Une enquête qui désactive Kigali
  • jeu, 27/06/2024 - 13:45

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1612|LUNDI 24 JUIN 2024.

Les années passent, mais le rituel reste le même. Le 7 avril, trente ans jour pour jour après le déclenchement du génocide contre les Tutsis au Rwanda, le Président rwandais Paul Kagame rallume la flamme du souvenir au Mémorial de Gisozi, où reposent les restes de 250.000 personnes sur les quelque 800.000 hommes, femmes et enfants méthodiquement massacrés en 100 jours, en 1994.

Lors du génocide, «c’est la communauté internationale qui nous a tous laissé tomber, que ce soit par mépris ou par lâcheté», lâche quelques heures plus tard Paul Kagame devant un parterre de hautes personnalités étrangères.

Il y a là l’ex-président américain démocrate Bill Clinton, l'ex-président français de droite Nicolas Sarkozy, le président de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, de nombreux présidents africains. Tous comptables de la passivité complice dont ont fait preuve plusieurs pays, au premier rang, la France.

Des pays auxquels Paul Kagame ne cesse de réclamer des comptes.
Mais le temps paraît changer les choses avec une immense enquête internationale intitulée «Rwanda Classified» publiée le 28 mai, dans le cadre du consortium de journalistes Forbidden Stories. Dix-sept médias ont enquêté sur ce petit pays à la frontière Est du Congo, et sur le régime répressif de son président dont la réélection sur le mode stalinien à la présidence du pays dans quelques jours ne pose aucun problème.

Pendant plusieurs mois, 50 journalistes dans 11 pays (France, Grande Bretagne, Allemagne, Belgique, Suisse, etc.) ont travaillé ensemble. Parmi ces médias, Le Monde, Le Soir, Radio France, la Rtbf, The Guardian, Der Spiegel, Die Zeit, Haaretz, Knack, M28 Investigates, NRC, OCCRP, Paper Trail Media, RTS, SVT, ZDF, ZAM, le tout coordonné par Forbidden Stories, un groupe qui poursuit les enquêtes de journalistes tués, ou morts dans des circonstances suspectes.

L’enquête a été déclenchée suite à la mort le 18 janvier 2023 de John Williams Ntwali, un journaliste rwandais. Il aurait été percuté par une voiture alors qu’il circulait à moto taxi, à Kigali. Mais ses proches contestent cette version.

RIEN NE SERA PLUS COMMENT AVANT.
Avant sa mort, John Williams enquêtait sur des sujets sensibles, notamment des soupçons de corruption, de disparitions ou d’arrestations arbitraires.
L’enquête de Forbidden Stories se penche sur la face cachée du régime rwandais, qui n’hésite pas à menacer et faire taire ses opposants.

Des titres et des images qui pleuvent et désactivent dans le monde le régime de Kigali incroyablement vanté : «Rwanda Classified, au cœur de l'engrenage répressif du régime de Paul Kagame»; «Au Rwanda, enquête sur les dérives du régime de Paul Kagame, l’autocrate qui fascine l’Occident» ; « Rwanda Classified, Investigation : l’ingérence rwandaise en Belgique» ; «Rwanda : un consortium international de journalistes d'investigation a mené une grande enquête» ; «Rwanda classified : une grande enquête sur la face cachée du régime de Paul Kagame» ; «Rwanda Classified»: Paul Kagame, le maître de Kigali, est aussi un héritier du passé; l’homme fort de Kigali est au cœur des révélations «Rwanda Classified». Mais il s’appuie aussi sur le passé du « grand Rwanda », estimant que cela l’autorise à piller les territoires voisins qui, jadis, lui appartenaient»; « Le Rwanda est-il un État voyou qui emploie des méthodes violentes contre toutes les voix dissidentes?»

Si le stratège rwandais en com' qui n'a jamais manqué de dispositif de soutien à l'extérieur a vu un collectif de 39 personnalités diffuser le 4 juin un texte sous le titre «Rwanda Classified», une faillite journalistique ?», estime que «le dossier sur le Rwanda publié par le collectif de médias Forbidden Stories est l’archétype de ce qu’il ne faut pas faire», il reste que rien ne sera plus jamais comme avant pour Paul Kagame.
ALUNGA MBUWA.


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