Bahati sans suspens
  • lun, 22/02/2021 - 19:49

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1519|LUNDI 22 FEVRIER 2021.

Ce fut ou ça passe ou ça casse ! A la Chambre basse comme à la Chambre haute. Et Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo vient incroyablement de réussir son Grand Chelem. Désormais plus de suspens. Bahati s’apprête à monter les marches rêvées conduisant au bureau de la Chambre haute du Parlement. Devenant du coup, la deuxième personnalité constitutionnelle du pays. En cas de vacance au Palais de la Nation c’est lui Bahati, personne d’autre.

Au moins pour quelques mois... Mis sous pression comme jamais depuis plusieurs jours que cela durait - pétition d’une soixantaine de sénateurs, ultimatum de l’Inspection Générale des Finances l’appelant à justifier d’importantes sommes d’argent reçues du Trésor public, convocation par le parquet - Alexis Thambwe Mwamba s’est arrêté net en chemin, conseillé par des sages proches du Président de la République, sans oser pousser au bout du bras de fer...

Le 5 février 2021, il a jeté l’éponge en évitant l’humiliation d’une destitution par ses pairs. Pour Modeste Bahati Lukwebo à qui tout avait été refusé, c’est la remontée en grande pompe du tapis rouge. Après sa nomination fin décembre par le président de la République comme informateur, ses ennemis de l’ex-Majorité présidentielle MP transformée en FCC, Fronc commun pour le Congo, croyaient rêver. La roue de l’histoire, elle tourne. Vite ou lentement, elle tourne. Sans répit...

Un an, le 27 juillet 2019. Cela ne fait l’ombre d’aucun doute que le ticket choisi par Kabila pour le bureau du Sénat est formé de faucons. Bahati présente un tout autre profil. Cet homme hyper fortuné - il a tout été sous Kabila même s’il n’a cessé de se plaindre de sa condition - n’était jamais au combat politique kabiliste en première ligne.
Prudent ou méfiant, il avait toujours su se mettre loin des joutes politiques. Mais, contrairement à l’absence d’humanité qui caractérise certains, lui, était à l’écoute des gens, proches des gens.

IL SURVIT A TOUS LES TRAQUENARDS.
«Ce n’est pas l’homme qui sentira du parfum à longueur de journée, sablera le Champagne à chaque repas, aura les mains en poche ou vous regardera d’en haut», témoigne quelqu’un.

Ce combat, il en rêvait. Il avait toujours rêvé de ce moment: un beau combat, une belle bataille. La bataille du siècle. Le combat de sa vie. Cette fois, ça passe ou ça casse, jure-t-il. Un combat qui se présente comme une belle revanche, le deuxième tour des scrutins du 30 décembre 2018. De ce fait, mieux vaut la mort dans le combat que la vie d’un vaincu...
Il s’était toujours plaint du sort qui lui était réservé par ses camarades à l’ex-MP, Majorité Présidentielle. À tort ou à raison, à raison qu’à tort, que n’a-t-il pas enduré, lui et d’autres, au sein de l’ex-majorité présidentielle ! Toutes les frustrations imaginables et inimaginables!

Depuis longtemps, il se savait incriminé, traqué. Il y a longtemps qu’on l’aurait brisé, qu’on lui aurait cassé le cou ou les couilles, mis en morceaux comme à d’autres (André-Philippe Futa, Vital Kamerhe, Christophe Lutundula, Pierre Lumbi, José Endundo, Olivier Kamitatu, Moïse Katumbi, Tryphon Kin-kiey Mulumba, etc.) peu chanceux, parfois maladroits, soufrant d’absence de réseaux dans le dernier carré du pouvoir ou peu dépourvus matériellement pour transformer le mauvais sort, défaire la magie même si beaucoup ont survécu quand on promettait à tous ou l’exil, la décrépitude, l’abâtardissement, l’avachissement. En somme, l’exténuation au propre comme au figuré.

Connaissant le jeu et les joueurs, Bahati sème tous ses poursuivants et survit à tous les traquenards. Souvent miraculeusement...
Va-t-il survivre à cette guerre du siècle qu’il vient de déclencher, ce combat qu’il a longtemps préparé, mijoté, paramétré au millimétrage ? Lui n’a aucun doute... «Nous allons gagner», répète-t-il invariablement pour remobiliser ses troupes...
Ni le momentum de la communauté internationale farouchement opposée au schéma FCC, ni le financement à mettre dans la balance ne fait défaut à ce briscard, vieux routier calculateur de la politique zaïro-congolaise.

Mobutu qui avait maîtrisé le personnel politique de son époque et l’a approché, séduit par son esprit de combativité, avait fini par lâcher ces mots à des proches : «Tata oyo, soki opesi ye pouvoir te, okolala pongi te» (cet homme, tant que tu ne l’as pas mis à une position de gestion, tu ne trouveras pas le sommeil).

Sous Joseph Kabila, Dieudonné Bolengetenge Balela, candidat questeur de la Majorité présidentielle (aujourd’hui G-7) faisant partie du ticket présenté, porté, défendu bec et ongles, l’avait échappé belle. Questeur sortant dans le bureau Vital Kamerhe Lwa Kanyinginyi Nkini, Bahati également membre de la Majorité présidentielle, s’était maintenu mordicus dans la confrontation jusqu’à défier officiellement, publiquement Kabila alors tout puissant représenté par un homme de grande confiance et, du coup, hyper puissant, considéré de son vivant dans les chancelleries comme le Vice-Président de la République sinon le Président de la République, Augustin Katumba Mwanke qui fut longtemps ministre délégué à la Présidence de la République tué dans le crash resté non élucidé d’un jet en partance de Lubumbashi sur la piste de Kavumu, à Bukavu, le 12 février 2012, peu avant que les États-Unis d’Amérique ne reconnaissent l’élection de Kabila. Une reconnaissance intervenue quatre jours plus tard.

Alexis Thambwe Mwamba a tout été. Mobutiste sorti du secteur privé minier par Léon Kengo wa Dondo alors Premier ministre. Il en fit un terrible patron des Douanes, qui fit trembler la fratrie de Mobutu. Même le patron des patrons congolais, Jeannot Bemba Saolona - le père de Jean-Pierre Bemba Gombo - sentit son odeur, dans des discours publics.
Le jet privé du patron des patrons fut cloué au sol pour défaut de paiement des frais des douanes...

Ministre des Transports et Communications, ATM connut cette tragédie historique de Type Ka où un Antonov sorti de piste au moment du décollage, allait raser le marché Sumba Zigida bondé, fauchant des centaines d’hommes, femmes, enfants. Il n’a jamais eu ni enquête, ni responsabilités établies. Les victimes abandonnées à elles-mêmes! Puis ce dossier devant la justice internationale : celle de l’avion abattu au-dessus de Kindu, sa propre ville, en pleine rébellion du RCD-Goma, dont imprudemment, il revendiqua l’acte sur des médias internationaux. Puis, des mots, des phrases terribles à l’endroit de ses propres magistrats. Lui, ministre de la Justice, certainement à raison. Magistrats outrés qui peinent à demander des comptes...

Il y a des journalistes qu’il a insultés publiquement et l’ont mis sous embargo.
Puis, des élus nationaux traînés dans la boue à Goma, publiquement, au point d’avoir couru le risque d’une destitution après une motion de défiance débattue et mise au vote. Un bulletin et un seul aurait manqué au comptage des voix pour la démission de l’alors ministre des Affaires étrangères. Sauvé par un certain Évariste Boshab Mabudj Mabilieng, on peut imaginer comment...

Il y a l’affaire des «mercenaires américains» surgie avec l’arrestation, le 24 avril 2016 à Lubumbashi, de l’Américain Darryl Lewis, lors d’un meeting dispersé de l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe, transféré à Kinshasa. Le 29 juillet 2016, Darryl Lewis dépose devant la Cour du district de Washington D.C., une plainte visant le chef des services des renseignements congolais et le ministre de la Justice qui n’a jamais enfilé autour de son cou, l’étole rouge du PPRD trop fier d’être et de rester un indépendant, attaché à la seule personne de Joseph Kabila. Du moins, croit-on. Griefs brandis par l’Américain : violences physiques et tortures...

L’Américain réclame 4,5 millions de US$ aux autorités congolaises en réparation pour ces faits subis pendant près d’un mois lors de sa détention dans un cachot de l’ANR, dans le but de lui extorquer de faux aveux.
Mais choisi par Kabila lui-même qui l’apprécie pour son audace et célébré par le PPRD, ATM droits dans ses bottes. Vent debout. Ce qui ne va pas sans quelques grincements de dents au PPRD. Qu’importe!

«Un Chef, on obéit ou on se vire», ironise quelqu’un paraphrasant l’ex-ministre socialiste français Jean-Pierre Chevènement : «un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne».

LE SERPENT QUI S’ARRETE, PUIS AVANCE.
Face à Thambwe, Bahati n’a pas été retenu par Kabila. Qu’importe! Il a été au combat. Il a été... écrasé? Non! Battu par le candidat FCC tout puissant dans les assemblées. 65 voix contre 43 pour le dissident Bahati radié du FCC bien avant le vote, pour avoir maintenu sa candidature. «Trop c’est trop ! Ils ne nous intimideront pas»...

Son propre regroupement AFDC-A qui revendique 13 sièges au Sénat est dépiécé. Si, à la fin du vote, Bahati félicite le champion, l’affaire est entendue. Le FCC (ex-MP) lui a promis la guerre. Elle sera longue, très longue...
Ici, tous le connaissent. Dans le passé, il avait déjà nargué un candidat alors kabiliste. Dans un système électoral jamais transparent, nul ne saura jamais, qui, de Bahati et de Bolengetenge, l’emporta ce jour-là. Même si c’est Dieudonné Bolengetenge Balela qui fut proclamé...

Le 24 février 2009, après que le bureau Kamerhe fut sacqué et que des élections furent organisées, il n’y avait eu que du Bahati, Bahati, Bahati, Bahati, peu ou pas de Bolengetenge, puis Bahati, Bahati qui reprenait de plus belle. Présent à plusieurs titres dans la salle, vissé sur le strapontin, au milieu en dernière ligne de l’hémicycle, suivant le dépouillement radio-télévisé en direct, le député Katumba Mwanke faillit faire un AVC. Il n’était pas le seul. Tant Bahati menait la course triomphalement en tête...

Cet homme né le 13 janvier 1956 à Katana au Sud Kivu, issu de la Société civile, passé à la politique d’abord comme P-dG de la SONAS (sous monopole) et plusieurs fois ministre (Travail, Plan, Économie, etc.) sait donner coups et insomnies à qui lui cherche noise. «Il est comme un serpent qui se déplace et qui s’arrête quand on le frappe mais reprend sa marche en avant et s’arrête quand on le frappe, mais ne lève jamais le pied tant que ses intérêts n’ont pas été pris en compte mais peut se satisfaire d’une offre alternative quitte à reprendre le combat pour une offre plus alléchante», témoigne un homme qui l’a longtemps approché dans l’ancien GPI, Groupe Parlementaire des Indépendants dont la présidence fut exercée longtemps par le Député Tryphon Kin-kiey Mulumba, et qui comptait en son sein un certain Alexis Thambwe Mwamba bientôt ministre des Affaires étrangères présenté par sur une liste où on retrouvait en tête Tryphon Kin-kiey Mulumba, présentée par Bahati Lukwebo au Premier ministre d’alors Adolphe Muzitu Fundji.

Et, un autre Athanase Matenda Kyelu, ministre des Finances présenté par... Bahati Lukwebo, le même au Premier ministre d’alors Antoine Gizenga Fundji, reconduit par Adolphe Muzitu Fumutshi, quand Bahati trônait à la questure sous Kamerhe.
«C’est à cette époque que Bahati tissa sa toile en consolidant ses arrières, sous un Kamerhe peu regardant sur la caisse tenue par un frère de sang», témoigne un autre.

Les relations entre les deux hommes n’ont jamais été franches.
«Dans un Kivu où on vous dit oui quand c’est non, les relations humaines n’ont été qu’ainsi», tempère un sociologue.
Quand le 25 mars 2009, Kamerhe remet sa démission, accusé de crime de lèse-majesté après des déclarations hostiles le 21 janvier 2009 sur des opérations militaires conjointes entre FARDC et l’armée rwandaise, Forces armées rwandaises dans le Nord-Kivu, et passe à l’opposition, ses relations avec Bahati demeuré pro-Kabila, restent floues.

IL S’ECRASE MAIS N’EN PENSE PAS MOINS.
Quand le G-7 se crée, il s’en trouve pour documenter, expliquer, affirmer qu’à l’origine, le groupe de ces sept personnalités (Charles Mwando Nsimba, Pierre Lumbi Okongo, Christophe Lutundula Pene Apala, Charles Kyungu wa Kumwanza, Olivier Kamitatu Etsu, José Endundo Bononge, Banza Maloba, puis, plus tard, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge) traitées par l’alors gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe qui rejoindra bientôt son G-7, était à 8. Le huitième c’est Bahati qui, au tout dernier moment, a quitté le navire, ayant trouvé son compte : une «petite récompense» en promotion passant au Gouvernement Matata, du ministère du Travail (l’avant dernier dans la hiérarchie) à celui à très bon goût de l’Économie nationale mais délesté des PME...

Pourquoi? En rage, Bahati se rappelle qu’il est le mal aimé, s’écrase mais n’en pense pas moins. Même si au ministère du Travail qui, devenu à son départ une Vice-Primature, Bahati trouve là une énième explication de maltraitance, il avait eu sous son escarcelle deux services convoités par des connaisseurs, INSS (depuis CNSS), INPP où il a tissé d’excellents rapports avec les deux administrations et pénètre les chancelleries notamment nippone qui, sur présentation de dossiers qu’il sait monter, apporte du financement pour la construction d’immeubles. Le génie a pu se frotter les mains... L’homme qui l’a remplacé, le PALU Willy Makiashi bombardé Vice-Premier ministre (4 ans, 7 mois et 6 jours à compter du 8 décembre 2014) assumant souvent l’intérim du Premier ministre, n’y a vu que du feu.

«Le week-end dernier, il n’y avait que ça! Ce pavé dans la mare. Le ministre du Plan avait-il choisi de s’en aller loin (très loin) de la Majorité Présidentielle? Lors d’une réception samedi 28 avril de ses nouveaux adhérents, Modeste Bahati Lukwebo déclare, rapportent des journaux en ligne : «Nous sommes dans la Majorité Présidentielle. Nous voulons que ça soit clair : «nous n’accepterons aucune décision qui sera prise sans nous par un groupe de gens au sein de la Majorité Présidentielle. L’AFDC doit être associée à toutes les décisions stratégiques de la MP. Au cas contraire, nous n’accepterons aucune décision qui sortirait de ces réunions».

Animateur d’un site en ligne, Stanys Bujatera Tshiamala poste un tweet peu après: «Bahati Lukwebo : «On doit veiller aux prochaines élections parce qu’il y a des gens qui préparent la tricherie».
Venu de la bouche d’un ministre... d’État (au Plan), l’alerte fait sérieux. Sauf démenti, les commentaires à qui mieux mieux vont s’emballer!» (lesoftonline 5/01/2018 12:02:00 am, édition papier n°1433, datée 30 avril 2018).

KABILA À MALIN MALIN ET DEMI.
Qui vraiment, au sein de l’ex-Majorité présidentielle, lui jetterait la première pierre? Cette Majorité, véritable caste d’hypocrites, chacun voulant placer et faire triompher son mot à l’Autorité Morale, installant des ministres ou autres hauts fonctionnaires dans diverses équipes gouvernementales et présentés comme membres de l’opposition alors qu’ils y vont en service commandé, reportent aux mentors et versent des prébendes, ces parts prélevées sur des revenus ou des contrats mirobolants revenant de droit au mentor pour sa subsistance et en compensation de la fonction octroyée.

Après Mobutu, Kabila a mis du temps à connaître son personnel politique mais y est parvenu à la fin de son règne.
Quand mercredi 8 août 2018, il désigne peu avant midi le Secrétaire général de son parti présidentiel PPRD Emmanuel Shadary Ramazani, candidat président de la République après qu’il eût tenté lui-même en vain de rempiler, jamais accompagné ni par sa cour qui conteste son expertise, ni par la communauté internationale cordialement hostile à la perspective d’un troisième mandat quand elle autorise dans la sous-région, le président place un piège devant ses caciques, chacun résolu à lu succéder.

Ce 8 août était la date limite de dépôt des candidatures pour tout Candidat Président de la République. Le scrutin était annoncé pour le 30 décembre. Le long chemin de croix mis en place par une Centrale électorale nationale... indépendante ou une administration fiscale briefée et en collusion avec le pouvoir était tel que si vous ne vous étiez pas pris à temps, il vous était impossible de conclure même si, au final, des candidats aiguillés ont pu être accompagnés. Ayant retiré le fameux «jeton de file», ils ont pu payer la caution ou se la sont fait payer en atteignant l’autre rive...

Or, la veille, 7 août, Kabila avait réuni tous ses cardinaux dans sa ferme à l’est de la Capitale, à Kingakati, et avait laissé chacun se convaincre qu’il était le dauphin choisi avant de demander qu’ils regagnent la maison en toute sécurité en laissant le téléphone ouvert. Le nom leur serait annoncé «d’ici la nuit...».
C’est finalement le lendemain peu avant midi que Kabila sort du chapeau le nom de Ramazani lui-même surpris, après que Matata (de la même province du Maniema comme Shadari) ait été rayé, honni, rejeté par ses co-régionnaires.

LEVER LE PIED ET C’EST TARD.
À malin malin et demi. Se sachant piégé, chacun des candidats dauphin avait pu apprêter son dossier, engagé des sommes colossales, mis en place matériel et équipes de campagne. Dans la matinée de ce 8 août, Bahati qui s’était laissé convaincre que ce serait lui, a déployé ses militants portant son drapeau rouge dans les environs du siège de la Centrale électorale. Qu’importe! Si ce n’est pas lui. De toutes façons, il rattrapera le temps perdu et arriverait à temps à déposer son dossier. Sauf que Nangaa - le même - aux ordres, savait qui il allait recevoir, avait calé ses rendez-vous. Une journée de travail n’a jamais été élastique. Elle n’a que 8 heures. Après, il faut lever le pied...

Bahati trop tard! Les événements vont s’accélérer à un tel rythme qu’il ne lui restait plus que de jeter l’éponge, accepter ce combat perdu, réaffirmer stratégiquement «son allégeance, sa fidélité, sa loyauté, etc., à l’Autorité Morale de la Majorité Présidentielle», les yeux rougis de larmes.
Jamais dupe, Kabila a fait fonctionner ses services qui ont documenté et l’ont informé. Le coup de maître a magistralement marché. En sanglots, les hommes sont revenus dans les rangs... Dans son salon, avec des proches, Kabila savoure une énième victoire. Mais Bahati, si bien traité par son ami Mobutu, n’a rien oublié.

Aux Législatives nationales du 30 décembre 2018, il a, à nouveau, mordu la poussière, trop mal inspiré en migrant de sa circonscription d’origine de Kabare - où il n’avait pas été élu en 2006 - pour la ville de Bukavu contestataire comme jamais et toujours aussi acquise à l’opposition portée cette fois par Kamerhe. Or, Bahati est le tout puissant ministre du Plan de Tshibala - donc de Kabila - avec lesquels la ville n’entend rien avoir de commun. En revanche, longtemps soupçonné d’être tout sauf kabiliste, tout logiquement, la Centrale électorale kabiliste jusqu’aux ongles, l’a logiquement sorti de la liste des élus.

Qu’importe! Cet homme qui pèse lourd (de nombreux immeubles dans plusieurs villes du pays, plusieurs dizaines de millions de $US), qui a toujours su retrouver sa place auprès des juges (en 2006, ce fut par la Cour suprême qu’il est venu à la Chambre basse), sait mettre en jeu sa fortune, cette fois pour la Chambre haute.
Bahati le savait : face à ATM, il s’agissait du combat de la vie. Il a juré...

Il visait le prestigieux fauteuil de cuir haut perché, succéder au géant Léon Kengo wa Dondo, l’homme qui battit tous les records en étant nommé trois fois Premier ministre de Mobutu. Le perchoir et rien d’autre, qui lui permettrait, en cas de vacance à la présidence de la République - hypothèse souvent avancée au PPRD - d’être Président de la République, d’incarner l’État congolais, même pour quelques semaines.

Bahati a oublié les calculs du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie sous couvert du Front Commun pour le Congo qui cherche du pur sang, du dur, capable de faire front aux calculs supposés de son soit-disant allié CACH. Le portrait robot a donc exclu Bahati de l’enjeu...

Mercredi 8 juillet 2019, lors d’une réunion du Saint des saints du FCC dans une salle du Kin Plaza Arjaan by Rotana, Bahati en sort fort contusionné. Sur le modèle consommé de l’ex-Majorité présidentielle, tous les chiens de garde particulièrement redoutables, des molosses enragés, ont été lâchés. Menaces, injures, vérités contenues, etc., tout passe publiquement. Ses frères du Sud-Kivu se cachent le visage, évitent tout contact visuel avec un reclus. Trop dangereux pour la suite des événements.

IL REVIENT AU GALOP...
Le président de l’Afdc-A a-t-il trop longtemps joué avec le feu? Kabila lui, a pris le temps de le maîtriser. L’ancien Président s’en prend violemment à ces proches qui l’avaient longtemps retenu quand la décision avait été prise de sortir ce bagnard du clan. Dans une déclaration publique non signée, un délai de 48 heures lui est donné de s’amender publiquement, en faisant un nouvel acte d’allégeance. Kabila à la manœuvre...

Le communiqué du 9 juillet de la Conférence des Présidents des Regroupements politiques membres du FCC, signe l’arrêt de mort de Bahati. «La Conférence des Présidents (décide) la suspension à durée indéterminée de l’honorable Bahati, responsable du regroupement AFDC/A du FCC; par conséquent, il est demandé aux cadres et élus du regroupement AFDC/A de présenter à la coordination du FCC un nouveau leadership devant représenter leur regroupement auprès des organes du FCC ; les chefs des regroupements réaffirment leur loyauté à l’autorité morale du FCC, l’honorable Sénateur Joseph Kabila Kabange et renouvellent leur attachement aux idéaux portés par le FCC».

C’est peu connaître ce Shi de Kabare qui n’attendait que ça. Bahati claque la porte de Kabila et de son FCC. «Je reprends mon autonomie. Merci pour la collaboration et pour tous les bons moments passés ensemble».
La guerre est repartie de plus belle avec la contre-attaque qui a réuni en trombe les états-majors dans un salle d’hôtel de Kinshasa, étole rouge liturgique de prêtre ou diacre catholique entre les épaules. Le communiqué lu par le ministre honoraire de l’Industrie, Rémy Musungayi Bampale, ne fait pas de quartier.

Avec la même forme, il dénonce le climat de haine, d’animosité et les règlements de comptes devenus un mode gestion au sein du FCC ; renouvelle sa confiance au Président et Autorité Morale du Regroupement Politique AFDC-A, l’Honorable Sénateur Modeste Bahati Lukwebo; fait observer que la déclaration faite en date du 5 juillet 2019 par un groupuscule d’élus et de non élus de «notre regroupement», ne peut engager l’AFDC-A; invite particulièrement les Députés Nationaux à examiner scrupuleusement les disposition pertinentes des articles 110 de la Constitution et 95 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale; met en garde tous ceux qui tentent de débaucher en son sein car ils n’auront ni légitimité ni légalité pour engager notre regroupement. L’AFDC-A reste une et indivisible».

Nul doute, avec cette guerre du perchoir, le pays a failli vivre un cataclysme.
Même si ATM a ces mots à la bouche : «Qu’importe les résultats ! Je veux me retrouver avec mon frère Bahati pour travailler comme sénateurs».

Puis : «Je ne suis pas saint mais les sénateurs vont découvrir une fois élu, la vraie personne d’Alexis».
«La vraie personne»? Chasser le naturel, il revient au galop. Lui, l’homme qui n’ouvrait jamais la bouche sans faire une bourde. Dans une vie passée, un jour, l’ancêtre du Soft International - Le Soft - écrit - in tempore no suspecto - que «si le mot arrogance n’existait pas, il porterait certainement celui d’Alexis Thambwe Mwamba».

ÇA SE DEGUSTE... SURGELE.
Comment être un homme public - politique en l’occurrence - et avoir l’injure, l’excès verbal aussi facile? L’excès?
ATM a la vérité facile. S’il appelle tout le monde «mon ami», s‘il vient à vous détester, il vous le dira cru. Voire, il vous le crachera. Si vous le prenez bien ou... mal, ça ne lui fera ni chaud ni froid !

Cet homme n’a jamais su comment et pourquoi présenter des excuses. Jusqu’au jour où, en mai 2020, au Sénat, il se retrouve dans les cordes, poussé par sa «collègue» Bijoux Goya Kitenge qui le stoppe net alors qu’il était bien engagé dans une avalanche d’insultes et de grossièretés...

La sénatrice avait initié une question orale adressée à son président de chambre en vue de savoir comment avait-il pu engager des millions de US$ pour réfectionner la grande salle de la plénière sans requérir l’autorisation légale de la plénière. Pour toute réponse, c’est des secrets d’Alcôve que sert, du haut de sa chaire, le président de la Chambre haute.
- Oui, elle m’a téléphoné plusieurs fois m’invitant chez elle pour manger et boire du Champagne et... candidate au poste de questeur, les responsables du FCC ont rejeté son nom, estimant qu’elle était trop légère pour avoir le profil de l’emploi... Mais elle me disait que c’était une opportunité pour qu’on se fasse du fric à deux. Mais, moi, du fric, j’en ai déjà assez pour moi-même et pour ma famille...

Si ATM s’est laissé arrêter, les dégâts - même collatéraux - sont incalculables. Pleurs et guerre totale à la Chambre haute. C’est le début de sa descente aux enfers.
En avril 2019, il ouvre le feu qui conduit à la guerre totale entre FCC et CACH. A la base, la crise de COVID-19 et les mesures de confinement du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo dont l’état d’urgence décrété le 24 mars. Dans un régime semi-présidentiel ou semi-parlementaire, l’état d’urgence répond à un protocole strict. En scène, le Parlement et la Cour constitutionnelle. Accusé de souvent violer la Constitution, le Président est soupçonné d’avoir outrepassé ses pouvoirs. Et, à la clé, la menace de destitution via le Congrès. Tout cela déclaré en haute et intelligible voix sur une radio privée commerciale.

La perspective d’un congrès réveille l’UDPS et des proches du Président. Président a.i du parti présidentiel, Jean Marc Kabund-A-Kabund réclame le droit de réplique, dénonce une sortie injustifiée de 7 millions de $US pour ce Congrès. Une motion de destitution est lancée contre lui. Humiliante...
La revanche de Kabund ramène aujourd’hui au perchoir le honni d’hier appuyé par 84 sénateurs majoritairement venus du FCC, passés à l’Union sacrée de la Nation et qui n’aura, dans une semaine, le 2 mars aucun contradicteur face à lui. Même modèle qu’à la Chambre basse où Christophe Mboso N’Kodia Pwanga passa comme une lettre à la poste.

Le ticket dévoilé du bureau définitif présente un homme du Grand Kivu à la présidence tandis-que la 1ère Vice-présidence va à un ressortissant du Grand Kasaï, le sénateur Samy Badibanga Ntita va du coup, rempiler à son poste. Au poste de 2ème Vice-président, des candidats de l’Equateur vont s’affronter dont Jean de Dieu Moleka Liambi, Valentin N’Vene Gerengbo, José Endundo Bononge tandis que la questure donnée à la Grande Orientale sera disputée entre Mme Mme Carole Agito et Jean Bakomito, le rapporteur et le rapporteur adjoint seront respectivement des originaires du Kongo Central (Nefertiti Gudianza Bayokisa Kisula) et du Grand Bandundu (la PALU Ida Kidima Nzumba).
Pour Fatshi, affaire bouclée. Fumée blanche...
ALUNGA MBUWA.


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