- lun, 13/11/2023 - 09:08
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1597|lundi 13 NOVEMbre 2023.
La France est focus sur le départ des troupes de la Monusco du Congo, a rassuré vendredi 10 novembre, à Kinshasa, un diplomate français reçu par le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
« La France, qui souhaite que ce désengagement soit une réussite, travaille en tant que plume du projet de résolution qui sera examiné au Conseil de sécurité de l’ONU en décembre prochain », a déclaré le chef de la délégation française, Christophe Bigot qui est Directeur Afrique et Océan indien au ministère français des Affaires étrangères. Ce diplomate a précisé que la rencontre avec le Chef de l’État congolais a porté sur l’aide au développement, le départ de la Monusco et l’insécurité à l’Est. Selon lui, le président Emmanuel Macron est très engagé sur le sujet, «pour faire en sorte que la violence retombe et que la souveraineté de la RDC soit pleinement exercée à l’intérieur du pays». Sur l’aide au développement, il a eu ces mots : « nous avons évoqué l’effort considérable qui est mené à bien ici par l’Agence Française de Développement pour développer des projets dans les secteurs de l’eau, l’agriculture, la santé et l’enseignement supérieur, avec une attention particulière à la jeunesse ».
Il y a deux semaines, le Président de la République avait reçu en audience dans la Capitale une délégation des parlementaires français conduits par le leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, arrivé le 24 octobre, à Kinshasa. Jean-Luc Mélenchon avait fait part de sa démarche parlementaire visant à pousser le gouvernement Macron à condamner et à infliger des sanctions au Rwanda, pour son soutien au M23.
S'il connaît une mauvaise passe en France, le leader de la France Insoumise qui était à sa deuxième sur le continent en moins d’un mois, après le Maroc, avait placé ce déplacement sous le signe du soutien aux autorités congolaises face aux « visées expansionnistes » du Rwanda. « Les Européens, qui ont souvent l’habitude de donner des conseils aux autres, doivent faire preuve d’humilité devant un monde aussi neuf en dynamisme, tandis que nous, la vieille Europe, sommes un peu plus lents à comprendre », avait déclaré l’«insoumis» à son arrivée sur le sol congolais. Pas de conseils, donc, mais quelques certitudes, que Jean-Luc Mélenchon a répétées sous les marbres blanc et rose de la salle des banquets de l’Assemblée nationale, aussi chaleureuse qu’un hall de gare.
Il s’y était exprimé en fin d’après-midi devant une vingtaine de députés triés sur le volet, membres du bureau de l’Assemblée ou présidents de commissions parlementaires. « L’Afrique n’est pas inscrite dans le futur de l’humanité, elle est le futur, vous êtes le futur », avait-il clamé en appuyant sa démonstration sur la jeunesse de la population et la force du nombre. S'il n’avait pas critiqué nommément le président de la République française, Emmanuel Macron, comme le veut l’usage pour une personnalité politique française à l’étranger, mais c’est bien à lui que Jean-Luc Mélenchon avait fait référence quand il a répété ne pas vouloir «donner des conseils». Lors de son passage à Kinshasa, le 4 mars, dans le cadre d’une tournée en Afrique centrale, Emmanuel Macron avait froissé son auditoire sur un sujet explosif : la responsabilité du Rwanda dans la permanence de la crise dans l’est du Congo depuis trente ans.
Alors que le groupe d’experts des Nations unies dénonçait en 2022 l’implication de l’armée rwandaise sur le sol congolais, le président français avait suggéré au président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, présent à ses côtés lors de la conférence de presse médiatisée, de se remettre en question.
MÉLENCHON
SORT «LES MOTS QUI FÂCHENT».
« Depuis 1994 (date du génocide des Tutsis au Rwanda, qui allait ensuite déstabiliser toute la RDC et l’est du pays en particulier, ndlr), vous n’avez pas été capables de restaurer la souveraineté (de votre pays). Il ne faut pas chercher des responsabilités à l’extérieur», avait-il déclaré. Évitant de nommer le Rwanda, redevenu un allié français dans la région, Macron avait invité Kinshasa à faire en sorte que les responsables congolais d’atrocités soient traduits devant la justice.
Rien de tel avec le coprésident de l’Institut La Boétie (un think tank affilié à La France Insoumise), alors que les violences dans l’est du Congo connaissent un nouveau pic d’intensité ces derniers jours. «J’ai voulu réaffirmer la fraternité qui est la nôtre à l’égard du peuple congolais, dans un moment où nous savons qu’il rencontre une difficulté qui est totalement importée et dans laquelle il n’a aucune responsabilité, puisque pour sa part, il a respecté tous les engagements de cessez-le-feu », a dit Jean-Luc Mélenchon au sortir d’une heure d’entretien avec le président Tshisekedi.
Peu auparavant, en effet, le média congolais Radio Okapi avait fait état de « tirs à l’arme lourde » aux environs de Goma, la capitale du Nord-Kivu, par les Forces armées de RDC (FARDC) sur les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), soutenus par Kigali.
Jean-Luc Mélenchon a remporté un certain succès auprès des députés en leur rappelant que les élus de La France insoumise (LFI) sont depuis juillet «signataires d’une proposition (de résolution) devant le Parlement français qui condamne les intrusions et les exactions faites par le Rwanda sur le territoire du Congo».
Le leader de la gauche française a dénoncé « la reprise des activités militaires d’agression au moment où la RDC organise ses élections ». Des scrutins présidentiel, régionaux et législatifs doivent se tenir le 20 décembre. « J’attends que la condamnation de la France, par la résolution que présentent mes collègues, fasse ressaisir le Rwanda. Le plus grand pays francophone du monde (la RDC, forte de 100 millions d’habitants) aspire à la paix et à organiser ses élections comme il l’entend », a-t-il dit. Selon Jean-Luc Mélenchon, le Rwanda a clairement affiché son intention de déranger la tenue de ces élections. « On voit bien que c’est une volonté délibérée de perturber le mécanisme du fonctionnement de la démocratie, et ce n’est qu’une manière de prolonger la remise en cause de sa souveraineté, parce que la souveraineté d’une nation s’exprime par les élections». Un développement qui fait dire à un diplomate européen qu’« il est sur la même ligne que le président congolais ». « C’est sûr, ça change de Macron », lâche un député présent également lors du dernier voyage présidentiel.
Jean-Luc Mélenchon avait eu l’occasion de répéter ces propos lors d'un échange avec des étudiants de l’Université de Kinshasa, Unikin, à l’invitation de laquelle il avait effectué ce déplacement. Il y a présenté son dernier livre, Faites mieux ! Vers la Révolution citoyenne.
« Mais sans ingérence dans la politique congolaise », avait-il affirmé. Une partie de sa délégation, composée notamment de trois députés LFI - Carlos Martens Bilongo (originaire du Congo), Nadège Abomangoli (originaire du Congo-Brazzaville) et Arnaud Le Gall (membre de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale) - s'était rendue à Goma.
avec AGENCES.