La microfinance est non fiable au Congo
  • lun, 01/06/2015 - 04:24

Un jugement sans appel:
l’analyse des données du secteur de la microfinance au Congo fait ressortir une prédominance maintenue des institutions mutualistes de petite taille, un intérêt croissant des capitaux étrangers dans la catégorie non mutualiste. Si la Banque Centrale du Congo note une amélioration auprès de certaines institutions, le secteur reste encore caractérisé par l’insuffisance d’une main d’œuvre qualifiée, la mauvaise gouvernance, la fiabilité incertaine des états financiers, le portefeuille de crédit de mauvaise qualité ainsi que la carence des prestataires de services techniques tels que les cabinets d’audit et de formation dans la majeure partie du pays.

Loi n° 002/2002 du 02 février 2002 portant dispositions applicables aux Coopératives d’Epargne et de Crédit. Elle fixe le cadre institutionnel propre aux Coopératives d’Epargne et de Crédit, et est destinée à sauvegarder les spécificités inhérentes à leur modalité d’organisation et de fonctionnement. Les Coopératives constituent ainsi des groupements de personnes dotés d’une personnalité juridique et fondés sur les principes de l’unité, de solidarité et d’entraide mutuelle. La mission qui leur est dévolue: l’assistance aux membres en leur facilitant l’accès aux services financiers.

Loi n° 003/2002 du 02 février 2002 relative
à l’activité etau contrôle des Etablissements
de Crédit. Usuellement appelée «Loi Bancaire», cette Loi définit un cadre unique couvrant l’ensemble des activités du secteur financier à partir de leur fonction économique qui est la réalisation des opérations bancaires.
Ces opérations sont reparties en 3 catégories, à savoir:
◗ la réception des fonds du public;
◗ les opérations de crédit et
◗ les opérations de paiement et la gestion des moyens de paiement.
Les personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle les opérations de Banque sont regroupées sous l’expression d’Etablissement de Crédit. Dans ce contexte, la Loi classifie les Etablissements de Crédit en cinq catégories auxquelles s’appliquent des dispositions réglementaires spécifiques.
Il s’agit des entreprises ci-après:
◗ les banques;
◗ les coopératives d’épargne et de crédit;
◗ les caisses d’épargne;
◗ les institutions financières spécialisées;
◗ les sociétés financières.
Loi 005/2002 du 07 mai 2002 relative à la constitution, à l’organisation et au fonctionnement de la Banque Centrale du Congo.
Cette Loi précise les organes de la Banque Centrale ainsi que leurs pouvoirs respectifs.
Elle fixe, en outre, les missions assignées à cette Institution de Droit Public et lui consacre une indépendance dans la réalisation de celles-ci. Dans ce contexte, le législateur reconnait à l’Institut d’Emission le pouvoir d’élaborer la réglementation et de contrôler les Etablissements de Crédit, les Institutions de Micro Finance et les Autres Intermédiaires Financiers. Il importe de préciser qu’à travers cette Loi, les missions dévolues à la Banque Centrale du Congo mettent un accent particulier sur les principes bancaires susceptibles de favoriser l’intégration du pays dans les communautés économiques régionales et internationales.
Loi n°ll/020 du 15 septembre 2011, promulguée le 25 février 2013, fixant les règles relatives à l’activité de la microfinance en République Démocratique du Congo. Elle régit l’activité de la microfinance en République Démocratique du Congo. La microfinance y est définie comme étant une offre à titre habituel de services financiers incluant des personnes n’ayant pas accès au système bancaire classique.
Elle présente une particularité au regard de la nature juridique, du capital minimum et des opérations autorisées. La Loi distingue deux catégories d’Institutions de Micro Finance, à savoir:
(i) les entreprises de micro-crédit et
(ii) les Sociétés de Micro Finance.

Textes réglementaires.
L’Instruction n° 002 du 14 avril 2012 relative aux normes prudentielles des Coopératives d’Epargne et de Crédit ainsi que des Institutions de Micro Finance.
Les normes prudentielles de gestion sont des règles minimales, coulées sous forme des ratios dits « ratios prudentiels» en vue de garantir une gestion saine et prudente des Institutions du Système Financier Décentralisé.
Il s’agit de la fixation d’un certain nombre des contraintes aux institutions financières dans le but d’assurer notamment leur solvabilité, leur liquidité et l’équilibre de leur structure financière.

L’Instruction n° 003 du 14 avril 2012 aux Coopératives d’Epargne et de Crédit ainsi qu’aux Institutions de Micro Finance relative à la classification et au provisionnement des crédits. Les créances sont classifiées en crédits sains et litigieux. Les crédits sains sont ceux qui n’ont aucune échéance en retard de paiement. Par contre, les crédits litigieux sont ceux dont le recouvrement ne peut se réaliser conformément aux conditions contractuelles initiales du fait de la défaillance certaine des bénéficiaires et ce, même assortis de garanties. Cette Instruction fait obligation à toute institution de constituer mensuellement des provisions pour créances litigieuses de la manière suivante:
◗ 1 à 30 jours de retard : 5 % du capital restant dû ;
◗ 31 à 60 jours de retard : 25 % du capital restant dû ;
◗ 61 à 90 jours de retard : 50 % du capital restant dû ;
◗ 91 à 180 jours de retard: 75 % du capital restant dû ;
◗ plus de 180 jours : 100 % du capital restant dû.

L’Instruction n° 004 du 14 avril 2012 aux Coopératives d’Epargne et de Crédit et aux Institutions de Micro Finance relative aux indicateurs de performance. Les indicateurs de performance sont des critères financiers et sociaux qui permettent d’évaluer le niveau de performance et de risque d’une institution. Ces indicateurs de performance sont regroupés en quatre catégories suivantes:
◗ qualité du portefeuille des crédits;
◗ efficacité et productivité;
◗ rentabilité et pérennité;
◗ gestion du bilan.
L’Instruction n° 005 du 14 avril 2012 aux Coopératives d’Epargne et de Crédit et aux Institutions de Micro Finance relative au financement des immobilisations. Elle recommande ce qui suit:
◗ les immobilisations doivent être couvertes par les fonds propres prudentiels;
◗ le ratio est calculé en faisant le rapport entre les fonds propres prudentiels et les immobilisations retenues.
Les immobilisations retenues sont obtenues par la déduction des immobilisations nettes des participant» et créances subordonnées dans les autres Etablissements de Crédit ou institutions financières ainsi que des immobilisations incorporelles;
◗ les valeurs des immobilisations ne peuvent pas excéder 50 % des fonds propres prudentiels aussi bien pour les Institutions de Micro Finance que pour les Coopératives d’Epargne et de Crédit.

L’Instruction n° 006 du 14 avril 2012 aux Coopératives d’Epargnes et de Crédit et aux Institutions de Micro Finance relative à l’utilisation du Plan Comptable des Coopératives d’Epargne et de Crédit et des Institutions de Micro Finance. Ce Plan Comptable découle du processus de normalisation comptable en République Démocratique du Congo édictant les principes spécifiques au secteur de la micro finance. La présente Instruction rend obligatoire l’utilisation du référentiel comptable spécifique aux Institutions du Système Financier Décentralisé dans l’élaboration des situations comptables et donne la possibilité d’intégrer un sous compte pour toute opération dont la nomenclature n’est pas reprise dans un sous compte prévu dans le PCCI.
L’Instruction n° 007 du 14 avril 2012 aux Coopératives d’Epargne et de Crédit et aux Institutions de Micro Finance relative à la gouvernance. Elle établit les bonnes pratiques en matière de gouvernement d’entreprise au sein des Coopératives d’Epargne et de Crédit et des Institutions de Micro Finance, en imposant notamment la mise en place des mesures, des règles, des organes délibérant, de gestion et de contrôle qui permettent le bon fonctionnement et garantissent la pérennité d’une institution.
Elle a pour but de fournir l’orientation stratégique, de s’assurer que les objectifs sont atteints et gérés convenablement et que les ressources sont utilisées à bon escient et de manière responsable.
L’Instruction n° 008 du 14 avril 2012 relative à l’organisation du contrôle interne des Coopératives d’Epargne et de Crédit et des Institutions de Micro Finance. Ce texte fait obligation à toute institution de mettre en place un dispositif de contrôle interne adéquat permettant la bonne maîtrise des risques inhérents à ses activités et le respect des politiques et procédures.
Dans ce cadre, l’institution établit les dispositions permettant d’assurer la protection et la sauvegarde du patrimoine, la qualité de l’information et l’amélioration des performances.

L’Instruction n° 009 du 14 avril 2012 aux Coopératives d’Epargne et de Crédit et aux Institutions de Micro Finance relative à la transmission des situations périodiques.
Conformément à cette Instruction, les institutions de microfinance sont tenues de transmettre périodiquement à la BCC, sur support électronique, suivant le format FinA:
◗ mensuellement, les états financiers;
◗ annuellement, les états financiers certifiés, les états annexes à la situation comptable, le rapport de contrôle interne, le mémorandum de gouvernance, le plan d’affaires triennal actualisé, le plan de continuité des activités et le procès-verbal de l’Assemblée Générale.
L’Instruction n° 0010 du 10 janvier 2013 relative à la fixation du capital minimum des Institutions de Micro Finance. Elle fixe le nouveau capital minimum pour les Institutions de Micro Finance. Elle fait obligation aux Institutions de Micro Finance de disposer à tout moment d’un capital minimum équivalent en CDF de USD:
◗ 100.000 pour les Entreprises de Micro Crédit;
◗ 350.000 pour les Sociétés de Micro Finance.
Ce capital sera porté à partir du 1er janvier 2017 à l’équivalent en CDF de USD:
◗ 250.000 pour les Entreprises de Micro Crédit; - 700.000 pour les Sociétés de Micro Finance.
L’Instruction n° 0011 du 18 janvier 2013 relative au fonctionnement d’une faîtière. Elle précise la mission, les règles de gestion et de fonctionnement, les modalités de surveillance ainsi que la divulgation financière de la faitière.
Elle précise les rapports que les faitières doivent produire. L’Instruction s’applique aux Coopératives Centrales d’Épargne et de Crédit ainsi qu’aux Fédérations des Coopératives Centrales d’Épargne et de Crédit exerçant leurs activités sur le territoire ddu Congo.

Plan comptable. Le secteur de la microfinance est doté d’un référentiel comptable spécifique dénommé «Plan Comptable des Coopératives d’Epargne et de Crédit et des Institutions de Micro Finance», PCCI en sigle. Mis en place par la BCC avec le concours du Conseil Permanent de la Comptabilité au Congo, en sigle CPCC, et quelques Institutions du Système Financier Décentralisé, ce document trouve son inspiration des Directives du CGAP et des Normes Comptables Universellement reconnues concernant les principes généraux et les règles relatives à la présentation des états financiers contenus dans la Loi Comptable en vigueur au Congo. Le PCCI présente les principales caractéristiques suivantes: intégration des innovations intervenues en matière de mobilisation de l’épargne et de distribution des crédits; ouverture des comptes selon la nature des opérations financières; distinction entre les opérations financières et non financières; utilisation des attribut ou des critères d’identification compte tenu du volume et de la diversité des besoins d’informations à satisfaire; usage des besoins de tous les utilisateurs; distinction entre les états périodiques réglementaires destinés à la BCC et les états financiers annuels;énumération des comptes qui répond aux particularités et à la logique ci-après:la classification des comptes de bilan et hors bilan selon l’octroi de microcrédits en tant que critère essentiel à l’activité financière, l’origine des épargnes et des dépôts ou la nature de la contrepartie et la liquidité des fonds concernés; la classification des comptes de résultat selon la correspondance avec le découpage des comptes du bilan, les agents économiques et la nature de la charge ou du produit. Toutes les institutions de microfinance doivent tenir leur comptabilité et présenter l’information financière conformément audit plan comptable et ce, en monnaie nationale.

LE SECTEUR.
Le secteur de la microfinance au Congo est passé du stade de promotion à celui de consolidation. Il est procédé depuis 2011 à un assainissement du secteur au travers de l’intensification des missions de contrôle aussi bien sur pièces que sur place. Ces missions ont abouti, d’une part, à la fermeture de certaines institutions aux équilibres fondamentaux rompus et n’affichant aucune perspective de redressement et, d’autre part, au suivi rigoureux de l’exécution des plans de redressement, à l’accompagnement d’autres et au renforcement des conditions d’accès à la profession. Cette consolidation a entrainé la baisse du nombre d’institutions agréées et l’amélioration des performances de certaines institutions. La vision de la BCC est de maintenir des institutions fortes, professionnelles, pérennes et viables à même de contribuer à l’atteinte de l’objectif de réduction de la pauvreté à travers l’offre des produits financiers de qualité, de proximité et adaptés aux besoins de la population.
L’analyse des données du secteur a ressorti une prédominance maintenue des institutions mutualistes de petite taille sur les Institutions de Micro Finance et un intérêt croissant des capitaux étrangers dans la catégorie non mutualiste. Bien qu’on ait noté une amélioration auprès de certaines institutions, le secteur reste encore caractérisé par l’insuffisance d’une main d’œuvre qualifiée, la mauvaise gouvernance, la fiabilité incertaine des états financiers, le portefeuille de crédit de mauvaise qualité ainsi que la carence des prestataires de services techniques tels que les cabinets d’audit et de formation dans la majeure partie du pays.

Evolution. Le nombre des structures financières de proximité agréées s’est chiffré à 142 au 31 décembre 2013 contre 149 une année plus tôt, soit une régression de 4,7 %. La contraction a été constatée uniquement dans la Province du Nord Kivu et la Ville Province de Kinshasa.

Cependant, les Provinces de Kinshasa, du Nord Kivu et du Sud Kivu sont demeurées les trois pôles à forte concentration d’institutions. L’évolution par catégorie d’institutions a indiqué une part importante des institutions mutualistes sur celles non mutualistes. En effet, la part des Coopératives d’Epargne et de Crédit a connu un léger recul par rapport à la situation de 2012, se situant à 83,8 % de l’ensemble des ISFD agréées contre 84,6 % une année plus tôt.
Quant aux Institutions de Micro Finance, elles ont détenu 16,2 % en 2013 contre 15,4 % une année auparavant.
La réduction du nombre d’institutions mutualistes est expliquée par la liquidation de certaines institutions aux équilibres fondamentaux rompus des Provinces de Kinshasa et du Sud Kivu.
S’agissant particulièrement de la Province du Nord Kivu, le nombre d’institutions à fin décembre 2013 est expliqué par la dissolution forcée de 7 COOPEC couplée à l’agrément d’une ISFD. En outre, parmi les trois institutions radiées dans la Ville Province de Kinshasa, l’une a fait l’objet d’absorption par une autre au sein du même réseau. Par ailleurs, l’examen de la répartition des ISFD par catégorie et par province a renseigné la prédominance des institutions mutualistes dans les trois provinces à forte concentration d’ISFD. La Ville Province de Kinshasa est demeurée la principale zone d’attraction des institutions non mutualistes en raison notamment de bonnes infrastructures et de sa position politico-administrative.
En conséquence, elle a détenu 52,2 % d’Institutions de Micro Finance agréées suivie de la Province du Sud Kivu avec 13,0 %. En ce qui concerne la catégorisation des IMF, les Entreprises de Micro Crédit sont restées dominantes avec 17 institutions contre 6 Sociétés de Micro Finance. Cette situation est expliquée notamment par le niveau du capital minimum exigé et l’obligation, avant l’entrée en vigueur de l’OHADA en septembre 2012, de présenter le Décret Présidentiel octroyant la forme juridique de Société Anonyme pour la collecte de l’épargne. Pour ce qui est des agréments, il a été observé une baisse drastique expliquée par le renforcement des dispositions réglementaires. Le nombre d’institutions agréées par la BCC est passé de 20 en 2012 pour s’établir à 4 au courant de l’année sous revue, soit une régression de 80,0 %. Quatre institutions du Système Financier Décentralisé ont été autorisées à fonctionner au courant de l’année 2013. Il s’agit d’une institution mutualiste à Kinshasa, une autre à Goma dans le Nord Kivu et enfin une à Bukavu dans le Sud Kivu, en sus de l’IMF. En ce qui concerne la répartition des institutions mutualistes par catégorie, il est renseigné l‘existence des 117 COOPEC et 2 COOCEC ou faîtières.
S’agissant des faîtières, la Mutuelle d’Epargne et de Crédit au Congo, en sigle «MECRECO», dont le siège est à Kinshasa, a disposé de 19 institutions reparties dans six Provinces du pays à savoir le Bas-Congo, Kinshasa, le Maniema, le Nord Kivu, le Sud Kivu et la Province Orientale.
Cette faîtière a été amputée d’un membre à la suite de son absorption par une autre COOPEC du même réseau. Quant à la COOPEC KIVU localisée à Bukavu dans le Sud Kivu, le nombre de ses membres affiliés a été réduit de 25,0 %, s’établissant à 9 institutions contre 12 toutes localisées dans la Province du Sud Kivu. En ce qui concerne le réseau d’exploitation des ISFD, il est composé de 47 agences en 2013 contre 36 une année plus tôt, soit une augmentation de 30,6%. Cette hausse est expliquée principalement par l’expansion du réseau d’exploitation d’une IMF du Sud-Kivu qui a obtenu l’agrément de 8 agences au cours de l’exercice sous revue.

Evolution des éléments de portée.
Nombre des comptes ouverts par les ISFD
A la clôture de l’année 2013, le nombre des comptes ouverts auprès des institutions de microfinance a augmenté de 39,9 %, passant de 1.052.069 comptes à 1.471.464, en dépit de la liquidation de certaines d’entre elles. Cet accroissement est consécutif principalement à l’ouverture de nouvelles agences par les grandes structures, l’agrément de nouvelles institutions, l’introduction des agents bancaires qui permettent de rapprocher les clients aux services financiers proposés par une institution, la mise en place et le dynamisme du programme dédié aux jeunes exclus du système financier dénommé «Youth Start» et la bonne performance de certaines ISFD. En outre, le programme de l’éducation financière à travers notamment la célébration de la troisième édition de la Journée Internationale de l’Epargne dans six provinces du pays a permis de contribuer également à cette embellie. Les Provinces du Nord Kivu, Sud Kivu et Kinshasa ont détenu 88,2 % du total des comptes ouverts contre 87,4 % en 2012.
Cette évolution est expliquée par la bonne culture financière, le dynamisme de la population de ces parties du pays et l’élargissement du réseau d’exploitation par une institution non mutualiste agréée au courant de l’année sous revue. Sur la partie Est du pays confrontée à l’insécurité et à la dissolution de certaines institutions, il a été observé une augmentation du nombre des comptes ouverts justifiée notamment par l’agrément.


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