art. 69); du coup, il est la «clef de voûte» de l’Etat.
Tenter la cohabitation c’est prouver la robustesse d’un système et cela peut renforcer les institutions de la République mais cela suppose que les partenaires soient de bonne foi.
Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo doit mener des réformes pro-Congo.
Il en a tout un train. Il lui faut mettre le Cap Congo. Du coup, il lui faut une majorité cohérente, un Parlement légitime qui réponde de lui, vote ses lois. Comme Chef de la coalition au pouvoir, cela est possible. Et suppose de la bonne foi des partenaires. A en croire Néhémie, c’est le message que Kabila a passé à ses hommes: aller à la coalition - en clair, à ce mariage avec CACH - sans atermoiement. Si c’est le cas, cela montrerait le caractère robuste de nos Institutions. Il reste que c’est au Président de la République - à lui seul - qui incarne le pouvoir d’Etat d’agir.
T. MATOTU.


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