- lun, 04/04/2016 - 01:46
Si agents et cadres détroussent les petits épargnants ou vident des comptes, le poisson pourrit par la tête.
Personnage bling-bling s’il en ait un, maîtrisant l’anglais pour avoir séjourné en Angleterre et aux Etats-Unis du temps où son père 2ème Vice-président du Sénat (pour le compte du parti ARC) Mario-Philippe Losembe Batwanyele - connu aussi sous le nom de Mario Cardoso - fut ambassadeur de Mobutu, parlant plus vite qu’il ne réfléchit et toujours incapable de se rappeler ce qu’il a dit une seconde plus tôt, Michel Losembe - «Mike», comme l’appellent affectueusement ses proches - sera sans nul doute difficilement pleuré dans le milieu bancaire.
Très peu regretteront cet homme à la démarche rapide. Pas ceux qui l’ont croisé en affaires depuis qu’il fut trésorier «monnaies locales et devises étrangères» et en charge de placements - à Citibank Zaïre de 1988 à septembre 1990 - du temps des Kasongo Kandolo-Médard Mulangala Luakabwanga-Jean-Claude Masangu Mulongo en passant par une BCZ (Banque Centrale du Zaïre) ses différents gouv’ des années Mobutu: Pierre Pay Pay wa Syakhasighe, Nyembo Shabani, Ndiang Kabul, Patrice Djamboleka L’Oma Okitongono.
IL SE TIRE A CHAQUE FOIS D’AFFAIRE.
A la Citibank, ce bel immeuble de verre et d’acier de l’avenue Lukusa, des langues se délient et les témoignages affluent. L’homme avait su développer une caisse parallèle. Trésorier en partie pour lui-même... Très vite, il se hissa un empire financier et immobilier.
Dans le parking arrière du bel immeuble en acier et en verre de l’avenue Lukusa, à Kinshasa, des allées et venues de véhicules suspects étaient courantes et les tensions perceptibles entre l’un des Vice-Présidents et le trésorier...
Combien de fois ne risqua-t-il pas d’être éjecté soupçonné de moult indélicatesses? Combien de fois ne sauva-t-il pas miraculeusement sa tête grâce à une rarissime incontinence verbale?
«Il faut avoir un esprit qui court aussi vite que cet avion supersonique pour suivre son développement intellectuel», explique un diplomate occidental qui suit de la place financière congolaise. «En fait, il parle aussi vite qu’il écrase ses mégots de cigares à ce point que son entourage incapable de le comprendre, lui donne quitus ou l’écoute béatement», surenchérit un autre.
C’est ainsi que cet homme qui ne se rasa jamais le matin sans se voir dans son miroir gouverneur de la Banque Centrale, sut, à chaque fois, se tirer d’affaire en malaxant des bouts de phrases parfois incompréhensibles ou contradictoires. Qu’importe! Seule compte la grande impression qu’il laisse derrière lui...
C’est cette impression qui explique son éblouissante ascension. Au moment où il fait ses adieux au secteur bancaire, il trônait à la tête de la très distinguée ACB, Association congolaise des banques; il a été, à ce titre, admis au Conseil économique et social mais oublie, lors d’un discours devant des financiers auquel il associa son président Patrice Ezaty Meriko, de signaler la présence de ce chef de corps; et, last but not least, il est l’un des cinq vice-présidents du patronat congolais (FEC, Fédération des Entreprises du Congo) au titre de vice-président en charge des Finances... Fonctions qu’il va - effet collatéral oblige - perdre!
A en croire les féroces réseaux sociaux, Mike aurait assimilé «la bonne leçon» de l’ICHEC, l’Institut Catholique des Hautes Etudes Commerciale de Bruxelles d’où il est sorti en 1986 avec un BBA, Bachelor of Business Administration, Business Administration and Management, General. Il y a deux camarades de promo devenus des inséparables: Olivier Kamitatu Etsu et Jean-Pierre Bemba Gombo. Membre du G7, le premier s’est fait évincer avec fracas de la Majorité Présidentielle après avoir été deux fois ministre du Plan et président de l’Assemblée nationale au titre de l’ex-rébellion du MLC, Mouvement de libération du Congo d’où il fut déjà évincé par son ami, le chef du MLC Jean-Pierre Bemba.
Un des Vice-présidents du Régime de transition 1+4, celui-ci vient d’être reconnu par la Cour Pénale Internationale coupable - comme «Commandant hiérarchique» - de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité commis par ses soldats rebelles en Centrafrique après que ses ex-amis l’eurent accablé en témoignant...
Après un stage à la Citi, Jean-Pierre dirige les affaires de son père (café et compagnie Scibe Airlift). Il est accompagné de son camarade de l’ICHEC Olivier Kamitatu qui rédige le magazine de bord de la compagnie aérienne des Bemba. Michel Losembe opte pour la carrière bancaire à la filiale de Citigroup. Médard Mulangala Luakabwanga ayant tôt quitté la banque lui préférant la politique suivi plus tard par Masangu nommé gouverneur de la Banque Centrale du Congo à la prise du pouvoir par l’AFDL, la Citi n’a d’autres petites mains sur lesquelles compter que celles de Losembe qui attendait son heure. Le voici en juin 2002 DG de Citibank Congo qu’il quitte dix ans plus tard en décembre 2012.
Nul ne sait aujourd’hui pourquoi il quitte la direction d’une banque américaine - banque de référence mondiale - pour une banque d’actionnariat familial. Les banques communiquent peu sur des départs à ce niveau de responsabilité. Elles arrangent un gentelman agreement...
C’est l’époque où, à l’échelle mondiale, Citigroup fait face à des scandales. A Kinshasa, cette banque qui s’était fait miroiter le marché zaïrois, avec un Mobutu triomphant - c’est l’époque de projets pharaoniques américains notamment la ligne haute tension Inga-Shaba - a plongé et ne pèse pas plus de 5%. Mais comment fermer boutique et abandonner ce Congo et ses «fondamentaux»? Même si elle ne compte plus dans ses livres les comptes de l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique, ni ne brasse le milliard de dollars des organismes des Nations Unies - en tête la mission des Nations Unies, la plus forte au monde avec 20.000 hommes, des ONG internationales qui brassent des millions de dollars - la Citi qui a cessé d’avoir vocation de grandir dans l’ex-Zaïre, en tournant le dos à une banque commerciale au vrai sens strict du mot, peut continuer de servir de simple guichet de paiement à Kinshasa... à quelques ONG et organismes internationaux localement représentés. Voilà comment une gestion congolaise calamiteuse cessa de faire exister une banque planétaire qui, à sa venue, affichait de réelles ambitions d’expansion dans l’un des plus grands pays du Continent...
LE POISSON POURRIT PAR LA TETE.
Sa réputation de tueur de banque en mains, nul ne paie cher son arrivée, il y a un peu moins de trois ans en janvier 2013, à la tête de la BIAC en remplacement de Charles Sanlaville. Ancien de la défunte belge Belgolaise, ce Français - issu de la Chambre syndicale française des Banques populaires, du réseau BIAO (Mali, Côte d’Ivoire, Guinée Equatoriale, Centrafrique), ancien de l’ex-BCZ (aujourd’hui BCDC) - qui épouse une Africaine, est un «Africain blanc» grand vivant que louent nos musiciens. Patron incontesté de la BIAC pendant douze ans de 2000 à 2012 comme administrateur délégué et président du comité de gestion, il amorce sa retraite en avril 2012, ne présidant que le conseil d’administration, cédant la banque à Losembe.
Le résultat est sans appel: la troisième banque du pays a été désactivée. Président du Conseil d’administration, Charles Sanlaville admet, dans un communiqué, des «dysfonctionnements de management et de gestion». Lisez: des fautes de gestion...
Une banque qui en a l’expérience. Si agents et cadres détroussent les petits épargnants ou vident des comptes (il suffit de voir le train de vie des agents et cadres au-dessus de leurs salaires), le poisson pourrit par la tête. Dans l’affaire de la fibre optique dans laquelle la SCPT est mêlée, la BIAC accorde un crédit de USD 13 millions au projet de backbone mais voilà que le jour même, elle autorise le paiement cash sur base d’un permis de conduire d’une bagatelle somme de USD 3 millions!
Dans une affaire similaire qui empoisonne le consortium franco-américain Agilis-Entreprise Télécom, elle ouvre un sous compte Trésor et aide l’associé français Entreprise Télécom à siphonner USD 2 millions. Les opérations retour sont garanties…
Losembe met la main sur «d’importantes malversations et fraudes financières», il annonce des poursuites judiciaires mais s’abstient de communiquer les sommes dérobées et les coupables.
La communication est digne de son grand art. «Ces malversations qui ont eu lieu au sein de la banque, nous avons eu l’opportunité de les découvrir récemment.
Le montant précis, je ne peux le communiquer parce que nous sommes encore en train de travailler. Nous avons, comme vous pouvez vous l’imaginer, initié un certain nombre de procédures judiciaires contre les employés malhonnêtes qui s’étaient livrés à ces malversations».
De rassurer que le poids de la BIAC - près de USD demi-milliard de taille de bilan, près de 30 millions de dollars de capital - ne serait en aucune façon entamée. «Je pense que c’est de rassurer que de dire que nous avons trouvé des voleurs, que nous les avons arrêtés. Je crois que c’est ça qui était important dans la transparence et que le contraire aurait été malhonnête par rapport à nos clients, d’essayer de cacher cette information er d’espérer que les gens allaient passer au travers».
Face à l’ampleur de l’abîme financier, parier sur la survie de cette banque relève de la témérité. Petits et grands déposants n’ont qu’un réflexe, en ce début de semaine: retourner aux guichets mais n’auront que leurs yeux pour pleurer.
Un audit alarmant de la Banque Centrale estime que le sauvetage de la BIAC «passe nécessairement par une optimisation de son fonctionnement et une augmentation de son capital», selon un long communiqué de la BIAC, le deuxième en l’espace de 48 heures. D’où «l’importance de lui insuffler une nouvelle dynamique avec d’autres méthodes de management et de gestion». Un vrai désaveu de gestion.
Le communiqué de dévoiler l’origine de la descente aux enfers. «Jusqu’en février 2016, la BIAC disposait d’un refinancement plafonné à hauteur de CDF 40 milliards auprès de la Banque Centrale du Congo, prêteur en dernier ressort - et conformément aux dispositions réglementaires - pour compenser ce décalage entre cette forte contribution au financement de l’économie nationale en CDF et les dépôts de la BIAC, composés à hauteur de 77% en dollars. La brutale suspension de cette ligne de refinancement, fin février, a placé la banque en situation de tension de liquidités».
La banque se déclare «à l’entière disposition du Gouvernement afin de trouver une solution durable pour solliciter auprès de la Banque Centrale du Congo une ligne de refinancement, en tenant compte des garanties de l’État accordées sur certaines de ces dettes publiques».
Puis: «Cette mesure - sans impact sur le budget de l’État - assurerait à la BIAC un nouveau levier pour se refinancer auprès des autres banques de la place». Elle serait aussi de nature à «sécuriser l’épargne publique».
Après la Congolaise, la Fibank. Une seule recette: sécuriser l’épargne populaire en faisant débarquer des commissaires de la Banque Centrale. Le Gouvernement a beau vouloir sauver la banque, c’est aux Blattner propriétaires de renflouer la mastodonte, de vendre celle-ci ou d’en céder des parts. A qui et à combien? Seul le bistouri est d’usage! A la Congolaise, Roger Yaghi reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation, trouva la main plus lourde en appel qu’en Grande Instance. Condamné en octobre 2013 à 7 ans de servitude pénale principale et au paiement de USD 32 millions (mais aussi de USD 42 millions au titre de dommages et intérêts aux victimes épargnants), incarcéré au centre pénitencier de Makala, le Libanais - marié lui aussi à une Congolaise - trouva son salut de façon abracadabrantesque. Comme dans un film policier. Aidé par des complices haut placés et par ses geôliers, l’homme quitta le pays camouflé sur la pointe des pieds. Nuitamment. Un camouflet pour ses poursuivants.
Aucune commission rogatoire n’a, depuis, été chargée! Ainsi va la banque de chez nous! Les épargnants n’ont que leurs yeux pour pleurer.
ALUNGA MBUWA.