A Kingakati, la fête gâchée par la disparition du patriarche Gizenga
  • lun, 25/02/2019 - 14:54

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Alors que les siens sont restés désormais une poignée - départ de Mama Thérèse Pakasa décédée, départ de Mme Laure Kawanda, départ de Adoplhe Muzitu, départ du neveu Wolf Kimasa, départ de Florentin Kage, etc. - Antoine Gizenga Funji s’est éteint dimanche 24 février au matin à 94 ans après de nombreuses fausses alertes dans le passé.

Dimanche 24 février, on a cru à une énième fausse alerte. Si la radio TopCongo donné la nouvelle, elle a aussitôt démenti sa propre information sur la foi des déclarations du fils Gizenga, Lugi, présent à Kingakati, banlieue est de la Capitale, à la fête du FCC, le Front Commun du Congo. «Il n’est pas mort. Il a été admis aux soins intensifs en réanimation. La crise a été sérieuse vers 7 heures du matin Il a été transféré au CMK». Pourtant, le coordonnateur de la plate-forme kabiliste Néhémie Mwilanya Wilonja, a confirmé la nouvelle au public. «Gizenga Antoine est mort il y a quelques minutes», a-t-il annoncé en plein Parc de la N’Sele où 342 députés (ou 330, selon les sources) dont 116 mosaïque PPRD et 17 étiquetés Parti Lumumbiste Unifié, étaient réunis et présentés, comme signe d’allégeance, à l’Autorité Morale du Regroupement, Joseph Kabila Kabange. Outre cela, le FCC revendique le nombre de 836 députés provinciaux, selon son coordonnateur mais ce chiffre fait débat. Le nombre total de députés provinciaux ne dépasse pas 780 Députés, selon certains calculs.
La mort de Gizenga a glacé une ambiance déjà délétère sur le parc au lendemain de l’annonce des sanctions américaines frappant deux dirigeants de la Centrale électorale, le secrétaire général de l’ex-majorité présidentielle et le premier président de la Cour constitutionnelle accusés par Washington de s’être enrichis par la corruption électorale et interdits d’entrée sur le territoire américain ainsi que leurs familles qui y vivent.
Ci-après, extraits d’un article du «Soft International» publié au lendemain de la démission, le 25 septembre 2008, réclamée de Gizenga comme Premier ministre, poste qu’il avait occupé deux ans de 2006 à 2008 après un accord surprise signé avec le président Joseph Kabila pour le deuxième tour de la Présidentielle de 2006.

IL S’EN VA.
Menacé par diverses motions d’interpellation ou de censure des Députés - même de sa propre majorité - furieux de ne pas voir venir un début d’amélioration des conditions sociales de la population, confronté à la crise dans les Kivu, le Premier ministre Antoine Gizenga Fundji a remis jeudi 25 septembre 2008 dans la matinée sa lettre de démission au Président de la République Joseph Kabila Kabange alors que son parti PALU (Parti Lumumbiste Unifié) invoquait dans la soirée en direct sur le plateau de la télévision publique Rtnc un accord pré-électoral pour annoncer qu’il proposera dans les prochaines heures le nom du successeur du Premier ministre. (...) Dans un message de huit pages, fort en émotion, qui aurait pu tenir sur un feuillet, Antoine Gizenga Fundji a tiré sa révérence. Chaque page disposait d’un paragraphe ou de deux et donc de deux phrases ou de deux afin qu’aucun mot n’échappe au Vétéran. Antoine Gizenga Fundji est donc parti après avoir prononcé chacun des mots, dans une diction inattendue apprise chez les Pères blancs, malgré l’âge qu’il porte.
Il est parti dans la paix, la sérénité, la courtoisie qui marque un homme immense que l’Histoire en majuscules retiendra qu’il aura été l’un des rares au monde qui, à plus de 83 ans, est revenu aux Affaires après en avoir été chassé par des «forces hostiles à notre Nation» - comme il le dit lui-même -, près d’un demi siècle auparavant. Cela n’a été possible que grâce à un mythe qui n’a pas eu une ride - pas une seule -, qu’il ait été en prison ou en exil, qu’il ait été pourchassé ou pas par les Mobutistes. Grâce à un Peuple - son peuple du Kwilu - qui lui est resté parfaitement collé malgré abandons et trahisons qui n’ont pas manqué en chemin, en premier, de ses propres frères.
Au plan lexicologique, ce discours est un parfait modèle de modestie (son appel par le Président de la République, il le qualifie d’«élévation (qui) a été un grand honneur pour ma modeste personne», dit-il), de conviction lumumbiste (ce Lumumbiste éternel a exercé «les fonctions de Vice-Premier Ministre du Gouvernement dirigé par l’Immortel Patrice Emery Lumumba»).
Un homme d’une infinie politesse. «Grâce à vous (le Peuple), par vos suffrages et par la volonté du Président de la République, Chef de l’Etat, je suis revenu, 45 ans après, dans la gestion des affaires nationales au poste de Premier Ministre, Chef du Gouvernement de la République».
Un homme qui n’a pas oublié pourquoi il a opté pour le ticket Kabila. «Ce retour fut essentiellement dicté par notre volonté de travailler avec le Président de la République pour empêcher la fracture Est-Ouest de notre pays». Mais aussi et bien entendu «pour promouvoir la paix, renforcer l’unité nationale et instaurer la bonne gouvernance dans un élan de redressement politique économique et social de la Nation».
Antoine Gizenga Fundji n’oublie pas que «la tâche est immense car le fossé de la régression, dans lequel était tombé notre pays, est très profond». Mais il ne désespère pas: «On peut aujourd’hui affirmer que le pays commence à reprendre le bon cap et à connaître une vraie dynamique de redressement et de refondation. Il faut tenir bon et avancer avec détermination».
Il aurait pu - aurait dû – faire plus et mieux pour son pays. Mais «pour tout homme, même si l’esprit peut encore être sain et alerte, le corps physique a ses limites dont il convient de tenir compte».
Un texte d’une parfaite beauté et qui se termine comme Gizenga est né et a vécu: «La lutte continue et le Peuple vaincra!» C’est le slogan de son parti PALU qui s’interroge aujourd’hui sur ses jours à venir. Qui vont assurément être difficiles à gérer. Avec l’effacement de son Chef, le Palu doit entamer sa mue. Gizenga est parti. Pas avant d’avoir terminé comme suit son «Message au peuple Congolais»: «Vive la Patrie, Vive le Peuple congolais souverain et uni, Vive la Démocratie». Vive Gizenga!
Faisons l’analyse lexicologique ou lexicographique du message de Gizenga.
1. «Cette élévation a été un grand honneur pour ma modeste personne ».
2. «J’ai déposé la lettre y afférente ce jour à 10 heures. Nous aurons la réponse du Président de la République lorsqu’il Lui plaira de nous la faire savoir».
3. «Avant de terminer, je voudrais exprimer toute ma gratitude à Son Excellence Monsieur le Président de la République pour la confiance qu’il a bien voulu placer en ma personne».
4. «Je remercie aussi, le Parlement pour la courtoisie qu’il m’a témoignée sans cesse».
5. «Je suis également reconnaissant envers le pouvoir judiciaire de notre pays pour l’estime qu’il m’a porté, notamment par la visite de courtoisie que m’a rendue le Premier Président de la Cour Suprême de Justice».
6. «Je dis infiniment merci à vous tous, Congolaises et Congolais, qui m’avez entouré de tant de compréhension et d’affection traduite par la gentille appellation de «Patriarche».
7. «Enfin, je formule les vœux les meilleurs de progrès et de succès à toutes les Institutions de notre pays et je réitère ma profonde conviction que, dans la paix, l’unité, la concorde nationale, le travail, la justice et la bonne gouvernance, le Congo, notre cher pays, ne pourra aller que de l’avant et construire toute sa grandeur». Quotation: Gizenga est un modèle consommé de paix et de courtoisie. L’Amp lui doit respect et reconnaissance. Elle a bien fait de ne pas avoir cherché à humilier cet homme en le traînant devant une Chambre basse en fronde, à raison.
Le Soft International, 26 septembre 2008.


Related Posts