Quelle durée des mandats pour nos présidents
  • jeu, 16/07/2015 - 00:40

Face à la société civile, face à l’opposition, face à certains membres de la communauté internationale, face à la chienlit, le régime burundais a tenu ferme…

Le débat sur le respect de la limitation des mandats présidentiels agite les sociétés de plusieurs pays africains depuis quelque temps. Il devrait se poursuivre dans les mois qui viennent. La ligne de fracture est claire: d’un côté les citoyens, dans leur majorité, exigent de leurs dirigeants qu’ils se conforment aux prescriptions de la Loi fondamentale de leurs pays respectifs; de l’autre plusieurs leaders sont tentés de passer en force, pour des raisons souvent floues.
Le débat sur la limitation des mandats présidentiels est en réalité un débat sur l’organisation des systèmes politiques et la démocratisation des pays africains, et il est regrettable que les sociétés civiles africaines s’en emparent uniquement en période pré-électorale.
Regrettable parce qu’en raison du timing, ce débat est mené par le petit bout de la lorgnette, avec un risque de confusion. Les constitutions de plusieurs pays d’Afrique (notamment francophones) limitent en effet à deux le nombre des mandats présidentiels. Lorsque les sociétés civiles africaines s’arc-boutent sur le respect de cette disposition, elles donnent le sentiment, au-delà de la question de principe, que la limitation des mandats présidentiels est justifiée de tous temps, en tous lieux, indépendamment du stade de développement d’une société, des besoins spécifiques de chaque pays, de la qualité du Président en exercice. Vraiment? Soit. Mais alors pourquoi deux (pas un, ni trois, encore moins quatre) mandats, est-on tenté de se demander. D’où vient ce chiffre fétiche?
La réponse est simple: les constitutions des pays de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne sont inspirées de constitutions occidentales (en particulier celle de la France dans le cas des pays d’Afrique francophone). Mais là où celles-ci résultent d’une histoire longue, de trajectoires historiques spécifiques, d’une réflexion sérieuse sur la forme de gouvernement la plus adéquate pour créer une société prospère et harmonieuse, celles-là sont artificielles et comptent souvent au rang des vestiges de l’époque coloniale.
Évidemment le risque, lorsqu’une Constitution a été léguée plutôt que librement façonnée par la volonté populaire, est que les imperfections voire les errements de la Constitution mère se retrouvent dans la Constitution fille. À ce moment, sacraliser celle-ci revient à sacraliser les imperfections de celle-là.
La limitation des mandats présidentiels, à deux qui plus est, illustre en partie ce phénomène.
Aux États-Unis, plus vieille démocratie représentative au monde, la constitution de 1787 ne prévoyait aucune limitation des mandats présidentiels. Les pères fondateurs des États-Unis, en particulier Alexander Hamilton, avaient mûrement réfléchi à cette question et estimaient que la limitation des mandats favoriserait des comportements contraires à l’intérêt du pays et nuirait à la nécessaire stabilité du gouvernement. Ronald Reagan pensait quant à lui qu’en démocratie seul le peuple souverain est habilité à limiter le mandat des présidents.

MANŒUVRES POLITICIENNES.
N’est-ce pas la raison d’être du vote? C’est George Washington qui, épuisé par une longue carrière consacrée au service public, décida de se limiter à deux mandats présidentiels et initia ainsi ce qui devint une tradition. En effet les présidents américains successifs marchèrent sur ses traces, jusqu’à l’arrivée du Démocrate Franklin Delano Roosevelt (FDR). Celui-ci fut élu à quatre reprises (les deux derniers mandats en 1940 et 1944), ce qui, il faut croire, irrita les Républicains. En 1947, majoritaires dans les deux chambres, ceux-ci s’allièrent aux Démocrates du Sud des États-Unis (qui s’étaient opposés au New-Deal de FDR) pour faire voter, au terme de débats brefs, le 22e Amendement à la Constitution qui limite formellement à deux le nombre de mandats présidentiels aux États-Unis.
La majorité des États d’Afrique subsaharienne sont en construction. Il faut noter qu’à l’époque cette disposition était vue comme un moyen de discréditer l’héritage de FDR. La limitation des mandats présidentiels aux États-Unis résulte donc de manœuvres politiciennes. On peut d’ailleurs imaginer que si George Washington avait décidé de se limiter à trois mandats plutôt que deux, le 22e Amendement aurait limité à trois le nombre de mandats présidentiels.
Et peut-être qu’aujourd’hui les opinions publiques africaines exigeraient des dirigeants qu’ils se limitent à trois mandats, pas plus!
Plusieurs dirigeants africains de notre époque ont un goût immodéré du pouvoir. La tentation de les contraindre constitutionnellement est donc compréhensible, et le souhait d’une majorité des opinions africaines de les voir respecter la Loi Fondamentale de leurs pays est légitime.

PEUPLE SEUL JUGE.
Pour autant, le combat pour le respect de la limitation des mandats présidentiels ne doit pas empêcher la réflexion sur la pertinence de cette disposition constitutionnelle. Dans certains cas le départ des dirigeants, et donc le respect de la limitation des mandats, va dans le sens de l’intérêt du pays. Dans d’autres, la limitation des mandats peut mettre un coup d’arrêt à l’œuvre transformatrice de leaders d’exception, avec un risque de retour en arrière.
La majorité des États d’Afrique subsaharienne sont en construction.
À ce stade, il est probable - si la question se pose ainsi - qu’ils aient davantage besoin de leaders exceptionnels - certes rares par définition - que de contraintes constitutionnelles fortes. Par conséquent pour compréhensible qu’elle soit, la volonté de se débarrasser de potentats illégitimes devrait s’accompagner du souci de donner le temps à des leaders d’exception de transformer leur pays.
À cet égard les constitutions pourraient conditionner la possibilité de se représenter après deux mandats à la tenue d’un référendum populaire. On en reviendrait au peuple, seul juge légitime en démocratie. Si la question de la possibilité ou non de postuler à la magistrature suprême doit être tranchée par les peuples, alors le véritable débat n’est pas tant celui de la limitation des mandats que celui de la tenue de scrutins libres, transparents, incontestables. Ou comment s’assurer que les peuples s’expriment librement et que leur voix soit entendue fidèlement.
J’entends les réserves: organiser un référendum est coûteux. Peut-être, mais pas quand le destin d’un pays est en jeu.
En tout état de cause, la question de la limitation des mandats présidentiels devrait être au centre du débat public des pays africains davantage en période non-électorale qu’en période électorale.
Cela laisserait le temps de l’approcher dans toute sa complexité ; cela permettrait de la replacer dans le cadre plus large du nécessaire débat sur l’organisation des systèmes politiques africains; cela contribuerait à apaiser l’atmosphère des périodes pré-électorales. La paix et la stabilité des pays africains y gagneraient assurément.
YANN GWET.
Entrepreneur essayiste camerounais.
Diplômé de Sciences Po Paris.
Vit et travaille au Cameroun.
Titre d’origine:
En finir avec le dogme de la limitation des mandats présidentiels en Afrique,
in Jeune Afrique.

KAGAME VA Y ALLER.
Le président Pierre Nkurunzinza va y aller, fort également du soutien de la Centrale électorale nationale indépendante, la CENI. Au Congo-Brazzaville, le dialogue national voulu par le chef de l’Etat ouvert lundi 13 juillet, se poursuit sans désemparer et sans l’essentiel de l’opposition qui a décidé de boycotter cette rencontre qui se tient à Sibiti, à plus de 370 kms de la Capitale, réunit plus de 2000 personnes et ne dure que sept jours. A environ un an de la présidentielle à laquelle la Constitution interdit au président de se présenter, nul n’a besoin d’un dessin: Denis Sassou-Nguesso va y aller. Nous sommes plus de 2000 personnes ici. Tout le monde veut venir ici. C’est une grande fierté pour le Congo». A Kigali, sénateurs et députés se sont prononcés à l’unanimité, dans leurs chambres respectives, en faveur d’une réforme constitutionnelle. Des amendements devront cependant encore être votés, puis une nouvelle Constitution formellement soumise à référendum à la population. «Je veux remercier tous les membres du Parlement pour leur soutien aux souhaits du peuple», a lancé, à l’issue des votes, la présidente de l’institution, Donatilla Mukabalisa, promettant un «processus» rapide pour mettre en œuvre les changements.
Le président Kagamé, élu deux fois en 2003 et 2010 mais en réalité homme fort du Rwanda depuis la fin du génocide des Tutsi en 1994, a présenté ces débats autour d’une réforme constitutionnelle comme émanant d’une pure initiative populaire.
En quelque semaines, plus de 3,7 millions de Rwandais, sur un corps électoral de quelque 6 millions, ont signé des pétitions demandant au Parlement de modifier l’article 101 de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels successifs. Mais, dans un pays régulièrement épinglé pour ses atteintes à la liberté d’expression, nombre d’observateurs estiment que le pouvoir rwandais est à la manœuvre pour permettre au chef de l’Etat de se maintenir à l’issue de son deuxième mandat. Comme en Ouganda voisin...
Dans les deux chambres du Parlement, députés et sénateurs ont débattu avec enthousiasme mardi. «3,7 millions de Rwandais issus de différents milieux sociaux et régions du pays ont parlé. Nous sommes ici leurs représentants et n’avons d’autre choix que d’écouter leur souhait», a lancé Nkusi Juvenal, député du Parti social démocrate (PSD), deuxième formation politique du pays et membre de la coalition au pouvoir dominée par le FPR, Front patriotique rwandais de Paul Kagamé. Les débats au Parlement, largement dominé par le FPR et ses alliés, ont été ponctués de slogans en faveur du président rwandais: «Paul Kagamé, oyee!» (oh oui).
Invités à suivre les débats, de nombreux Rwandais ont répondu à l’appel, patientant dans de longues files d’attente devant le Parlement. Dans les deux chambres, les galeries réservées au public étaient bondées.Debout sur un des côtés de la salle, Alpha Mundendke, étudiante de 23 ans, s’est ainsi dit «fière» d’assister à cette séance. «Nous souhaitons que l’article 101 soit modifié», a-t-elle assuré. Outre les pétitions soutenant une modification constitutionnelle, deux autres émanant de la petite formation d’opposition le Parti démocratique vert et d’un particulier réclamaient à l’inverse que l’article 101 ne soit pas modifié, a rapporté le quotidien d’Etat New Times. Ces pétitions avaient cependant peu de chance d’aboutir: le Parti démocratique vert, qui a aussi déposé un recours devant la Cour suprême pour empêcher la révision constitutionnelle, est la seule formation politique à s’opposer à une réforme.
LE SOFT-AGENCES.


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