- mer, 19/02/2020 - 09:16
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1482|MERCREDI 19 FEVRIER 2020.
L’UDPS fait montre d’une capacité de mobilisation populaire qui ne lui a jamais fait défaut.
Le team à la manœuvre à l’UDPS depuis l’élection en janvier 2019 de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à la magistrature suprême du pays et son arrivée au Palais de la Nation le 24 janvier, à savoir, Jean-Marc Kabund A Kabund, Président a.i. et Augustin Kabuya Tshilumba, Secrétaire général, n’avait-il pas vu trop grand en décidant de célébrer dans le Grand Stade de Kinshasa les 38 ans du parti et l’An-1 de l’accession au pouvoir du fils de l’UDPS, ?
Le Stade des Martyrs de la Pentecôte ou le Stade des Martyrs connu sous Mobutu au nom de Stade de Kamanyola, avait-il jamais été défié à ce jour par un parti politique autre que celui du «Lider Maximo», l’opposant historique anti-Mobutu, anti-Kabila père et fils, lui-même à la tête?
Tshisekedi revenait d’un long périple en Occident, en Europe, aux Etats-Unis et, avant de regagner le Congo, a fait escale en Afrique du Sud, pays économiquement et diplomatiquement incontournable. Puis, s’est arrêté à Lubumbashi, dans l’ex-Katanga. A son atterrissage à N’Djili, il fut escorté et porté en triomphe, de l’aéroport au stade des Martyrs, huit heures durant. Un long fleuve noir de ses partisans marchant venu grossir les rangs de ceux qui l’attendaient au stade plusieurs heures durant.
Certes, un parti politique, celui de Léon Kengo wa Dondo s’y était essayé avant de couler droit, n’occupant qu’une portion congrue de l’énorme temple congolais de foot. Au fait, jamais l’ancien président du Sénat n’aurait osé se mesurer à ce mammouth de Mobutu bâti par les Chinois le 14 octobre 1993, ouvert le 14 septembre 1994 et dont la capacité maximale installée est de 80.000 places assises. Opposant, c’est l’ancienne majorité présidentielle qui souffla à l’oreille de l’alors gouverneur PPRD, André Kimbuta Yango, d’humilier cet homme fort du régime Mobutu en l’orientant vers ce monstre des stades.
Kengo voulait tellement se mesurer à la politique, lui qui n’avait jamais battu campagne avant aucune fois, qu’il avait pris le risque d’annoncer la tenue d’un meeting dans la Capitale. Mais où?
L’UFC DANS UN FUNERARIUM.
Plutôt qu’un espace plus acceptable parce qu’exigu dont il ne ferait, «avec ses frères Bangala trop chaleureux» , qu’une petite bouchée, l’ex-majorité présidentielle fit dire à Kimbuta de faire à Kengo une drôle de passe en expliquant que sur tous les sites disponibles dans la ville, seul un lieu était libre à cette date-là : le Stade des Martyrs de la Pentecôte...
Piégé, Kengo qui venait de créer une Union des Forces du Changement, UFC, en sigle, bientôt contestée par deux hommes, Gonda Ngulele et Jean-Léon Ngbendo, avait le dos au mur. Rejeter cette offre du Patron de la ville pourrait signifier renvoyer aux calendes grecques une sortie officielle annoncée et, du coup, se livrer à l’opprobre publique. Dimanche 24 juillet 2011, «l’homme de la Rigueur» voulut relever le défi en se rendant dans un stade rempli tel un funérarium, par un petit monde de famille sans que cela ne lui enlève de la bouche ces mots répétés à l’avance : «Je veux remercier les milliers de sympathisants qui ont, par leur déplacement, démenti les rumeurs selon lesquelles l’UFC n’était pas capable de remplir le stade des Martyrs». Puis : «Nous avons démontré la force mobilisatrice de notre tout nouveau parti politique».
A la tribune, l’ultime dernier carré d’amis du triple Premier ministre de Mobutu, tous, représentants très observateurs des partis politiques : UNC, CDC, UREC, PARICO, RCD, RDP, URR, DC, PDSC, MIR.
Présentée, à juste titre, comme «le parti aîné», l’UDPS se souvenait bien de ce Kengo de Mobutu précédé au micro par son Secrétaire en charge de la mobilisation, le professeur Michel Bongongo Ikoli Ndombo. L’orateur partageait les mêmes éléments de langage que son mentor. La stratégie de l’UFC: «le bouche à oreille; le bannissement de tintamarre et de médiatisation».
S’adressait-il à l’UDPS, ce parti créé en 1982 par treize parlementaires anti-Mobutu dont un, en vie, était, samedi 15 février 2020, présent au stade et qui, sous «le Sphinx», remplit, sans coup férir, les 80.000 places installées quand dehors, une immense foule de Parlements Debout n’avait pu trouver une place assise?
Ce fut mardi 9 août 2011.
Arrivé à l’aéroport le matin à 9.00’, Etienne Tshisekedi wa Mulumba accompagné par une foule à pied, banderoles au vent, chants de gloire à la bouche, ne sut atteindre le Grand Stade, sur un parcours d’une vingtaine de kilomètres, qu’à 15 heures.
Là, peu avant la tombée de la nuit, il prit soin d’effectué deux tours de triomphe d’un stade bondé de part en part, débordé de ses partisans agglutinés mais armés de patience.
Ce jour-là, celui qui était connu pour son parler extrême, surprit par un discours de conciliation et de rassemblement.
En Lingala, la langue de Kinshasa, il a ces mots : «Le Congo de demain doit être un Etat de droit pour la jeunesse. L’amour doit être le socle de développement du Congo de demain. Nous devons aimer notre pays et nous aimer entre nous; nous devons bannir la haine».
Puis : «Notre mot d’ordre doit être l’amour sans lequel nous ne pouvons reconstruire notre pays». «Nous prendrons le pouvoir après les élections de 2011. Le gouvernement ne sera pas le seul aux commandes mais il collaborera avec la population afin qu’ensemble ils dressent le bilan». D’énumérer le mal congolais : vol, corruption, querelles intestines, cupidité, vices qui freinent depuis longtemps le décollage du pays». Sur son périple à l’étranger: «Ne craignez rien de mon voyage. J’ai eu des entretiens avec des décideurs internationaux, et je leur ai demandé de ne pas répéter les erreurs qu’ils ont commises lors des scrutins de 2006. D’ailleurs, ils enverront des observateurs pour attester si les élections étaient libres, transparentes et démocratiques».
Selon cet homme qui n’avait jamais sous Mobutu comme Kabila Père, misé sur un adoubement de l’extérieur, «tous ces décideurs internationaux sont, cette fois-ci, d’accord pour le changement au Congo».
Cinq ans plus tard, en 2016, après ce meeting au Stade des Martyrs, le Sphinx voulut en remettre une couche. Ce fut au lendemain de la grande réunion de rassemblement de Genval, dans la banlieue de Bruxelles, qui donna naissance au mouvement de Rassemblement des forces anti-Kabila, tracté par l’ancien gouverneur du Katanga Möise Katumbi Chapwe et, qu’à Kinshasa, dans les travées de la Majorité présidentielle, on dit que cette initiative historique avait l’appui des Libéraux francophones belges si elle ne leur revenait pas et, en tête, celui de leur ténor, le Vice-premier ministre belge Didier Reynders dont les rapports avec Kinshasa se compliquaient jour après jour.
Est-ce pour cela que Tshisekedi trouve porte close en arrivant au Stade des Martyrs?
Il n’empêche ! Le Sphinx avait pire. Il doit se contenter du terrain face au Stade dit Esplanade des Martyrs.
Ce jour-là, dimanche 31 juillet 2016, c’est comme cinq ans auparavant, mardi 9 août 2011.
Des dizaines de milliers de ses partisans étaient descendus dans la rue pour constituer son cortège jusqu’au stade. Mais, cette fois, la police traitée par le pouvoir, avait vu autrement : empêcher un triomphe avant le triomphe impossible... Elle l’invita, sous bonne garde, à bord de l’un de ses véhicules, courut jusqu’à son domicile de Limete, avenue Pétunias, avant de l’accompagner, toujours sous bonne garde, au lieu du meeting.
A la tribune érigée hors du stade, sur ce terrain dit Esplanade des Martyrs, avaient pris place tous les représentants des partis et organisations membres du Rassemblement, UDPS, G7, Dynamique de l’opposition, Alternance pour la République, G14 voire le mouvement citoyen La Lucha.
Tshisekedi bouleversa le protocole. Méfiant, loin des amabilités, il n’accepta de donner la parole à personne. Lui qui venait de passer deux ans hors du pays, avait mis en route la machine politique et électorale anti-Kabila, parut furieux. La Présidentielle pointait à l’horizon. Avait-il décidé de ne se faire dribbler aucune autre fois par un prétendu compagnon ou était-il en colère pour s’être vu empêcher le Grand Stade? Tshikas sortait le grand discours et brandissait un «préavis» à Kabila et à sa majorité.
Ce discours avait-il été convenu à la commune de Genval au rassemblement surprenant de ténors de l’opposition jamais connu dans le pays quand à Kinshasa, Kabila officiait un énième dialogue de la Cité de l’UA sous le marqueur moqué de la Commission de l’Union Africaine par l’un de ses représentants, l’ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo qui fit par ailleurs Secrétaire général de cette organisation continentale et auquel participaient des opposants dont certains allaient, à l’arrivée, être floués?
Un préavis qui rappelait «le troisième penalty» de Moïse Katumbi prononcé en 2015 à Lubumbashi lors de sa rupture avec Kabila, faisant état de son refus d’accorder un «troisième penalty» à une équipe de football reconnue comme le groupe politique aux affaires.
Tshisekedi qui déclarait que le deuxième et dernier mandat constitutionnel de Kabila venait à terme le 20 décembre 2016. Soit dans exactement trois mois.
«Le corps électoral doit être convoqué le 19 septembre pour la présidentielle. Et si ce n’est pas fait, ce sera un cas de haute trahison dont vous peuple, savez à qui incombe la responsabilité, à celui-là que vous connaissez vous-mêmes. Dès cet instant, nous commencerons le décompte de son préavis de trois mois comme locataire du Palais présidentiel et qui prendra fin le 19 décembre 2016».
QUAND LE DUO GAGNE SON PARI FOU.
«Par le passé, nous avons accepté des ingérences étrangères dans nos problèmes internes. Cette fois, les Congolaises et les Congolais devront apprendre à se prendre en charge. Nous donnerons un signal pour vous inviter à vous mettre debout puisque la présidence de la République ne respecte pas la Constitution». Ajoutant: «le 20 décembre (dans quatre mois, ndlr), à la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel, il doit faire ses bagages. La maison doit être libre».
Deux jours plutôt, vendredi 29 juillet, la majorité avait voulu montrer ses dents par une démonstration de force témoignant son soutien à son chef Kabila.
Sans oser prendre le chemin du Grand Stade, elle s’arrêtait en chemin, dans un lieu modeste, désaffecté, le Stade Tata Raphaël de la Kethule, l’ancien Stade Roi Baudouin datant de 1952, connu aussi sous le nom de Stade du 20 mai. Si une trentaine de partis politiques de la majorité firent le plein de ses 50.000 places, ce n’est guère les Martyrs et cela ne fut possible qu’à coup d’argent et de réquisition de matériel roulant dont des bus de transport en commun de la société d’Etat Transco.
Le dimanche 31 juillet 2016, à l’Esplanade des Martyrs, ce fut un long fleuve noir semblable à un tsunami.
Des milliers de jeunes répétaient en chœur qu’eux n’avaient pas été payés pour être là. Contrairement à ceux du mini Stade Tata Raphaël de la Kethule...
D’autres décrivaient comment ils avaient dû faire le pied depuis des quartiers populaires, jusqu’au lieu du meeting, faute de bus que la majorité avait fait clouer dans leurs entrepôts afin d’empêcher une marée humaine attendue. Peine perdue...
Quelques mots d’abord hésitants, puis «le Sphinx de Limete» retrouve sa verve; jouant avec le public; disant, à propos de son retour au pays, que certaines radios en avaient conclu qu’il n’y avait plus besoin d’élection, que c’était déjà un plébiscite; demandant une minute de silence pour les morts et les malades de l’Est, guère respectée tant l’excitation était pleine.
Puis des mots particulièrement durs pour le facilitateur de l’Union africaine, le Togolais Edem Kodjo, qualifié de «traître» et de «grand kabiliste». Récusé.
Cinq ans après ce meeting de dimanche 31 juillet 2016 à la Place de l’Esplanade des Martyrs d’après Genval, neuf ans après celui du mardi 9 août 2011 au Stade des Martyrs, le team Kabund-Kabuya a sans doute voulu samedi 15 février 2020 rééditer ces exploits passés.
Ces «héros», comme le Haut Représentant et Conseiller Spécial du Président de la République Yesu Kitenge, appelle désormais ce duo pour avoir réussi le grand pari de remplir le Stade des Martyrs de la Pentecôte, a, en effet, fait des annonces qui rappellent les années héroïques de l’UDPS, s’inscrire dans la lignée de ses Pères fondateurs faisant valoir l’«histoire exceptionnelle» de ce parti, œuvre des treize parlementaires entrés en rébellion contre Mobutu. L’une de ces annonces phare est que l’UDPS restera «au pouvoir éternellement» mais cela se fera «conformément à la vocation de tout parti politique qui cherche à conserver son pouvoir le plus longtemps possible». Basta donc à l’accord de transfert de candidature en faveur de Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi, signé à Nairobi .
L’autre : l’appel à la démission «de toute personne impliquée dans des soupçons sur le déroulement des travaux d’infrastructures du Président de la République dits des 100 jours».
Puis, fait état de la visite «improvisée» des sites des sauts-de-mouton, qui sent «un scandale qui révolte la conscience congolaise». «Le constat est d’autant plus qu’amer que la désolation fait froid au dos. Tout porte à croire qu’il s’est réellement passé quelque chose d’anormal», déclare le président a.i de l’UDPS. Qui rappelle à qui l’aurait oublié «l’histoire exceptionnel» de l’UDPS. Ceux qui sont «frappés d’amnésie font souvent preuve de manque de considération à l’égard de notre parti parce que nous ne valorisons pas assez notre parcours exceptionnel, parce que nous dormons souvent sur nos lauriers. Il fut un temps où, dans ce pays, personne ne pouvait lever son doigt pour braver la dictature. À cette époque, seule l’UDPS a fait la résistance.
«Nous sommes les descendants des treize parlementaires. Fils spirituels, nous avons hérité d’un passé héroïque. Famille politique, nous avons une histoire glorieuse qui mérite que chacun de nous en fasse la promotion». Puis : «Même si des brebis galeuses ne manquent nulle part, à l’UDPS, nous partageons des valeurs et un état d’esprit qui nous protègent de toute tentative de déstabilisation externe. Ceux d’entre nous qui ont joué aux petits malins en acceptant l’argent de la trahison pour torpiller nos efforts, ont pratiquement tous fini dans la poubelle de l’histoire du parti. C’est ça le côté mystique de l’UDPS».
ALUNGA MBUWA;