Pour désigner le pouvoir honni, à chacun son mot: «médiocre» pour Mgr Monsengwo, «arrogant» pour Mgr Ambongo
  • jeu, 21/11/2019 - 03:03

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES. Le Soft International n°1472|JEUDI 21 NOVEMBRE 2019. On s’y attendait un peu. Dimanche 27 novembre, dans son homélie, l’archevêque de Kinshasa est resté lui-même avec ce franc parler qui le rattache à ses origines, l’Equateur. Le pays «des gens qui n’ont peur de rien», disent tout haut ce que certains chercheraient à garder sous le manteau... Son très critique prédécesseur Monsengwo Pasinya est de la même veine. Homme de l’ex-province du Bandundu, Monsengwo issu du Maï-Ndombe est proche de l’Equateur. Un autre avant les deux qui fut aussi virulent, le Cardinal Frédéric Etsou Nzabi Bamungwabi. Lui aussi de l’Equateur, avait pu être dur mais à la fin de ses jours. Mobutu parti... Un autre prédécesseur de ces trois c’est le Cardinal Joseph-Albert Malula. Ni de l’Equateur, ni proche du Bandundu lointain ou proche de l’Equateur, il fut du Kasaï. Il se mit face à Mobutu, «le Maréchal du Zaïre», comme jamais personne avant hormis Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Ressortissant du Kasaï... Dimanche dernier, Fridolin Ambongo Besungu n’a mâché aucun mot, a interpellé durement «le Pouvoir», «les auteurs des inégalités sociales observées dans le pays, les bourreaux des pauvres et des nécessiteux». Si Monsengwo a «sacralisé» le mot «médiocre» pour désigner le pouvoir honni, lui temporise ne visant pas le niveau intellectuel mais la conduite extérieure, qualifiant «un pouvoir arrogant», «vanité des vanités, tout est vanité» (Ecclésiaste 1:2). «Que les médiocres dégagent et que règne la paix et la justice», avait déclaré son prédécesseur. «Nous dénonçons, condamnons et stigmatisons les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniforme qui traduisent malheureusement, et ni plus ni moins, la barbarie». Une sortie au lendemain des marches organisées par les chrétiens catholiques contre le pouvoir, réprimées, la police n’ayant pas hésité à vider sous de coups de matraque, les lieux de culte, provoquant le courroux du Saint-Siège. S’inspirant du livre de Malachie, le nouveau Cardinal, parle des arrogants et de ce qu’ils sont. «Les arrogants sont ceux qui pratiquent l’occultisme, des messes noires et qui fréquentent les milieux exotériques. En société traditionnelle, on dirait ceux qui recourent à la sorcellerie. Ceux qui font des mauvais serments, qui promettent sans réaliser ou ceux qui font exactement le contraire de leurs promesses». Puis : « Ce sont ceux qui oppriment les salariés, ceux qui excluent les nécessiteux représentés par la veuve, l’orphelin et l’immigré (Mal 3-5). Les arrogants marchent sur les petits, les pauvres qui sont devenus des marchepieds. Ils exploitent les petits et les travailleurs comme ils veulent. Ils ne craignent pas Dieu. Ils se bombent la poitrine et se considèrent comme des dieux et veulent qu’ils soient craints voir adorés. Ils vont jusqu’à croire qu’ils peuvent tromper Dieu. Or, nul ne peut tromper notre Créateur. Les arrogants d’après le prophète Michée sont ceux qui détournent la dîme, les deniers destinés à Dieu et aux pauvres et se disent heureux…». «DIRE ET FAIRE». Puis : «En venant vers nous mes frères et sœurs, Dieu s’engage à enlever toute forme d’injustice causée par les arrogants. Il se met du côté des pauvres, des exclus, des exploités, en d’autres termes sa venue engendre la fraternité mise en mal par les arrogants et elle sonne l’inauguration d’un temps nouveau». Le nouveau Cardinal plaide pour un Congo renouvelé... Toujours aussi critique, le Cardinal Fridolin Ambongo pousuit : «Débarrassons-nous des antivaleurs qui ont élu domicile dans notre pays, qui l’ont détruit et ruiné. Évitons d’être un peuple qui passe son temps à faire des fêtes, danser, se réjouir et prier en désordre. Le Congo ne changera pas si nous ne nous mettons pas debout à travailler ensemble. Le Congo ne changera pas si nous ne sortons pas de notre mentalité d’assistantialisme. Évitons la main tendue, travaillons car le travail humanise l’homme». De faire une entrée dans la politique active: «Je salue et encourage avec grande joie la mise en application complète et effective de la gratuité de l’enseignement. C’est ce que l’Église catholique souhaitait depuis très longtemps. Cependant, la gratuité devra être encadrée par des mesures conséquentes pour éviter que cette mesure noble soit hypothéquée. Il faut instaurer un salaire juste aux enseignants. Le versement conséquent de frais de fonctionnement aux chefs d’établissements et au gestionnaire. Le versement des différents paliers de salaire, le 2ème et 3ème. Clarifiez la situation des enseignants dit nouvelles unités et non payés. C’est une notion de justice, tout enseignant qui travaille et reconnu par l’État a droit à son salaire». Quel Cardinal sera cet ancien du diocèse de Bokungu-Ikela, dans la Tshuapa promu archevêque de Mbandaka-Bikoro qui a pris, en 2008, à 48 ans, la présidence de la Commission Justice et Paix, l’organe politique de la très puissante CENCO, la Conférence Episcopale Nationale du Congo qui gouverne les âmes de quelques 35 millions de catholiques. C’est là qu’il jouera un rôle décisif qui fera de lui un allié fort de l’épiscopat de Kinshasa au cœur des négociations politiques ayant abouti à l’Accord de la Saint-Sylvestre. Un Accord inclusif global qui conduira le pays à un mode de gestion consensuel. C’est en février 2018, alors que le Congo est dans un tournant décisif de son histoire avec une première alternance pacifique à la tête de l’Etat que Ambongo est nommé par le Pape coadjuteur de l’archevêque Monsengwo qui a atteint voire dépassé la limite d’âge, 78 ans. À ce poste stratégique cardinalice, qui lui ouvre le chemin de la succession, le souverain pontife aurait pu placer Mgr Marcel Utembi, l’actuel président de la CENCO jugé cependant pro-pouvoir. Seul évêque africain du C9 - le Comité des neuf cardinaux que consulte le pape tous les trois mois pour gouverner l’Église catholique - Monsengwo aurait-il orienté le choix du Souverain Pontife qui sollicite aussi l’avis du Président du pays? Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo proche de l’église présent à Rome à la création de l’archevêque de Kinshasa, est à la tribune à la première messe du Cardinal. «Je reste reconnaissant au Président de la République qui était présent au consistoire à Rome et pour sa proximité et les gestes posés». «Je le remercier pour le cadeau de la jeep Land Cruiser 4X4 quand les «arrogants» avaient annoncé une jeep qui n’est jamais arrivée. Ambongo : «C’est comme ça que la RDC doit fonctionner: dire et faire». EMMANUEL LUYATU.


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