Les silences de Tshikas
  • ven, 04/04/2014 - 05:07

Miné par l’âge et la maladie.

Il est le seul à avoir pu à ce jour donner quelques sueurs froides au pouvoir mais étienne Tshisekedi wa Mulumba - le lider maximo - avait prévenu à Bruxelles lors d’une rencontre avec des partisans qui collectaient des fonds à la veille de la campagne pour la Présidentielle congolaise 2011: s’il échoue cette fois encore à prendre le pouvoir, tant pis: ce sera «mon dernier combat». Après lui, les rangs de l’opposition se vident et, en vérité, il n’y a plus rien en face. S’il se prend toujours pour le «Président élu mais sans impérium», il a déjà quitté en douce les arènes de la politique, en se taisant dans toutes les langues, miné par l’âge et la maladie…
Où est-il donc passé? Tout ça, ça ne lui ressemble pas! Alors que tout s’accélère, voilà qu’il se tait dans toutes les langues! De qui parle-t-on? D’étienne Tshisekedi wa Mulumba.

L’homme des non, trois voire de quatre fois non?
Où est donc passé le Sphinx, cet homme connu pour son entêtement et qui paraît désormais littéralement isolé mais qui reste encore un mythe pour beaucoup? Récemment, un tabloïd kinois - Congo News - généralement bien informé sur le sujet, nous le donnait pour malade et hospitalisé en urgence! Peu avant, une visite avait été annoncée avec pompes aux états-Unis. Puis, son entourage a fait état de «difficultés protocolaires de dernière heure»… à la veille des Concertations nationales qui le réclamaient haut et fort, le microcosme politique kinois avait annoncé avec force sa venue à condition que le président Brazza-congolais Denis Sassou Nguesso - médiateur - l’en persuade! Un rendez-vous laborieux fut pris… à Brazzaville. Mais l’homme carré connaît tout sauf le jeu du rosier qui sait bouger sans se briser! Alors que son bras droit - Albert Moleka, sur papier directeur de cabinet et porte-parole, - s’y trouvait depuis plusieurs heures après plusieurs aller-retour, voilà qu’on annonçait que la rencontre avait été postposée, «remise à plus tard». Ce fut en réalité de la langue de bois inhérente à la fonction de porte-parole…
Puis la polémique. Mme Marthe Tshisekedi (l’épouse et compagne de vie et d’infortune), Félix Tshisekedi (le fils Député qui ne siège pas au Parlement du fait du père, donné pour l’héritier du trône), Mama Eugénie Tshika (la sœur cadette Député, qui ne siège pas au Parlement du fait du frère mais qui s’assure du versement régulier de ses émoluments) seraient-ils en indélicatesse avec le Sphinx, l’homme des non, trois voire quatre fois non?

Désaccords politiques profonds.
Il reste que le même tabloïd a tout récemment fait part de points de désaccord politique profond ayant éclaté publiquement au sein de la famille. Si l’épouse, le fils et la sœur éprouveraient l’envi de tomber l’intransigeance, appuyé par une bonne frange d’oligarques pragmatiques du parti bon chic bon genre et auraient rencontré dans le plus grand secret plusieurs fois ces dernières semaines des proches du Chef de l’état afin de faire partie - enfin - des Institutions de la République pour participer à l’apaisement national nécessaire, le Sphinx aurait juré de tout ignorer. Mais l’âge (82 ans) continuant son œuvre, il serait le pire ennemi de la fratrie qui voit «toute une vie voler en éclats». Alors on renverse les tables et on casse tout. C’est la révolte compréhensible...
Si le Sphinx a bien quitté les Cliniques universitaires pour regagner son domicile, avenue Pétunias, à Limete, le corps de garde posté à son domicile explique que depuis, il n’aurait guère fait signe de vie et ordre aurait été donné par l’épouse - Mama Marthe - pour orienter toute activité politique vers un curé, un abbé jusqu’ici inconnu - l’abbé Kankonde -, le Vieux n’étant plus en mesure «de recevoir qui que ce soit au cours des prochains jours», de s’entretenir avec quiconque au cours des prochains mois… Cet ecclésiastique jouerait désormais le rôle de… secrétaire général de l’Udps ou, mieux, de porte-parole alors que Moleka, directeur de cabinet et porte-parole officiel, retour d’une visite à Washington, a tombé l’habit et remis les clés?
Toujours est-il que cette passation de flambeau alimente les rumeurs les plus folles sur l’état de santé du lider maximo qui déjà, n’ouvre plus la bouche à personne.
Ainsi, il y a quelques mois, alors qu’il avait accepté de recevoir un journaliste étranger, celui-ci lui pose deux ou trois questions mais l’homme que le président français Hollande avait reçu en tête à tête le 13 octobre 2012 à la résidence de France en marge du sommet de la Francophonie, ne dit pas un mot sauf un seul - «bien» - à la question de savoir comment se sentait-il dans cette peau de «chef d’État sans imperium».

«UN silence de stratégie politique».
Le journaliste ne voulant pas s’arrêter en si bon chemin d’enchaîner.
«Mais alors, comment comptez-vous vous y prendre pour entrer effectivement en fonction comme Chef de l’état?» Pas de réponse.
«Que pensez-vous de la guerre qui a repris dans l’est du pays (le pays était alors en pleine guerre contre le la rébellion du M-23)? Là non plus, stupéfiant, pas de réponse.
Puis, se tournant vers un collaborateur, le journaliste s’asséner:
- Faut-il en déduire qu’il est fatigué, affaibli par le poids des années?
- «Non, réplique l’un de ces conseillers. Ce silence, c’est une stratégie politique».
Puis Tshisekedi se replonge dans la lecture d’un ouvrage sur la «vie d’un politicien zaïrois» (rien de plus, «il ne nous dira pas son nom», témoigne le journaliste).
Étienne Tshisekedi «est devenu un mythe: il peut ne rien dire, rester les bras croisés, mais tant qu’il est là, il incarne l’espoir du changement pour des millions de Congolais qui croient en lui», affirme Corneille Mulumba, un vieux compagnon, l’un des derniers des Mohicans, désormais l’un des secrétaires généraux du parti en chargé du Plan.
«Ce n’est plus un politicien comme les autres, poursuit-il. La dernière campagne électorale nous en a offert la démonstration. Il suffisait de présenter l’effigie de Tshisekedi pour avoir la confiance de la population».
Une chose est sûre: en dépit de son silence et de son obstination (ou peut-être à cause de cette obstination), il reste populaire et beaucoup de Congolais admirent le refus affiché de toute compromission avec le pouvoir. Reste à convaincre son entourage de ce bien-fondé.
T. MATOTU.

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