Les quatre grosses pointures du gratin présidentiel.
Ceux qui vont peser
  • sam, 28/01/2012 - 11:17

Légende: Les quatre grosses pointures du gratin présidentiel. De g. à dr., Évariste Boshab Mabudj-mia-Bilenge, Augustin Katumba Mwanke, Pierre Lumbi Okongo, Jean-Claude Masangu Mulongo. LE SOFT NUMÉRIQUE.

LE SOFT INTERNATIONAL N°1148 IIEME ÉD. DATÉ 27 JANVIER 2012.
Évariste Boshab Mabudj-mia-Bilenge, Augustin Katumba Mwanke, Pierre Lumbi Okongo, Jean-Claude Masangu Mulongo, l'élite présidentielle, les membres prééminents du gratin politique de la majorité qui ne se vouent pas toujours un amour cordial et qui, dans le passé, se sont souvent affrontés parfois durement. Au moment où Kabila engage son nouveau mandat et où il s'apprête constitutionnellement à désigner un formateur de l’équipe gouvernementale au lendemain des annonces de la Céni, cette crème paraît dressée et ordre de bataille. Enjeu: la confiance renouvelée et donc le contrôle du pouvoir d'État quand la légitimité extérieure apparaît désormais comme une donne essentielle.

Quatre gros calibres, forces et faiblesses Le Chef de l’État a regagné Kinshasa mercredi 25 janvier dans la soirée après un mois d’absence. Il s’est aussitôt mis au travail. Il pourrait très vite faire la synthèse entre ses hommes qui paraissent tous en ordre de bataille au moment où il engage son nouveau mandat et où il va constitutionnellement désigner un formateur de l’équipe gouvernementale au lendemain des annonces de la Céni.
Ils sont quatre à faire la course en tête. A l’arrivée, aucun d’eux ne souhaite être absent. Quatre hommes, aucune femme! Vive le genre!

Mais c’est l’Afrique. Il faut tourner avec ceux qui comptent et pèsent.

Ils sont quatre d’une manière ou d’une autre qui se sont mouillés la chemise, ont donné la preuve de leur loyauté et de leur fidélité au Président de la République. Il ne faudrait pas aller chercher loin... Il y a les principes républicains imparables.

Même si les deux scrutins étaient groupés, se sont déroulés les mêmes jours - les 28, 29 et 30 novembre 2011 -, la Présidentielle n’a posé aucun problème majeur. Il y a un Président de la République élu que le pays plein et entier reconnaît - Joseph Kabila Kabange. A ce jour, il n'y a eu aucun mouvement contre cela, c'est l'évidence!

Il y a un scrutin qui pose problème - celui des Législatives!

Il y a eu des «erreurs», des «irrégularités» à la Présidentielle mais rien qui pouvait modifier l’ordre d’arrivée. Aucune mission d’observation n’a rendu un rapport remettant en question cet ordre d’arrivée.

Par contre, que de problèmes aux Législatives! Que de preuves irréfutables de fraude massive qui affluent jour après jour... Le Chef de l’État ne saurait tolérer des casseroles aussi sales. Garant du bon fonctionnement des Institutions du pays, il a mission de crédibiliser le processus en se montrant inébranlable. Un mot en direction de la Cour suprême pour l'encourager dans ce sens serait le bienvenu...

Ces derniers jours, les tabloïds en sortent des scandales! C’est la fronde! En l’espèce, la Céni, la Commisison électorale nationale indépendante, est désemparée. Elle communique au mieux qu’elle peut. Que des couacs!

Il faudrait un procès mais un procès à charge et à décharge. Il faut dégager les responsabilités, la Céni ne saurait seule boire le calice jusqu’à la lie! La nouvelle Assemblée nationale devrait faire figurer la question sur son ordre du jour comme priorité absolue. Il faut moraliser la classe politique nationale. Il faut certainement revoir la loi. A l’est comme à l’ouest du pays, les scandales aux Législatives sont trop forts pour être passés au compte de pertes et profits. Ceci explique-t-il cela?

LES QUATRE MOUSQUETAIRES DU PRÉSIDENT.
En observant l’entourage présidentiel depuis ces scrutins de novembre, on sent des frémissements... Il s’agit imparablement de la montée en puissance de quatre hommes.

En ordre alphabétique, on cite le secrétaire général du parti présidentiel PPRD et président de l’Assemblée nationale sortante Évariste Boshab Mabudj-mia-Bilenge.

Il y a surtout l’homme fort du régime. Indiscutablement Augustin Katumba Mwanke, triomphalement réélu au Katanga, cette fois dans sa ville natale de Pweto.

Il y a Pierre Lumbi Okongo, naguère très puissant ministre d’État en charge des Infrastructures et de la Reconstruction aujourd’hui très influent conseiller spécial du Chef de l’État en charge de la sécurité. On lui doit l’amorce et la finalisation du fameux dossier chinois.

Il y a le gouverneur de la Banque Centrale du Congo Jean-Claude Masangu Mulongo.

L’origine tribale jouant un grand rôle en R-dC comme partout en Afrique et dans le monde, appelons un chat au chat! -, il faut resituer sociologiquement chacun des membres de cette élite politique présidentielle pour mieux en évaluer le poids réel aux côtés du Chef de l’État.

Si Boshab, 56 ans, vient du centre du pays, le Kasaï Occidental, Katumba vient du Katanga, du Katanga utile économiquement.

Si Lumbi vient du Maniema (874 mille électeurs enregistrés), l’autre province d’origine de Kabila qui s'est offerte en 2011 comme en 2006 à quasi 100% avec le Katanga, Masangu vient du Katanga (4,6 millions d'électeurs enregistrés), du Katanga utile démographiquement. Il vient du nord du Katanga. Mulubakat, il est membre de la grande tribu des Kabila.

Si le Katanga a donné 2,8 millions de voix au Président de la République au scrutin de novembre, le Chef de l’État a fait carton plein au nord Balubakat et Masangu - le «Kilolo», le DS, Délégué Spécial des Balubakat - y a joué un rôle clé pour avoir parcouru des semaines entières le Katanga en y établissant un hub quelque part dans le bush...

L’homme de tous les records à la tête de la Banque centrale - 15 ans - est un vrai poids lourd de la scène politique r-dcongolaise.

A voir toutes les silhouettes du pouvoir comme de l’opposition qui se glissent à la nuit tombée entre les deux battants du portail noir de sa villa du bord du fleuve dans le nouveau quartier de la Riviera qui abrite la jet set du pays, on mesure le rôle que joue dans le sérail cet homme d’importance à l’international qui a maîtrisé les rouages de la haute finance après 15 ans de longévité à la Banque centrale...

Il y a quelques jours, un journal en ligne d'opposition animée par la diaspora r-dcongolaise avait fuité les manœuvres qui ont cours dans l’entourage présidentiel. Information recoupée, cette nouvelle n’est pas sans fondement.

En réalité c’est encore la faute à la démocratie! A partir du moment où toute fonction publique en démocratie tient sa légitimité du suffrage populaire et que des personnages anonymes se sont retrouvés un jour à la manœuvre aux plus hautes fonctions de l’État du fait de la légitimité populaire, le pays entier s’est lancé dans la quête de la légitimité. Voilà pourquoi 500 sièges à la Chambre basse ont jeté dans la rue 19.000 candidats...

D’où viennent ces candidats? Une poignée sont des indépendants qui s’essaient et souvent s'écrasent sauf exception! La majorité viennent des partis politiques.

Il en pleuvait les partis politiques... Pas moins de 500 jusqu’à la veille des élections et il continue d’en pleuvoir...

Il ne faut pas un dessin pour imaginer l’objectif poursuivi par ces manœuvres. Ce n’est pas pour apporter sa préférence ou sa différence au débat de société. On sait l’absence criante d’idéologie qui a marqué étrangement nos scrutins! Ce n’est pas la simple satisfaction d’y participer...

C’est clairement le côté mercantiliste du pouvoir - ces cadeaux que permettent les jours de campagne - et... le miracle de se retrouver lors d’une nuit historique - comme celle d’hier - cité par la Céni parmi les 500 élus du peuple! Du bonheur absolu...

L'HISTOIRE DU PALU SE CONJUGUE DÉSORMAIS AU PASSÉ.
Pour les chefs de partis, la satisfaction est autre: celle d’avoir des élus. Un élu c’est un galon pour un président de parti surtout si ce président de parti appartient à la majorité présidentielle. C'est la possibilité, l’heure des consultations avec l’informateur ou le formateur ayant sonné, d’arracher un maroquin. Car la course aux voix - au trophée de meilleur élu - c’est la course aux portefeuilles ministériels... et au bouquet: le poste de Chef de Gouvernement qui fait se déchirer le microcosme politique.

Pour ceux qui le connaissent, Katumba ne boude pas son plaisir d’évoluer dans l’ombre. L’efficacité y est garantie. Jamais jusqu’à preuve du contraire, cet homme n’accepterait un poste qui l’exposerait. Ce qui le fascine c’est de servir son Boss. Le Boss c’est le Chef de l’État. Ce n’est pas néanmoins ce qui l’empêche de pousser ses hommes. Bien au contraire. Lesquels?

Les trois qui apparaissent le mieux sont d'abord le président Boshab qui se trouve être secrétaire général du parti présidentiel PPRD. En pole position, ce professeur de droit public et spécialiste en justice constitutionnelle de l’université belge de Louvain, a été conçu pour occuper un jour le poste de Premier ministre. Mais l’histoire retiendra le revers électoral du Chef de l’État chez lui. Le président Boshab a beau avoir fait un Bercy personnel à Mweka, Kasaï Occidental (2,6 millions d'électeurs enregistrés), peu oublieront la grande humiliation!

L’autre homme est le Vice-premier ministre Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’Sefu, 50 ans. Homme discret ayant évolué dans l’ombre de différentes personnalités jusqu’au plus pestiferé du régime - le désormais UNC Vital Kamerhe Lwa-Kanyiginyi -, cet autre professeur d’Université (Science po) originaire de Kabinda, Kasaï Oriental (2,6 millions d'électeurs enregistrés), blanchi sous le harnais des graphiques et des statistiques, qui a fait la plus fulgurante carrière de la législature, a contre lui la jeunesse et le poids d’un pays introuvable, 80 fois la Belgique, 400 tribus. Outre le fiasco électoral présidentiel dans la province... C’est là qu’un homme d’authentique expérience pourrait être la solution...

Ce même problème que pose le Député de 47 ans Aubin Minaku Ndjalandjoku. Ce détenteur d’une licence en droit international de l’Université de Kinshasa, assistant en droit constitutionnel public offre l’avantage d’être originaire - de par l’un de ses parents - du Bandundu (3,5 millions d'électeurs enregistrés), la province fière de ses près de deux millions de voix apportées au triomphe de Kabila (1,4 million de voix dans le Mayumbu et 200.000 voix dans sa diaspora kinoise). Cela pèse, l'heure de la décision ayant sonné...

Malheureusement, le secrétaire général de la Majorité présidentielle doit faire face à un débat qui a lieu à Idiofa, Kwilu, son fief électoral où des membres de la majorité tel l’ancien secrétaire exécutif adjoint, le Pende Christian Kambinga font part des réclamations post-électorales qui ne manquent pas de pertinence.

C’est cette même tragédie que vit le Parti lumumbiste unifié Palu qui se fond comme neige au soleil et a perdu toute possibilité de former dans la prochaine Assemblée un groupe parlementaire propre et, pire, se déchire entre pro-Muzitu (l'actuel Premier ministre accusé de tous les péchés Pende) et pro-Mayobo (le très écouté secrétaire général du parti du patriarche Antoine Gizenga)!

Le Palu s’apprête à conjuguer son histoire au passé. S’il faut ajouter le chaos de Gungu, fief naturel du parti du patriarche, le mot débâcle n’est pas exagéré. Comment, en dépit de moyens financiers pharaoniques que lui a procuré l’exercice du pouvoir pendant toute la législature où il a occupé sans discontinuer la Primature, le Palu n’a su s’ouvrir et fédérer et devenir enfin ce grand parti de l'Ouest que tous rêvaient?

L’IMMOBILISME EST LE PIEGE A ÉVITER.
C’est vers d’autres fils de la province - d’authentiques ténors politiques qui n’ont jamais levé le pied dans la province et ont sans désemparer semé le grain de la victoire présidentielle - qu’il faut désormais se tourner... L’immobilisme est le piège le plus fort qu’il faut aujourd’hui et demain éviter.

Dans son discours d’investiture le 20 décembre, le président de la République avait fait état d’ouverture. Ouverture est le maître mot du nouveau mandat de Joseph Kabila revenu mercredi soir dans la Capitale après avoir pris de la hauteur un mois durant et s’être éloigné du tintamarre. Selon des analystes, le Chef de l’État avait opté pour cette posture afin de se mettre hors de portée de tous ces collaborateurs à la morale peu évidente tentés de le perturber sur des fausses questions d’arbitrage. Il voulait laisser la Commission électorale nationale indépendante libre de conduire ses travaux et libre de ses annonces. Quitte à l’évaluer après coup...

Boshab, Katumba, Lumbi, Masangu: ce sont les membres prééminents du gratin politique présidentiel qui ne se vouent pas toujours un amour cordial et qui, dans le passé, se sont souvent affrontés parfois durement.

Si les deux premiers ont toujours marché la main dans la main, ils se passeraient volontiers des deux derniers qui paraissent avoir compris leur sort et se seraient rapprochés très fortement ces dernières semaines en développant des synergies et en fédérant le plus possible autour d’eux.

Au moment où le Président de la République s'apprête à lancer dans les faits son nouveau mandat en désignant un formateur, faut-il en conclure que les deux camps soient déjà en ordre de bataille? Enjeu: la confiance renouvelée du Boss et le pouvoir d'État au moment où la légitimité extérieure apparaît comme une donne essentielle, il y a peu qui doutent...

T. MATOTU.

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