- mar, 26/04/2022 - 13:25
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1551|LUNDI 25 AVRIL 2022.
Dans la ville de Kinshasa, l'abbé avait une multitude d'enfants. Tous des enfants biologiques nés de ses multiples relations. Un dimanche d'août de l'année dernière, l'abbé Aimé Lusambu, curé de la paroisse Saint François de Sales dans la commune de Kintambo, à Kinshasa, célèbre avec pompe ses vingt-cinq ans de vie sacerdotale (le jubilé d'argent). Le culte connaît la présence de l'ancien bourgmestre de la commune aujourd'hui ministre provincial du Tourisme, Aménagement et Décentralisation, Didier Tenge Te Litho. Mais les choses vont aller très vite.
Le 3 mars 2022, à l’issue d’une assemblée plénière, la Conférence nationale épiscopale du Congo, CÉNCO, refuse d’endosser les péchés de ses prêtres, dénonce la violation du droit canonique, tout comme l’hypocrisie générale de l’Église catholique en matière de célibat ou de chasteté cléricale. Faut-il mettre cette évolution brusque en lien avec la visite au Congo, annoncée pour début juillet, du pape François et que c'est le temps, pour l'église catholique congolaise, de faire le ménage en son sein.
Selon une dépêche parue sur le site du Vatican, les évêques congolais ont fait le constat tardif - mais ne dit-on pas que mieux vaut tard que jamais? - que certains prêtres ne menaient pas une vie sacerdotale acceptable.
«Les évêques veulent attirer l’attention des prêtres sur la nécessité d’un comportement responsable vis-à-vis des enfants nés d’une femme et d'un prêtre», écrit la dépêche du site de la Cité du Vatican.
Les évêques ont appelé les prêtres à se montrer sérieux et à honorer leur engagement de rester célibataires, suivant leurs vœux de chasteté émis lors de l’ordination. Ils ont rappelé que le fondement du célibat se trouve dans la consécration de toute une vie au Christ.
Malgré cela et malgré toute la confiance que les fidèles de l’église catholique ont placée en eux, nombre de ces hommes en soutane ont fait des enfants hors mariage, d’autres se sont mariés en clandestinité, certains ont brisé des foyers, ou détruit l’avenir de jeunes filles.
Ce comportement a détourné la foi de plusieurs catholiques gênés par un mode de vie détestable.
Ainsi, poursuit la dépêche, les évêques congolais ont exhorté les prêtres à être justes en réparant les préjudices causés aux victimes, les enfants et les femmes, contraints à vivre dans la clandestinité.
Le message des évêques était clair : que les prêtres concernés prennent librement leur courage et déposent la soutane pour s’occuper de leurs familles en toute liberté et en toute responsabilité.
«Considérant d’une part les droits et obligations des parents à l’égard de leurs progénitures et de celles-ci à l’égard de leurs parents, et d’autre part, l’incompatibilité de la charge de père de famille avec le ministère et la vie sacerdotale en régime catholique romain, nous demandons à tout prêtre ayant un enfant d’aller s’en occuper complètement», écrit la déclaration finale de l’assemblée plénière de la CÉNCO qui encourage les prêtres qui se reconnaissent dans cette catégorie de solliciter la dispense des obligations sacerdotales auprès du Pape, pour être libres de se concentrer sur leurs petites familles clandestines.
Puis vient la menace : « dans le cas où le prêtre qui aurait des enfants ou une liaison conjugale secrète refuserait de se dénoncer, son évêque se verrait dans l'obligation de présenter son cas au Saint-Siège en vue de la peine maximale de renvoi de l’état cléricale ».
SANCTION COMME UN COUPERET.
Le 5 avril, voulant passer le message des évêques à ses prêtres de Kinshasa, le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu les réunit au centre Nganda. Il répète le même message : l’appel fait à tout prêtre qui a des enfants à se désengager des charges ecclésiastiques en vue de s'occuper de sa famille en toute responsabilité.
«L'église privilégie une paternité responsable et le Cardinal nous a rappelé ce principe. Chaque prêtre est libre de demander de s'occuper de ses enfants s'il en a...», rapporte un prêtre sous le sceau de l'anonymat.
On rappelle que la chasteté, la pauvreté et l'obéissance sont les conditions que les prêtres et les religieuses jurent d'observer lors de la consécration.
En l’espèce, l'article 277 du droit canonique est explicite : le célibat est ce «don particulier de Dieu par lequel les ministres sacrés peuvent s’unir plus facilement au Christ avec un cœur sans partage».
Mais dans la commune de Kintambo, le curé de la paroisse Saint François de Sales prend mal cette déclaration des évêques.
Docteur en Théologie, spécialiste en exégèse biblique de l’Institut pontifical de Rome en 2005, l’abbé qui enseigne au Grand Séminaire de Théologie Saint Jean XXIII de Kinshasa, réalise le 19 mars une vidéo, brandissant à son tour la menace.
Bouteille d'alcool à la main, Aimé Lusambo s'adresse à quiconque oserait prendre l'initiative de lui ôter sa soutane.
«On veut me retirer la soutane. Où veulent-ils donc que j'aille alors que toute ma jeunesse et ma vie, je les ai consacrées à Dieu? Si j'ai 4 ou 5 enfants, comment vais-je les élever dans la mesure où le décompte final n'existe pas dans ce que nous faisons?
Je connais l'un parmi eux qui a 4 enfants. A-t-il été suspendu? Peut-être, faudra-t-il à notre tour qu'on écrive au pape pour qu'il le suspende. Tout celui qui va oser toucher à ma soutane, nous allons nous emmêler les pinceaux», déclare-t-il.
Le lendemain 20 mars, la sanction tombe. Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, signe un texte suspendant le curé rebelle de ses fonctions, le mettant à la disposition du vicariat judiciaire.
Il y a deux ans, le 15 août 2020, le curé avait célébré le jubilé d’argent de vie sacerdotale, «en la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie au ciel où elle intercède pour les hommes auprès du Seigneur Jésus en présence». Dans son homélie, il présente la Vierge Marie comme une femme au destin exceptionnel, l’Arche de la Nouvelle Alliance parce qu’ayant porté le fils de Dieu en son sein, le Verbe Divin. La Vierge Marie sert aussi de modèle pour les Chrétiens en tant que servante humble qui rend grâce à Dieu pour ses merveilles réalisées en sa personne.
Une personnalité présente à cette célébration eucharistique. C'est l'ancien bourgmestre de Kintambo aujourd'hui ministre provincial du Tourisme, aménagement et décentralisation, Didier Tenge te Litho.
Le fils de l’oncle de Mobutu se dit honoré d’avoir été invité à ce 25ème anniversaire de la vie sacerdotale du curé de sa paroisse.
Il vante les qualités morales, intellectuelles et d’homme de Dieu de l’abbé curé.
Didier Tenge te Litho explique que l’abbé est un homme de Dieu, un prêtre voué à l’épanouissement de la communauté paroissiale.
Par son amour envers Dieu et les Chrétiens, ainsi que ses enseignements et son travail apprécié par tous, « l’abbé curé de la paroisse Saint François de Sales fait vivre avec abnégation sa paroisse et contribue à son progrès et à celui des Chrétiens vivant dans cette partie de la capitale ».
ALUNGA MBUWA.