Dans la grande presse, l’appel de Masimanimba fait florès
  • jeu, 23/07/2015 - 02:23

Repris par nombre de journaux et audiovisuels congolais, l’Appel de Masimanimba a eu très large écho à l’étranger où plusieurs journaux et titres de la grande presse lui ont réservé des commentaires positifs. Signe du sérieux de l’appel.

L’Appel de Masimanimba lancé par Tryphon Kin-kiey Mulumba le 27 juin 2015 repris par nombre de journaux et audiovisuels congolais a eu très large écho à l’étranger où plusieurs journaux et titres de la grande presse lui ont réservé des commentaires positifs. Signe du sérieux de l’appel. Sous le titre «RDC: Kin-kiey, tête de pont de la «Kabilie», le très sérieux journaliste français Christophe Rigaud dont le site afrikarabia.com est une vraie Bible pour le Continent consacre un long article à cet appel. Comme notre très respecté compatriote Trésor Kibangula de Jeune Afrique qui titre: «Kin-kiey Mulumba, ministre des Relations avec le Parlement: Pourquoi il faut repenser le système électoral en RDC». Il a beau faire polémique, l’Appel de Masimanimba a lancé le débat. Ci-après.
Patron de l’association «Kabila désir» et ministre des Relations avec le Parlement, Tryphon Kin-kiey souhaite voir le président congolais «rester au pouvoir» et considère la limitation des mandats comme «injuste». Une position qui fait débat dans un climat politique. A moins d’un an et demi de la fin de son mandat, le sort du président congolais Joseph Kabila reste toujours incertain. Si la Constitution lui interdit de se représenter en 2016, l’opposition lui prête les intentions de vouloir s’accrocher au pouvoir. Ses détracteurs l’accusent de chercher à faire «glisser» le calendrier électoral pour jouer les prolongations. Un «glissement» qui lui permettrait de rester dans son fauteuil sans modifier la Constitution et donc sans s’attirer l’ire de ses opposants et de la communauté internationale. Pour l’instant, le président ne s’est pas encore exprimer sur le sujet et son entourage n’ose trop s’avancer, tant le dossier est sensible.

«KABILA DESIR, DESIR DE KABILA».
Dans un climat politique très tendu, seul un ministre n’hésite pas à afficher ouvertement son choix. Il s’agit de Tryphon Kin-kiey Mulumba, ministre chargé des Relations avec le Parlement. Lorsque l’opposition crie «Kabila doit partir», Kin-kiey affirme sans hésitation «Kabila doit rester» et crée dans la foulée une association, «Kabila désir», tout à la gloire de l’actuel président congolais. C’était en août 2014. Depuis, Tryphon Kin-kiey a récidivé dans un discours enflammé devant les militants du Parti pour l’Action (PA), son propre mouvement politique. Dans son texte prononcé dans son fief du Bandundu, Kin-kiey a lancé un appel à la mobilisation autour de Joseph Kabila «pour le salut de la Nation». «Rien ne se fera aujourd’hui ou demain sans Kabila, ni contre Kabila, a-t-il déclaré, sauf à plonger le Congo dans de nouveaux conflits».
Véritable tête de pont de la «kabilie», il est intéressant de noter les arguments développés par le ministre pour demander aux Congolais de soutenir Joseph Kabila. L’essentiel repose sur la réussite des «5 chantiers» lancés par le président congolais en 2006. «Le Bandundu est l’un des plus grands bénéficiaires de sa vision des 5 chantiers et de sa politique de révolution de la modernité», affirme Kin-kiey. «Aujourd’hui, trois heures suffisent pour vous transporter dans cette contrée. Une route qui repousse la misère». A Kinshasa, «un infini boulevard à huit bandes conduit à l’aéroport comme il n’en existe ni en Belgique, ni en France, ni en Allemagne. Quand en Belgique et en France, la croissance peine à atteindre 0,1%, au Congo, nous sommes à 9% et bientôt à 10%…». La route de l’aéroport, toute symbolique qu’elle soit, reste malheureusement une goutte d’eau dans une capitale encore mal desservies en routes asphaltées et en accès à l’eau, à l’électricité et en services publiques. Quant au taux de croissance, certes impressionnant, il bénéficie peu aux Congolais, vivant encore en majorité en dessous du seuil de pauvreté (2$ par jour). La République démocratique du Congo bénéficie d’une croissance «de rattrapage» et se traîne toujours en queue de peloton dans les classements mondiaux. Même si le pays part de loin, 14 ans de pouvoir de Joseph Kabila, n’ont pas transformé le Congo, où la population en vient à regretter la triste période du dictateur Mobutu.

TROP CHERES ELECTIONS.
Mais le plus intéressant vient de la lecture faite par Tryphon Kin-kiey du processus électoral en cours en RDC. Avant la présidentielle de 2016, le pays doit organiser sept scrutins: locales, municipales, provinciales, gouverneurs… un rythme beaucoup trop soutenu au vu, notamment, du manque de moyens financiers pour l’organisation des scrutins. Le coût de ce cycle électoral a été estimé par la Commission électorale (CENI) à 1,2 milliards de dollars. Pour le ministre des Relations avec le Parlement, «quand un pays peine à mobiliser un budget de 7 milliards, ne peut donner à boire et à manger à sa population, il doit réfléchir avant de décaisser 1 milliard de dollars qu’il aurait consacré à l’eau, à l’électricité, à la santé, aux écoles, aux routes, fournitures primaires qui ne peuvent malheureusement cruellement être honorées par le Trésor!».
Pour résoudre à la fois le manque de moyens financiers, «l’identification et le recensement des populations qui sonnent comme une gageure», Tryphon Kin-kiey, propose de «changer de logiciel en passant par exemple du mode de scrutin direct au mode de scrutin indirect». Ce qui ferait du parlement, élu par le peuple, «le lieu de désignation du président». Ce changement de mode de scrutin pourrait-il «sauver» Joseph Kabila pour un possible troisième mandat? Certainement pas puisqu’il faudrait de toute façon modifier la Constitution et «déverrouiller» également l’article 220 qui empêche le président de se présenter à

LIMITATION DES MANDATS «INJUSTE».
un troisième mandat. Et après les violentes manifestations de janvier 2015, le pouvoir de Kinshasa semble, pour le moment, vouloir éviter tout «toilettage» de la Constitution qui pourrait remettre le feu aux poudres. Il est pourtant clair que le passage au scrutin indirect, comme celui de la présidentielle à un seul tour institué en 2011, favorise nettement le candidat de la majorité en place.Faut-il pour autant faire une croix sur le maintien au pouvoir de Joseph Kabila après 2016? Contacté par Afrikarabia, Tryphon Kin-kiey apporte deux indications importantes. Premièrement: «sur le maintien au pouvoir du président Kabila, ce qui intéresse les Congolais, c’est la paix, la sécurité nationale et la stabilité», affirme le ministre. La RDC est en conflit chronique depuis plus de 20 ans et un retour à une plus forte instabilité sécuritaire permettrait sans doute à Joseph Kabila de jouer les prolongations. Deuxièmement: «sur la limitation des mandats, notre thèse de tous les temps est la suivante: cette limitation est injuste pour nos présidents quand un député peut se présenter à l’infini. Nous pensons que seul le peuple peut arrêter un mandat en sanctionnant une gestion. C’est le cas à Berlin ou Londres. Nos pays n’ont pas des stocks de compétences avérées».
Sans déclaration claire de Joseph Kabila sur son avenir, il est difficile de pronostiquer le scénario de la prochaine présidentielle. Si certains, dans le camp de la majorité présidentielle, comme Tryphon Kin-kiey, estiment que Joseph Kabila doit rester au pouvoir, même au prix d’une modification de la Constitution, les proches du président congolais scrutent avec attention le voisin burundais, Pierre Nkurunziza, qui brigue un très contesté troisième mandat. Kinshasa attend sans doute de voir l’issue du bras de fer entre le président burundais et l’opposition, ainsi que l’attitude, pour le moment assez passive, de la communauté internationale. Pour l’instant, l’opposition croit toujours que la stratégie du «glissement» sera privilégiée à celle de la modification de la Constitution. Mais il est vrai qu’en lisant le discours de Tryphon Kin-kiey devant ses militants, on peut encore se demander si cette option n’est pas encore d’actualité.
CHRISTOPHE RIGAUD.
Afrikarabia.com
20 juil 2015.

JEUNE AFRIQUE REPERCUTE.
Dans une interview accordée à Jeune Afrique en 2007, Joseph Kabila avait donné sa «parole d’honneur», sa «parole d’officier»: il ne ne touchera pas à la limitation des deux mandats présidentiels consacrée dans la Constitution de la RDC. Huit ans plus tard, alors que s’approche la fin de son second et dernier quinquennat - réélu en 2011, il ne peut plus, en état actuel de la Loi fondamentale congolaise, se représenter en 2016 -, le président congolais maintient le suspense. Partira? Partira pas?
Personne ne peut répondre aujourd’hui avec certitude à la question. Mais de nombreux signaux laissent entrevoir une certaine envie de Joseph Kabila de vouloir (re)négocier le prolongement de son bail au Palais de la nation. Pour l’instant, le chef de l’État qui a entamé des consultations en vue d’un nouveau dialogue politique ne s’est pas officiellement prononcé.
En attendant, ce sont ses lieutenants qui fourbissent tous les jours leurs armes pour tenter de lui baliser la voie vers un troisième mandat. À l’instar de Tryphon Kin-Kiey Mulumba, ministre congolais chargé des Relations avec le Parlement et président de l’association Kabila désir, auteur fin juin de « l’appel de Masimanimba« , un vibrant plaidoyer pour le maintien de Joseph Kabila au pouvoir, lancé depuis son fief électoral de Bandundu, dans l’ouest de la RDC.
Jeune Afrique:
Quelles sont les raisons qui vous motivent à soutenir un éventuel prolongement ou un renouvellement du mandat du président Joseph Kabila?
Tryphon Kin-Kiey Mulumba.
Après des années de conflits armés, la RDC est un État post-conflit mais dont les richesses du sous-sol sont encore très convoitées par l’extérieur. Le risque pour le pays de basculer de nouveau dans une situation d’insécurité doit donc être pris très au sérieux. Quand l’on voit ce qui se passe en Libye ou en Tunisie, nous nous devons de penser d’abord Congo, c’est-à-dire suivre notamment l’exemple de l’Algérie qui a fait le choix de la stabilité. D’autant que chez nous, il n’existe pas d’hommes compétents acceptés par l’ensemble du pays. Et ce n’est pas du jour au lendemain que n’importe qui peut prétendre être en mesure de diriger un pays comme la RDC.

À part Joseph Kabila, aucun Congolais ne serait donc «apte» à prendre les rênes du pays?
Au Congo, le problème n’est pas d’avoir une compétence, mais celle-ci doit être acceptée par les forces sociales et politiques en présence dans le pays : les 400 tribus, l’armée, la police, etc. D’où la nécessité de rechercher un consensus dans la désignation des dirigeants. C’est pourquoi nous devons nous mettre autour d’une table. Malheureusement, des opposants qui demandaient le dialogue se rétractent. Ils exigeaient le calendrier global des élections. Mais quand la Commission électorale nationale indépendante (Céni) leur donne, ils le rejettent. Il est temps de nous regarder les yeux dans les yeux pour parler de l’avenir : est-ce que des lois en vigueur aujourd’hui sont celles qui nous permettront de reconstruire notre pays? N’ont-elles pas été inspirées par des modèles qui ne nous correspondent pas?

En 2011, le scrutin présidentiel est passé à un tour à la veille de l’élection. Aujourd’hui, à quelques mois de la présidentielle prévue en novembre 2016, voudriez-vous à nouveau changer les règles du jeu?
Ce n’est plus une question taboue et il faut que ce débat puisse avoir lieu. Tenez, lorsque l’opposition réclame aujourd’hui que les nouveaux mineurs puissent avoir le droit de voter lors des prochaines élections, c’est, de fait, exiger l’organisation d’un recensement. Forcément, cela implique le «glissement» [l’organisation des élections au-delà des délais constitutionnels prévus, ndrl]. Que faire? Sachant que ces scrutins vont coûter très cher - on prévoit 1,2 milliards de dollars pour les locales, provinciales, législatives et présidentielle de 2015 et 2016 - je préconise de repenser le système électoral en RDC.
Concrètement, je plaide pour l’instauration du scrutin indirect pour l’élection du président de la République. Dans le contexte congolais, ce mode de scrutin aura le mérite de réduire sensiblement la contestation à l’issue de la publication des résultats des élections. Un corps électoral de 500 ou 600 grands électeurs élus au niveau local permettrait au pays de faire d’une part l’économie des moyens et de l’autre celle de la contestation. Ce ne sera pas une exception congolaise puisque sur le continent - Afrique du Sud, Angola - ou dans le monde - États-Unis par exemple -, plusieurs pays élisent déjà leur président de la République de cette manière.

Votre proposition ne risque-t-elle pas d’être interprétée comme un stratagème de plus pour maintenir le président Kabila au pouvoir?
Au contraire. Elle est appelée à être débattue autour d’une table. C’est l’esprit même du consensus que je défends. Nous, les Congolais, nous devons nous asseoir et discuter de ce qui est bon pour notre pays. En sachant que tout se fera avec Kabila parce que c’est lui le président de la République. Tout se fera donc par lui et rien ne sera sans lui ni contre lui. Car aujourd’hui, en RDC, on ne peut pas exclure de la solution celui qui détient le pouvoir. À moins d’envisager un coup d’État.
TRESOR KIBANGULA.
Jeune Afrique.com
22 juillet 2015 à 07h51.


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