Paul Kagame pourrait-il humilier Donald Trump ?
  • ven, 12/12/2025 - 11:06

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1651 | VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2025.

S'il admire la force - la puissance -, jusqu'à quand Donald Trump pourrait tolérer ce qui apparaît comme une tentative d'humiliation menée par les troupes rwandaises dans la province congolaise du Sud-Kivu ? Comment expliquer que le jour même - 4 décembre 2025 - où un accord de paix est signé à Washington par le président américain et ses homologues congolais et rwandais, les forces rwandaises aient avancé vers Uvira et aient pris mercredi 10 décembre, la troisième ville de la province du Sud-Kivu, selon tous les médias du monde, citant leurs correspondants sur place ?

Comme à l'accoutumée, le Rwanda, nie tout, fait porter la responsabilité sur Kinshasa.
« La responsabilité des violations du cessez-le-feu, des attaques en cours et des combats en province du Sud-Kivu en RDC ne peut être imputée au Rwanda».

Dans un communiqué, le ministère rwandais des Affaires étrangères condamne les actions des armées congolaises et burundaises et de leurs alliés, qui « bombardent systématiquement des villages civils proches de la frontière rwandaise à l’aide d’avions de chasse et de drones d’attaque, ce que l’AFC/M23 affirme être contraint de contrer ».

Le Rwanda serait-il devenu le porte-parole officiel de l'AFC/M23? Que dire des déclarations faites au même moment par l'un des chefs de l'AFC/M23, l'ancien sénateur congolais Moïse Nyarugabo Muhizi Mugeyo - un Tutsi Munyamulenge - qui, depuis que l'alliance AFC/M23 s'est formée, est sur toutes les plateformes. Dans son dernier message, Moïse Nyarugabo Muhizi Mugeyo ne dément pas la présence des troupes pro-rwandaises à Uvira. Il appelle plutôt la population «à rester calme, à ne pas avoir peur des troupes qui arrivent puisque ces troupes ne veulent aucun mal à la population ».

Qui pourrait s'imaginer que les rebelles AFC/M23 puissent prendre une ville sans le «go head» de Kigali ?
Mardi 9 décembre, la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, avait qualifié de « mensonges » les accusations contre le Rwanda proférées par le porte-parole du gouvernement congolais Patrick Muyaya Katembwe.
« La RDC ne peut être le garant du cessez-le-feu alors qu’elle est en réalité la première à le violer», a-t-elle écrit sur son comte X (ex-Twitter).

« Depuis dimanche, les bombardements et tirs de drones kamikazes viennent du territoire rwandais, de Bugarama. Ils ciblent des hôpitaux, des centres de santé, des maisons d’habitation », avait affirmé Patrick Muyaya Katembwe, parlant d'«une violence inouïe» visant à « semer la mort et la désolation ». Plusieurs civils auraient été tués et de nombreux autres blessés. « L’accord de paix signé le 4 décembre devait garantir le respect de l’intégrité territoriale et l’arrêt des hostilités. Six jours après, le constat est amer », a déploré Patrick Muyaya Katembwe accusant Kigali d’avoir violé les engagements pris.

« Le retrait des troupes rwandaises était une condition. Au lieu de cela, nous faisons face à des attaques venues du territoire rwandais, avec des drones suicides et des bombardements visant des civils».
Mardi soir 9 décembre, les rebelles de l’AFC/M23 étaient signalés à Kavimvira, dans la banlieue nord d'Uvira. Ils ont fait leur entrée dans la ville peu avant midi, mercredi 10 décembre.

DEVOIR DE MÉMOIRE.
Des habitants joints par Rfi, Radio France Internationale, ont vu des hommes armés AFC/M23 dans le nord de la ville. Selon un rapport documenté des experts des Nations unies, l'armée rwandaise de Rwanda Defence Force, RDF, a déployé entre 6.000 à 7.000 hommes sur le territoire congolais.

Plusieurs habitants d'Uvira disent les avoir vus mercredi 10 décembre en milieu de matinée, progresser à pied. Des vidéos authentifiées par Rfi les montrent clairement devant le bâtiment du Gouvernorat, à Kiromoni, tout près de la frontière burundaise. Dans plusieurs quartiers, des tirs ont été signalés, notamment là où des combattants Wazalendo restent visibles. Des échanges de tirs ont aussi été rapportés à Mulongwe. Mercredi 10 décembre, à la mi-journée, l'AFC/M23 a revendiqué le contrôle de la ville.

Des informations démenties par le gouverneur (congolais) de la province Jean-Jacques Purusi Sadiki, installé à Uvira, depuis la prise de Bukavu par l'alliance AFC/M23/RDF.
Il se trouverait à Bujumbura, au Burundi accompagner des blessés que les hôpitaux d’Uvira, déjà saturés, ne pouvaient plus prendre en charge et prévoyait de se rendre dans la journée du côté des camps de réfugiés avant de revenir à Uvira.

Mercredi 10 décembre, la ville tournait au ralenti. Ni école, ni marché, très peu de motos, et les prix des courses ont doublé, parfois triplé. Certains habitants ont tout de même tenté de sortir, mais beaucoup ont pris la route de la frontière burundaise. Plusieurs milliers de personnes ont traversé tôt la frontière burundaise, à moto, en voiture, en bus ou à pied.
«Le Rwanda doit être tenu pleinement responsable du respect des termes de l'accord qu'il a signé avec la RDC à Washington la semaine dernière.

Ces engagements ne sont pas facultatifs et les États-Unis exigent leur application. Les dirigeants mondiaux doivent se joindre aux États-Unis pour condamner sans réserve les actions du Rwanda», écrit le Département d'État américain sur son compte X @HouseForeign Affars GOP qui publie la photo de cette signature et le drapeau du Rwanda.

Paul Kagame oserait-il énerver Donald Trump ? Lui qui - devoir de mémoire - lors de la Seconde Guerre du Congo (1998-2003), sous le républicain George W. Bush, reçut l'ordre, au lendemain de l'assassinat du président congolais Laurent-Désiré Kabila, d'instruire ses troupes de ne pas oser avancer vers Lubumbashi, la deuxième ville du pays, à deux nuits de marche de Pepa, situé à proximité de Pweto, Moba et Moliro, «le Triangle de la Mort»?

En 2000, alors que Pepa était sous contrôle des forces pro-rwandaises du RCD-Goma et des soldats rwandais de l'APR, l'Armée Patriotique Rwandaise aujourd'hui RDF, Rwanda Defence Force et que ces armées voulaient foncer vers Lubumbashi, l'ordre tomba de Washington. Pour s'assurer de la bonne exécution de cet ordre, Kagame fit atterrir en urgence son alors chef d'état-major de l'armée rwandaise, Faustin Kayumba Nyamwasa, réfugié depuis 2010 en Afrique du Sud, où il a été victime de plusieurs tentatives d'assassinat. Mission de Kayumba Nyamwasa : faire exécuter l'ordre de Washington.

En dépit des discours qu'il tient à Kigali face à ses militants, que serait demain Paul Kagame si Donald Trump et des pays occidentaux décident de lui couper les vivres, lui dont plus de 40% du budget de son pays est financé par l'aide étrangère ?

Signe avant-coureur?
Les dirigeants rwandais qui déclarent qu'«il est désormais clair que la RDC n’a jamais été prête à s’engager pour la paix», appellent désormais à un retour à la mise en œuvre complète des accords signés à Washington.
Sauf impossible, il faut s'attendre que ce coup de gueule des pro-rwandais au Sud-Kivu soit de très courte durée.
ALUNGA MBUWA.


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