Le second tour de Daniel Mukoko Samba
  • jeu, 27/06/2024 - 13:24

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1612|LUNDI 24 JUIN 2024.

S'il est croyant catholique fanatique ou kimbanguiste affidé comme nombre d'originaires du Kongo Central, Daniel Mukoko Samba doit s'être agenouillé plusieurs minutes voire plusieurs heures dans son salon ou dans sa chambre avec les siens pour rendre grâce à Dieu, ce maître des Temps et des Circonstances quand il a entendu mercredi 29 mai au petit matin ses noms et prénom cités à la télé par Tina Salama, la porte-parole du Président de la République, comme membre du Gouvernement et Vice-Premier ministre en charge de l'Économie après de longues heures d'attente, des conciliables, des arbitrages et des prolongements qui n'en finissaient pas.

Tout le pays pouvait voir la joie, l'allégresse, la volupté qui couvraient ce mardi 11 juin le visage du tout nouveau ministre de l'Économie avec titre de Vice-Premier ministre à la plénière d'investiture par l'Assemblée nationale du Gouvernement du IIème mandat du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo dirigé par Mme Judith Suminwa Tuluka tout comme le regard et le sourire que ne cessait de lui porter la Première ministre, cheffe du Gouvernement lors de cette investiture lorsqu'une phrase entendue dans la salle provoquait une réaction du public.

Assis derrière sur la rangée après le fauteuil de la Première ministre, selon le protocole d'État, ces gestes de la Cheffe du Gouvernement à l'égard de son Vice-premier ministre de l'Économie en disaient long sur la proximité qui lie les deux personnalités et le rôle que Daniel Mukoko Samba a joué ou va jouer dans la suite de l'action gouvernementale.

S'il est vrai que Suminwa est originaire de Kimpese, Mukoko est de Mbanza-Ngungu, 55 kms plus loin.
Dix ans après avoir été ministre du Budget avec titre de Vice-premier ministre dans le Gouvernement Matata I (ordonnance nr 12/004 du 28 avril 2012, portant nomination des vice-premiers ministres, des ministres, d’un ministre délégué et des vice-ministres), incroyablement poussé hors du Gouvernement trente mois plus tard, le 7 novembre 2014, remplacé par Modeste Bahati Lukwebo, Mukoko Samba n'avait passé aucun moment d'entente pacifique avec le Premier ministre Matata.

QUI A FAIT LA DÉCISION ?
Les deux hommes eurent en public des poussées de fièvre dans la conduite des affaires de l'État, dans le processus de prise des décisions dans la création d'entreprises publiques guère prévues au budget, lors des réunions des groupes de travail interministériels institués par le Premier ministre et transformés en Conseil des ministres.

Augustin Matata Ponyo Mapon exerçait d'énormes pouvoirs. Le président Joseph Kabila Kabanga ne présidait presque pas les réunions du Conseil des ministres. Il avait laissé les mains libres à son premier ministre pour agir. Matata en profita pour évincer celui dont la tête ne lui plaisait pas ou qui lui faisait ombrage.

Nommé plus tard Administrateur Directeur Général de l'Onatra (l'actuelle Sctp), l'ancien Vice-premier ministre se voit retirer peu après la confiance (cinq voix pour, une contre, une abstention) le 26 octobre 2018 par le Conseil d'Administration de cette grande firme des transports et ports alors sous la férule d'une puissante dame katangaise Vicky Katumwa.

Diverses accusations s'étaient déversées (surendettement de l'entreprise évalué à 30 millions de $US auprès d’une banque commerciale, mauvaise gestion, 16 mois d’arriérés de salaires du personnel, signature des contrats léonins, arrestations de hauts cadres du département des Finances, etc.).

Qui avait porté ces coups contre ce Professeur d'Économie (master en Économie à l’Université de Kinshasa et à l’Université d'Oita, Japon; doctorat en Développement urbain et régional de l’Université de Tsukuba, Japon)? Un homme qui, aussitôt revenu du Japon, avait pris ses marques dans le cabinet du Premier ministre Adolphe Muzito comme Directeur de cabinet adjoint tout en prestant des services au PNUD, le Programme des Nations unies pour le Développement que deux audits externes viendront mettre hors cause !

Mais le ministère du Budget ne l'avait pas perdu de vue malgré ces crises avec son premier ministre. Mukoko avait eu à ce cabinet notamment deux collaborateurs. Une conseillère et un directeur de cabinet.
Ministre d'État en charge du Plan du Gouvernement Sama Lokonde, celle qui fut sa conseillère est nommée le 1er avril 2024, Première ministre et Cheffe du Gouvernement, dix ans après son passage au cabinet Mukoko. Judith Suminwa Tuluka n'a rien oublié !

Quand des années après qu'il a quitté le Parti Lumumbiste Unifié, PALU qui lui avait ouvert les portes du cabinet de Muzito, Mukoko Samba crée son parti politique Union Congolaise, UCO en sigle, il adhère au regroupement Alliance pour l'Unité Nationale, AUN, du questeur de la Commission Électorale Nationale Indépendante Agée Aje Matembo Toto, est élu en 2024 député national dans la circonscription de Mbanza Ngungu, dans le Kongo Central.

Lors d'une cérémonie au Cercle Elaïs à la veille des conciliabules politiques, l'AUN avec Mukoko Samba et d'autres députés intègrent la plate-forme PÉP-AAAP de Tony Kanku Shiku qui devient la troisième voire la deuxième force à l'Assemblée nationale. Tony Kanku Shiku et la PÉP-AAAP ont-ils renvoyé Mukoko Samba au Gouvernement ou Suminwa a-t-elle jeté elle-même son dévolu sur son ancien mentor dans la rédaction d'une ordonnance fortement disputée dévoilée aux petites heures de mercredi 29 mai ?

Le nom de Mukoko Samba avait-il figuré parmi d'autres sur la liste présentée par PEP-AAAP ? Il reste que le choix et l'ultime arbitrage des listes relèvent de la discrétion de la plus haute Autorité du pays, à savoir, le Président de la République en notant que la Cheffe du Gouvernement dispose d'un quota et nul ne comprendrait qu'elle n'ait pas eu en tête le nom d'une personne qui, dans une autre vie, avait joué un rôle dans sa manifestation publique.

Certes, Mukoko avait mille autres entrées au Palais de la Nation et à la Cité de l'Union Africaine susceptibles de précipiter son second tour aux affaires. Une ordonnance présidentielle du 31 octobre 2020 l'avait rapproché du Président de la République comme membre d'un Panel chargé d’accompagner en 2021 le Chef de l'État à la présidence en exercice de l’UA, l'Union Africaine. Un panel alors coordonné par le professeur de Droit International à l'Unikin Alphonse Ntumba Luaba et dont des membres furent des professeurs d'Université, la physicienne Raïssa Malu nommée avec Mukoko le même 29 mai ministre d’État en charge de l’Éducation nationale et de la Nouvelle citoyenneté, l'historien Isidore Ndaywel è Nziem, responsable du CLC, le Comité laïc de Coordination proche des évêques catholiques, le sociologue et anthropologue Ngokweb Ndolamb, nommé en novembre 2022 ambassadeur à Londres, mais aussi une militante engagée aux côtés des femmes victimes de violences sexuelles, Julienne Lusenge.

L'HOMME QUI A BIEN SEMÉ.
Ceux qui connaissent Félix Tshisekedi disent qu'il n'oublie pas une promesse faite ou un service rendu même des années après bien que cela finisse parfois par lasser certains. Mukoko avait-il marqué le Président de la République lors de la présidence de l'Union Africaine ?

Au ministère du Budget, l'ancien Vice-premier ministre avait un autre arbre planté qui a donné du fruit. C'est l'homme qui fut son Directeur de cabinet devenu plus tard Directeur Général de l'ANAPI, l'Agence Nationale pour la Promotion des Investissements, un établissement public à caractère technique.

S'il avait quitté le ministère du Budget, Mukoko avait légué à Anthony Nkinzo Kamole, au titre de l'ANAPI, l'énorme immeuble du boulevard du 30 juin qui abritait ses bureaux.
Ce natif de la ville de Bukavu fut Human Ressources Business Partners de Nestlé Congo Sprl et Tax & Legal Manager à PricewaterhouseCoopers RDC.

À l'ANAPI, Nkinzo avait souvent été membre de la suite présidentielle à l'étranger. Il y a vendu l'image du pays à nombre de sommets mondiaux. Avait-il marqué le Président lors de ces forums ?

Jeudi 13 juin, une ordonnance présidentielle lue à la télévision par Tina Salama place à la tête du Cabinet du Président de la République ce licencié en Droit de l’Université de Kinshasa, qui a aussi fait des études de Management général avancé de l’Université HEC Paris. Il a remplacé Guylain Nyembo Mbwizya nommé Vice-premier ministre en charge du Plan.

Une garde haute sécurité autour du nouveau VPM qui relève du casting et fait honneur à celui qui, un jour, connut l'odeur de la méchanceté humaine et de l'opprobre et dont le titre du dernier ouvrage paru « Guérir le Congo du mal zaïrois» (France, éd. Academia, collection Espace Afrique, juillet 2021, 372 pages, 38 €) dit long sur sa perception de la scène congolaise.
T. MATOTU.


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