Un homme, une ambition
  • mar, 15/12/2020 - 16:41

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1511|MARDI 15 DECEMBRE 2020.

Steve Kabasele Kabalu né Stephan Kabalu. Je suis le fils cadet d’un comptable de banque.
Mon père Bonaventure Kabasele Mpiana était un féru des pièces justificatives dans toute opération financière. Il me disait toujours, regardant un ticket de bus de transport en commun déchiqueté, que c’est une pièce comptable.
A 76 ans, il venait encore dès 7 heures du matin à mon bureau pour mettre de l’ordre au sein de mon administration. Cela me sert encore de leçon aujourd’hui.

Je suis né à Tshikula dans la région du Kasaï Central.
C’est une importante gare de chemin de fer comprenant une Mission catholique dont le curé me fit vite baptiser en me prénommant Stephanus Guillaume Blaise, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Mon nom de famille Kabalu provient de mon oncle paternel, comme il est de coutume chez nous les Baluba.

MON COTE
UN PEU REBELLE NAISSANT.

Plus tard, je reprendrai le patronyme familial comme l’exigeaient les colons, pour les enfants nés d’un parent commun.
Je suis donc allé à l’encontre de la volonté de ma maman qui était convaincue, de retour d’une visite familiale, pouvoir rentrer à Kolwezi où la banque avait affecté mon père, d’y arriver et pouvoir accoucher à terme.
C’est peut être mon côté un peu rebelle naissant et mes origines tribales qui m’ont caractérisé ainsi de manière précoce. Les Baluba sont un peuple riche, culturellement, têtu et convaincu de par leur orgueil propre.

J’ai lu quelque part dans une revue mensuelle « Le Kasaï Natal » qu’un sociologue belge du nom de Van Nerck recommandait en 1929 à l’autorité de l’époque, de maintenir à bon escient la division entre les Baluba du Kasaï et ceux du Katanga qui sont pourtant des populations d’un Empire qui portait le même nom.
Il disait en substance : « Il faut supprimer surtout l’esprit de cet empire qui rend les chefs religieux, les chefs politiques et militaires après intronisation et investitures, plus puissants et les amène à acquérir une puissance spirituelle de haute tension » (réf. revue mensuelle Le Kasaï Natal, octobre 2015).
Donc, j’ai tout de même passé ma première enfance dans le Lualaba, zone minière par excellence que mon père décidera de quitter en 1954 contre l’avis de son employeur. Nous empruntons le train pour Kananga via Tenke, une autre gare de mémoire.
La nuit, alors qu’on y attendait le train de correspondance, aucun enfant ne pouvait se hasarder seul le soir venu. Les blancs appelés Mutumbula rôdaient avec leurs lampes torches pour braquer et bâillonner toute personne isolée et les emmener à une destination inconnue.

Comme dans un village sous couvre feu permanent.
J’apprendrai plus tard que c’était plutôt une forme de résurgence du travail forcé ayant ses origines dans la période de la traite négrière. On continuait à vendre de la main d’œuvre bon marché pour les mines d’or de Rhodésie et d’Afrique du Sud en pleine époque coloniale.

Lorsque nous arrivons à Léopoldville en 1955, nous nous installons dans le quartier dit ImmoCongo qui s’appellera plus tard Quartier du 20 Mai. Mon père fut accueilli par un ami d’enfance, agent de l’Administration coloniale, du nom de Misakabo, où on nous traitait de Bawuta parce qu’effectivement nous venions d’ailleurs. Les immigrés d’aujourd’hui…

Aussitôt que la banque lui proposa de le réengager, mon père ne vit aucun inconvénient et nous emmena dans un premier temps à nous installer au quartier dit Renquin sur l’avenue Lokolama (une des rues qui comprendra la cité ou le quartier Molokay de Papa Wemba avec comme voisin le futur professeur Tshuinza Mbiye spécialiste reconnu d’Economie monétaire. Puis, il va acheter une villa dans le nouveau quartier de Yolo Sud au sein de la même commune.

ON DIT : «QUI
TROP EMBRASSE MAL ETREINT».

Nous vivions à proximité d’un bureau de la gendarmerie surnommé Mabanga à cause des jets de pierres qui s’y déroulaient lorsqu’il y avait rixe entre délinquants! Cependant, la première dame bourgmestre Mme Elonga n’hésita pas à faire construire en face un centre hospitalier devenu célèbre aujourd’hui au point d’intéresser Mme Denise Nyakeru Tshisekedi, la Première dame actuelle de la RDC.

En 1957, on nous inscrit à l’école primaire dit Athénée de Limeté, dans la commune du même nom.
Le terrain qu’occupe l’Ecole Massamba aujourd’hui était notre espace d’apprentissage grandeur nature des règles de bonne conduite pour connaître les risques encourus à l’extérieur de la maison ou de l’école.
Chaque mercredi après-midi était consacré au divertissement, sport et natation au sein de Funa Club situé sur le boulevard Lumumba non loin de l’aéroport de Ndolo.
C’est en souvenir de ces bons moments que j’ai repris l’appellation Funa Club pour notre complexe sis 3036 avenue Macon, Quartier Funa Industriel.

Ce n’est pas seulement un lieu de résidence. On y trouve un terrain de basketball et de tennis. On peut y jouer du tennis de table, billard et autres jeux de société sans compter la piscine et la salle de fête, de fitness, etc.
A cela, il faut ajouter le partenariat avec la banque EQUITY qui fait qu’une agence est ouverte pour y effectuer l’essentiel des opérations nécessitant une économie de temps que prend l’attente devant les guichets traditionnels.

ACREP est une structure que j’ai créée le 14 septembre 1977 après avoir été remercié sans raison valable de la Compagnie Maritime Zaïroise où je ne comptais pas faire carrière. Cependant, tirant profit de l’erreur commise par mon ancien employeur, je gagnerai un procès dont le dédommagement va m’aider à lancer financièrement mon microcosme d’entreprise qui va aller de l’Agence des Relations Publiques et Commerciales aux activités culturelles et cinématographiques, en passant par la location de véhicules, le transport de biens et des personnes, etc.
Un grand frère et ami banquier créateur de la CNECI, Jules Ngole, dit de moi que je suis devenu boulimique. Je l’accepte avec un sourire en coin et préfère d’ailleurs le terme d’éclectique puisque je touche à beaucoup trop de choses à la fois.
On dit : «qui trop embrasse mal étreint».

Moi, j’aime bien seulement embrasser au propre comme au figuré, mais je m’étreins pas. Je préfère me limiter aux embrassades puis je passe la touche à mes proches, que je garde sous surveillance.
C’est ainsi qu’assez tôt, je me suis défait de l’Agence de Voyages et tourisme ACREP au profit de mon jeune frère Guillaume Kabasele dit Kallo qui justement dirige cette entité de main de maître qu’il est d’ailleurs en judo. A ma grande satisfaction...

Même par ce temps de Covid-19, il fait montre de beaucoup de dextérité, tapi au 1287, boulevard du 30 Juin dans la commune de la Gombe. Il y tient encore le coup.
De l’Université de Dakar devenue Cheikh Anta Diop en hommage à ce grand savant égyptologue, j’ai gardé une image positive se référant à tout le peuple sénégalais.

Mes professeurs Pathé Diagne et son épouse, la sociologue Dr Fatou Sow, sont des personnes m’ayant initié aux principes d’insatisfaction dans la recherche analytique et de simplicité dans la vie.
Le premier m’a initié au cinéma à Tubatul avant de me faire rencontrer M. Sembène Ousmane, l’homme des Bouts de doigts de Dieu et du célèbre long métrage Le Mandat.

La seconde m’a permis de connaître d’autres historiens de renom comme Ibrahima Kake, le Guinéen, Ndaywell Enziem, le R-dCongolais et autre Théophile Obenga du Congo voisin, dont je suis devenu fervent lecteur.
Historien moi-même, j’ai fait une maîtrise en Philosophie africaine avec pour Mémoire «La Logique Bantoue » défendu à Dakar en 1974.

Recommandé auprès de Mgr Tshibangu, recteur des Universités Nationales du Zaïre, je vais finalement renoncer à la carrière de chercheur ou enseignant pour me consacrer au Développement économique de mon pays.
Lorsque sonne le glas du régime dictatorial de Mobutu, je m’intéresse aux machines industrielles de la Minoterie du Congo qui se désintéresse de la production de la farine de maïs afin de concurrencer la MIDEMA qui détenait le monopole de la production et de la distribution de la farine de froment.

Avec mon associé José Ekondo Nguma, nous créons AWA (African and World Alimentary) que je dirige avec satisfaction. Des gros marchés locaux et internationaux tombent dans notre escarcelle jusqu’au jour où suite au conflit de l’Afdl, le barrage d’Inga est occupé et fermé par des forces étrangères qui nous coupent l’approvisionnement en courant électrique.
Le PAM, Programme Alimentaire Mondial qui assurait nos commandes, ferme ses bureaux pour s’installer à Nairobi au Kenya. Je décide pour la première fois de quitter le pays malgré moi.

COMMENT
J’ARRIVE CHEZ LOUIS MICHEL.

Exil au Congo Brazzaville où Mr Lissouba a maille à partir avec son prédécesseur Sassou Nguesso. Départ pour le Cameroun et tentative infructueuse d’y installer une activité en location des véhicules, puis refuge au pays de nos oncles les Belges.

Installation dans la ville diamantifère d’Anvers et association éphémère avec l’Agence de voyages Boschmans Reizen et d’une imprimerie dans la région de Brussels avec la famille Stroobans.
Le tout se soldant par des faillites à répétition malgré un sursaut d’édition culturelle avec ma Bande Dessinée Au village de Mambou issue d’un projet manqué de film pour enfants, le contact est repris avec le terroir national.

Entre-temps, à Sun City, en Afrique du Sud, un processus de Dialogue National Congolais se met en place. N’ayant jamais rompu le lien avec le célèbre opposant politique congolais et parent Etienne Tshisekedi Wa Mulumba, il m’accorde le statut de conseiller financier privé, ce qui me fait précipiter dans un avion pour Johannesburg.
Ce sera un séjour prolongé qui prendra presque deux ans au cours desquelles j’ai retrouvé un Aîné de l’Université de Dakar, M. Moustapha Niasse venu en remplacement d’un médiateur contesté.

De confidence en confidence, il va m’avouer être, en tant que fonctionnaire des Nations Unies, en service commandé pour remettre de l’ordre dans l’Affaire congolaise, asseoir et confirmer le pouvoir de Joseph Kabila et surtout, dans la mesure du possible, éviter l’emprise de mon mentor trop imbu de lui et empêcheur de tourner en rond, le Sphinx de Limeté.
Il me conseillera de prendre langue avec les tenants de l’opposition non violente qu’étaient les Me Kamanda, Zahidi Ngoma, le Palu Antoine Gizenga ainsi que la dame de fer mobutiste Nzuzi Wa Mbombo.

La suite est connue de tous. Aucune de ces personnalités ou représentants ne voulait de nous, alléchées qu’elles étaient par la possibilité d’occuper un poste, une fois le schéma occidental approuvé.
Devant jouer mon rôle de Conseiller Pélérin, je prendrai mon bâton pour rencontrer, grâce à mon frère Gilbert Mundela, l’actuel président Cyrille Ramaphosa encore de la COSATU en transit pour le pouvoir, dans son bureau cossu de Sandton pour m’entendre confirmer à 90% la version de M. Niasse. Le soir, je fais un compte rendu complet et détaillé de la situation à mon Boss qui donne son feu vert pour un dernier coup de poker. Le lendemain, je prends l’avion pour le Royaume de Belgique, convaincu que c’est là-bas qu’il faut rencontrer le vrai maître des céans, le Commissaire Européen Louis Michel.

Arrivé à Bruxelles, je suis reçu par son Directeur de cabinet qui m’informe qu’il n’y a pas de nuages entre lui et la famille, au contraire.
Toutefois, il promet de transmettre mon message à son chef et me fixe rendez-vous le lundi suivant 11 heures.
Alors que je pensais être porteur d’un message de paix, je m’entendrai dire que le Commissaire ne pourra me recevoir qu’après avoir obtenu du responsable qui me délègue la preuve de sa déclaration concernant la possession par M. Louis Michel d’un comptoir de diamant à Tshikapa en République Démocratique du Congo tel qu’il l’avait déclaré publiquement.
L’affaire que je croyais politique avait finalement pris une dimension privée, voire psychologique. Suite et clap de fin !
Le retour après le Dialogue Inter-congolais d’Afrique du Sud a été plutôt rude.

Je suis, avec quelques compatriotes et un Sud-africain, accusés d’avoir comploté contre le régime de Joseph Kabila et conduits à la prison de la Kasapa
L instruction durera plus de quatre mois et je reste en détention.
Le colonel instructeur Tim Mukuntu me promettait la peine de mort.
Grâce à mon téléphone portable, j’arrive à joindre une fois de plus M. Moustapha Niasse au Sénégal qui appelle le Président Kabila en insistant, m’a-t-il confirmé, qu’après les accords de Sun City, il ne pouvait plus y avoir des prisonniers pour raisons politique en RDC.

Ainsi, un autre colonel du nom de Nzabi va établir un PV qui va finalement permettre ma relaxation.
Les poursuites contre mes proches vont en effet prendre fin dès avril 2004, ce qui va permettre à la famille Kabasele de reprendre le fonctionnement normal de ses affaires, avec plus de sérénité.
avec STEVE KABALU.


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