- lun, 18/04/2016 - 07:22
A nouveau à la croisée des chemins! Le Congo embrassera l’aventure et éclatera ou il mobilisera ses intelligences et se sauvera.
Didier Reynders est attendu à Kinshasa. Lorsque que le Vice-premier ministre belge (MR, libéral) en charge des Affaires étrangères foulera le 28 avril le sol de la Capitale congolaise, le dialogue aura-t-il démarré? A quelle étape sera le Congo quand les échanges entre juristes sur le fétichisme ou non du respect de la Constitution et des délais des scrutins font rage dans un pays où le débat a toujours été marqué par la chaleur que par la lumière pour citer l’ambassadeure américaine Melissa Wells? Quel message apporte à la classe politique l’homme d’Etat belge qui reçoit, écoute les voix du Congo? Bien malin qui prophétiserait..
LA BELGIQUE, CETTE LUCARNE.
Cette Belgique! Elle a beau être rien, ce petit et plat pays est la lucarne par laquelle le monde observe l’ancienne colonie belge, selon l’un des grands Belges Leo Tindemans! De là l’importance de sa parole sur le Congo...
Sur le Congo-Brazzaville, François Hollande, dont le pays dispose d’un pouvoir tutélaire sur notre voisin, n’a eu qu’à prononcer à Paris fin octobre 2015 quelques mots à des journalistes, à l’occasion d’une visite du président malien Ibrahim Boubacar Keita, en plein tourbillon brazzavillois après l’annonce le 22 septembre 2015 par le président Sassou d’un referendum visant à lui permettre de briguer un énième mandat - «le président Sassou peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit et le peuple doit répondre» - et le jeu était fait. Peu après, une rencontre réunissait au Quai d’Orsay le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et son homologue Jean-Claude Gakosso.
A 72 ans, Sassou qui cumule plus de 32 ans de pouvoir, a organisé son referendum le 25 octobre, les Brazza-congolais ont voté la révision à une majorité écrasante (92,96 % des suffrages exprimés); une présidentielle anticipée a eu lieu le 20 mars; Sassou a été réélu dès le premier tour un coup KO avec 60,39 % des voix; il a été investi le 16 avril au Palais des congrès à Brazzaville devant des présidents africains et l’Occident représenté par ses ambassadeurs; Brazzaville peut regarder l’avenir en rose...
Qu’importe si l’internet et les communications téléphoniques furent coupées; si les manifestations publiques furent interdites; si des figures de l’opposition furent assignées à résidence; si des forces militaires furent déployées! Les médias n’en ont pas fait un drame... S’il le veut, Sassou pourra rester Président jusqu’en 2031...
Au Niger, la présidentielle a eu lieu les 21 février et 20 mars 2016. Si le président Issoufou Mahamadou a voulu l’emporter dès le premier tour par un coup KO, c’est à l’issue du second qu’il s’est défait de son adversaire Hama Amadou gardé en prison au premier comme au second tour. Bien que malade, Paris n’a rien trouvé à redire mais a accueilli l’opposant pour des soins...
IL PASSERA 50 ANS AU POUVOIR!
En Ouganda, Yuweri Kaguta Museveni, 71 ans, au pouvoir depuis 30 ans, a eu son un coup KO: 61,55% des suffrages exprimés. Le révolutionnaire marxiste converti au capitalisme, au libéralisme et au FMI, qui déclara en pleine campagne électorale ne pas concevoir de «quitter une bananeraie» qu’il a «plantée et qui commence à donner des fruits», a eu au soir du 18 février 2016, son cinquième mandat. Kizza Besigye, son opposant historique et ancien médecin personnel, défait au premier tour aux trois derniers scrutins (2001, 2006, 2011), a suivi le déroulement des scrutins, en sa résidence, gardé par l’armée, inculpé de viol, de trahison, de terrorisme, de détention illégale d’armes même si aucune procédure n’a abouti. Londres n’a pas levé un pouce.
Museveni dispose du tout-puissant Mouvement de Résistance nationale (NRM, National Résistance Movement), des ressources financières sans commune mesure avec celles d’aucun de ses opposants. Il a tissé un réseau dans les campagnes, moins frondeuses que la Capitale. Il a nommé son fils, le brigadier Muhoozi Kainerugaba Museveni, patron des forces spéciales; il a mis son frère un des chefs de l’armée; il a fait de son épouse députée, ministre de son gouvernement... S’il vit vingt ans, Yuweri Kaguta Museveni aura passé cinquante ans au pouvoir!
Au Rwanda, le 18 décembre 2015, le oui en faveur de la réforme constitutionnelle a obtenu 98,13 % des voix, contre 1,71 % au non.
Paul Kagame, 58 ans, l’homme fort du pays depuis la fin du génocide en juillet 1994 peut se présenter en 2017 après l’expiration de son mandat actuel, le dernier que lui permettait l’ancienne Constitution, pour un nouveau mandat et diriger le pays jusqu’en 2034 s’il le veut. Les nouveaux articles 101 et 172 autorisent potentiellement le président rwandais à se maintenir au pouvoir pendant 17 ans supplémentaires.
«Nous avons vu la volonté du peuple. Il est clair que ce que le peuple veut, il peut l’obtenir», déclare en extase le chef de la commission électorale Kalisa Mbanda à l’annonce des résultats préliminaires le 19 décembre 2015 à Kigali.
L’ELECTEUR EST L’OCCIDENT!
«Ils avaient demandé le changement de Constitution et ils l’ont obtenu», explique-t-il.
La révision avait été présentée comme une initiative populaire par les dirigeants rwandais, 3,7 millions de personnes avaient réclamé par pétition un maintien au pouvoir de Kagame.
Si la Maison Blanche l’exhorte samedi 19 décembre à respecter les limites existantes du nombre des mandats présidentiels, toute initiative visant à maintenir le président rwandais au pouvoir se ferait au détriment de son bilan («Le président Kagame, qui, à bien des égards, a consolidé et développé le Rwanda, a maintenant une occasion historique d’entériner son bilan en honorant son engagement de respect des limites de mandats fixées lors de sa prise de fonction», écrit la Maison blanche dans le communiqué), le président répond sur son compte Twitter, cinglant: «Les problèmes de l’Afrique (…) ne seront pas facilement résolus» par «ce que cache cette attitude qui consiste à se dire «profondément déçu»».
Puis, de poursuivre, sur un même ton: «Il y a pas mal de choses très décevantes qui se produisent à travers le monde. Nous espérons porter notre propre fardeau et non être le fardeau des autres! Je vous promets que nous n’avons pas l’intention de décevoir… surtout pas nous-mêmes».
Il a de la chance Kagame. Comme ses homologues. Sur un Continent où l’électeur est l’Occident, ils savent faire face au discours comminatoire. Ils font montre d’anticipation et de réactivité auprès de leurs peuples et de leurs majorités mobilisés comme un bloc.
Face à la Nation en danger et à l’exigence de survie, ils empêchent de triompher tout discours fétichiste sur des constitutions et les délais constitutionnels.
C’est ainsi qu’ont été bâties toutes les Nations du monde: la Turquie, la Corée, la Chine, Singapour, etc., sur la discipline.
Le Congo est à la croisée des chemins. Va-t-il embrasser l’aventure et périr ou mobiliser ses intelligences et se sauver? Hollande nous l’enseigne parlant du voisin brazza-congolais: «Une fois que le peuple aura été consulté - cela vaut d’ailleurs pour tous les Chefs d’Etat de la planète - il faut toujours veiller à rassembler, à respecter, à apaiser». Si Kin peut en tirer profit...
ALUNGA MBUWA.