US$ 10 milliards de budget 2020 est-ce atteignable?
  • ven, 13/12/2019 - 06:26

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1475|VENDREDI 13 DECEMBRE 2019.

Alors que la fin de l’année est à un jet de pierre, le débat fait rage sur les recettes et les dépenses de l’Etat pour 2020. Après avoir été retoqué pour une première version du projet de budget de US$ 7 milliards, le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba a pu faire adouber par l’Assemblée nationale un second projet plus volontariste de US$ 10 milliards qui correspond à l’ambition affichée du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, de doter le Congo des capacités financières en vue de son développement. En attendant ce que vont en dire les deux Chambres parlementaires d’ici dimanche 15 septembre, date de clôture de la présente session et qui examinent ce projet, des réactions en nombre font état, même sans en prononcer le mot, d’«utopie budgétaire».
La DGDA (douanes et accises) ne serait pas en mesure de réaliser les assignations attendues par le gouvernement Ilunkamba. «Il faudrait pour cela atteindre 11 millions de tonnes d’importations qui pourraient produire CDF 17.060 milliards. Or, la moyenne annuelle ne dépasse jamais 4,2 millions quoiqu’on parle de coulage de recettes», soupire un responsable de la DGDA. Côté DGI (impôts), «beaucoup d’entreprises minières ont fait des avances au Trésor. Il ne faut plus rien en attendre. Entre-temps, le prix du cobalt qui promettait un avenir reluisant pour le marché suite au boom des voitures électriques, a atteint son pic en avril 2018 (près de US$ 100.000,00/tonne), est en chute libre, avoisinant aujourd’hui les US$ 30.000,00/tonne. Des géants miniers commencent à s’inquiéter pour leurs investissements. Tant qu’il y aura pas de nouveaux investissements, il ne faut pas se mettre à rêver», explique un autre.
Côté Fonds Monétaire International, l’institution a donné de la voix. Si le gouvernement réclame un budget de CDF 16,9 milliards (US$ 10,2 milliards), cela suppose une augmentation de 63% de revenus en 2020 par rapport à 2019. Or, le FMI prévoit des revenus réels ne dépassant pas cette année US$ 5,5 milliards, dons compris, et devraient atteindre environ US$ 6,32 milliards l’année prochaine. «Il est très rare qu’un pays puisse augmenter ses revenus de 50 à 60% d’une année sur l’autre», déclare, très diplomate, à Kinshasa, le représentant résident du FMI, Philippe Egoume. «Nous pensons qu’il existe un certain nombre de mesures pour augmenter les revenus qui pourraient générer 1 à 2% du PIB, donc entre US$ 500 millions et US$ 1 milliard. Ce sera peut-être plus si des réformes plus importantes sont faites. Mais US$ 5 milliards, c’est beaucoup», poursuit-il.
Si le FMI s’attend à ce que l’économie du Congo croisse de 4,5% cette année, la croissance ralentira à 3,2% en 2020, en raison principalement de la fermeture de la mine de cuivre et de cobalt Mutanda du géant anglo-suisse Glencore. Ce plus grand site minier de cuivre et de cobalt au monde, qui sera mis à l’entretien pendant deux ans, a fourni plus de US$ 626 millions de revenus au gouvernement en 2018, selon Glencore.

DEPENSES EXIGIBLES CONTRE DES RECETTES IMPROBABLES.
Selon le FMI, l’extraction des ressources naturelles fournit généralement environ un tiers des recettes publiques et 95% des recettes d’exportation du Congo, principalement du cuivre et du cobalt. À la mi-décembre, le conseil d’administration du FMI envisagera une injection de crédit d’environ 370 millions de dollars pour augmenter les réserves du Congo, qui ont diminué d’environ la moitié depuis la fin de 2018 et n’équivalent désormais qu’à environ une semaine d’importations, a déclaré Egoume. D’où la question, fallait-il inscrire des dépenses exigibles contre des recettes improbables? Est-ce toutes ces perspectives qui empêchent le ministre des Finances PPRD José Sele Yalaghuli de «bloquer» les autorisations de paiement nécessaires au bouclage du «programme d’urgence des cent jours»?
Au Conseil des ministres du 29 novembre, le Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo l’a vertement tancé mais le ministre explique qu’entre fin janvier, date de l’investiture du Chef de l’Etat et la passation de pouvoirs au ministère des Finances début juillet, US$ 600 millions «au moins» de dépenses ont été ordonnés par le bureau du Chef de l’Etat «sans soubassement», sans avoir suivi la «chaîne de dépenses», absence d’appel d’offres, passation de marchés de gré à gré au-delà du montant autorisé, etc. Plus grave, le PPRD José Sele Yalaghuli soupçonne «l’absence de véritables contre-parties en termes de fourniture de biens ou de services, ainsi que des opérations de surfacturation porteuses de rétro-commissions». Les dépenses incriminées couvrent en partie celles prévues pour le financement du «programme d’urgence des cent jours» (une centaine de millions de dollars au total), ainsi que de celles engagées par la présidence pour assurer son fonctionnement entre fin janvier et juin 2019 (frais de personnels, de mission, de voyages, etc.). Le ministre ne souhaitant pas engager sa propre responsabilité pénale en ordonnant le décaissement de ces dépenses - qu’il considère douteuses - auprès du Trésor. Il a fallu attendre l’intervention directe de l’ex-chef de l’Etat Joseph Kabila Kabila qui a autorisé le ministre des Finances, membre du PPRD, d’accepter de s’exécuter. Reste que selon plusieurs sources au ministère des Finances et à la Banque centrale du Congo, au rythme actuel, le montant de demandes de dépenses douteuses chiffrées fin juin à US$ 600 millions, s’élèverait d’ici la fin de l’année à plus de US$ 1 milliard.
Last but not least, afin que nul n’en ignore rien, le gouvernement a apporté son appui plein et entier à son ministre de Finances. A la réunion de conjoncture économique du 10 décembre présidée par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, une équipe restreinte a examiné «la situation actuelle de l’évolution des principaux indicateurs économiques dans les secteurs réels, publics, monétaires et extérieurs du pays», et rappelé que le gouvernement «reste attentif au cadre macro-économique». Message bien reçu au FMI.
D. DADEI.


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