Le MLC se réveille avec une belle gueule de bois
  • lun, 25/11/2013 - 01:54

Coup dur pour JPBG: une rafle de la CPI lui fait perdre son point
focal Congo et ses deux défenseurs accusés de «subornation de témoins».

Fin octobre, Fidèle Babala Wandu affichait tout son optimisme sur l’hypothèse de libération de Jean-Pierre Bemba Gombo. Optimisme? Le mot n’en dit pas assez. Le Député du MLC, élu de Kinshasa en était convaincu «à 1.000%». «Au plus tard en juillet prochain, Jean-Pierre sera libre. Acquitté. Le dossier est vide», nous expliquait-il enthousiaste. Naïf? Fidèle pour celui qu’il appelle mi-affectueusement, mi respectueusement «Mokonzi» (grand chef) et qui l’appelait - jusque dans la nuit de samedi à dimanche, peu avant son arrestation - «au moins six fois par jour».

Homme à l’esprit décomplexé - trop pour certains -, Babala distribue des points et des coups de poings, maltraite autour de lui. En réalité, il est à ce point attaché à son «Mokonzi», son «Mwana Mayi» (l’enfant du pays) qu’il éprouve du mépris envers quiconque ne partage pas son opinion.

TROP NAÏF OU TROP IMPRUDENT.
Ce Mbala du Kwilu, né et grandi à Kinshasa, qui fut DirCab de Jean-Pierre Bemba Gombo du temps du régime du 1+4, puis son Directeur de campagne lors de la Présidentielle, savait tout de l’emploi du temps de Jean-Pierre Bemba Gombo à La Haye. «Le Sénateur débute ses audiences à 8 heures pour les terminer à 17 heures chaque jour».
Il nous confiait que Bemba - vu son statut de détenu et non de prisonnier - appelle au téléphone qui il veut, appelle continuellement le Congo via la standardiste de la CPI et c’est lui Fidèle Babala qui sert de relais».
Quand des adversaires dans l’opposition soupçonnent Bemba d’avoir eu un «long entretien téléphonique» avec le Chef de l’Etat, Babala dément. «Si entretien téléphonique il y a eu, c’est bien moi qui aurais arrangé cela. Or, j’avoue n’être au courant de rien», nous déclarait l’homme fier d’avoir l’ancien Vice-président de la République, chaque jour, «au moins six fois» (Le Soft International, n°1252, daté lundi 28 oct. 2013, 1ère éd.).
Dans cet article, le Soft International écrivait, partant des déclarations du Député: «Depuis son lieu de détention à La Haye, Babala est le fil par où passent les ordres de Bemba à sa famille, au personnel de ses entreprises, à son parti. C’est lui à qui il confie les missions secrètes.
La loyauté a fini par payer. Babala se vante d’être celui qui a, à ce jour, le plus rencontré Bemba. Et c’est trois fois l’an, nous dit-il. En cinq ans, cela fait quinze visites. «Nous y restons deux heures voire quatre, la limite maximale autorisée par le greffe» (Le Soft International, art. cit.). Trop naïf ou trop imprudent, le Député, faiseur des rois au MLC, était une proie facile pour la procureure de la CPI, la Cour Pénale Internationale, la Gambienne Fatou Bensouda. Il ne pouvait pas ne pas soupçonner qu’il pouvait être «suivi» ou... «écouté» quand il parlait avec son «Mokonzi» d’autant plus que les conversations avec les détenus de La Haye sont enregistrées.
Dans ces mêmes déclarations du Soft International, celui qui, sur papier, n’était que secrétaire général adjoint en charge des questions politiques, menaçait quiconque accepterait d’aller au Gouvernement dans le cadre de l’offre du Président de la République de renforcer la cohésion nationale au lendemain des Concertations Nationales. Sans appel, il expliquait: «Nous n’avons pas pour vocation de faire carrière dans l’opposition mais si Thomas Luhaka (ndlr: secrétaire général du MLC) y va, c’est moi qui lirai sa radiation du MLC et cela n’attendra pas une semaine ou un jour. Cela se fera dans les quinze minutes qui suivront l’annonce» (Le Soft International, art. cit.).

S’IL FAUT, ON RESTERA A DEUX.
«La position du Chef était claire. Les Concertations Nationales ne devraient en aucune façon être ni une CNS-bis, ni un Sun City-bis, ni un lieu de partage du pouvoir. On y est allé pour défendre nos positions. Cette position n’a pas changé». Puis: «Ce qui est clair est que l’on va certainement assister à des débauchages mais s’ils y vont, ils iront à titre individuel sans engager le MLC. Et la sanction d’exclusion viendra immédiatement». Puis: «Tous sont partis: Olivier Kamitatu, Adam Bombole, Delly Sesanga, François Mwamba Tshishimbi, José Makila Sumambo, Jean-Lucien Busa Tongba, etc. Qu’ont-ils apporté là où ils sont? S’il faut qu’on reste à deux - le Chef et moi - on restera à deux. Nous devons conquérir le pouvoir par la voie des urnes et nous le ferons. Nous avons une expérience», explique l’ancien directeur de campagne.
La veille samedi 23 novembre, ils venaient de commémorer avec pompe le XVème anniversaire de la création du MLC. Le Député qui regagne souvent tard son domicile huché sur les hauteurs du Rond-point Ngaba, dans le quartier de la résidence de feu Mungul Diaka, devant «effectuer les dernières courses du Chef» ne savait pas qu’il était attendu par des agents de police détenteurs d’un mandat d’arrêt international de la procureur Fatou Bensouda.
A-t-il cherché à opposer une résistance? Il n’est pas impossible pour ce baroudeur. C’est sans doute pour cela que des coups de balles auraient été entendus, selon plusieurs sources qui doivent encore être vérifiées. Des dépêches d’agence indiquent que le Député a été interpellé à son domicile peu après minuit par des hommes armés et cagoulés.
Porte-parole du MLC, le Dép. Germain Kambinga Katomba a déclaré à l’Afp que Fidèle Babala «a été interpellé à son domicile dans la nuit par des éléments de sécurité en exécution d’un mandat d’arrêt de la CPI».

RAFLE EN EUROPE ET AU CONGO.
«C’est une procédure normale. Il est tout à fait possible d’interpeller quelqu’un chez lui dans la nuit s’il n’a pas été possible de le faire avant», a expliqué sur Rfi Paul Madidi, représentant de la CPI au Congo.
Dimanche 24 novembre, le Député a été entendu au parquet général de la République avant d’être conduit, sous bonne garde, vers l’aéroport où il a embarqué à bord d’un vol à destination de La Haye en cours de transfert à la CPI où il comparaîtra prochainement. Des Députés du MLC et le président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku Ndjalanjoku se sont rendus sur place pour s’enquérir de sa situation.
Le MLC a confirmé l’arrestation de l’avocat du barreau de Bruxelles Aimé Kilolo Musamba d’origine congolaise à l’aéroport de Zaventem à Bruxelles, retour d’un voyage au Cameroun. En réalité, il s’agit d’une véritable rafle opérée par la CPI. Au total, quatre Congolais ont été arrêtés, le week-end dernier, les 23 et 24 novembre, quasiment au moment. Outre le Dép. Babala et Aimé Kilolo Musamba, deux autres compatriotes ont été mis aux arrêts: Jean-Jacques Mangenda Kabongo, assistant de Kilolo dans le procès Bemba, arrêté aux Pays-Bas tandis que Narcisse Arido, témoin cité à comparaître par la défense, a été mis aux arrêts à Paris.
Un communiqué de la CPI rendu public dimanche indique que le juge unique de la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale, Cuno Tarfusser, a considéré qu’il y a des motifs raisonnables de croire que les personnes interpellées ont engagé leur responsabilité pénale en commettant des atteintes à l’administration de la justice (art. 70 du Statut de Rome).
Selon le même communiqué, les quatre Congolais arrêtés auraient constitué un réseau aux fins de produire des documents faux ou falsifiés et de corrompre certaines personnes afin qu’elles fassent de faux témoignages dans l’affaire Bemba. Ils sont accusés de «subornation de témoins devant la CPI». «Les suspects auraient constitué un réseau aux fins de produire des documents faux ou falsifiés et de corrompre certaines personnes afin qu’elles fassent de faux témoignages dans l’affaire concernant M. Bemba», souligne le communiqué de la CPI. Ils risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
Le juge unique Cuno Tarfusser a demandé aux Etats concernés (Belgique, France, Pays-Bas et Congo) de localiser et geler les avoirs des personnes arrêtés. Le greffier de la CPI, Herman von Hebel, a exprimé sa gratitude aux autorités de ces quatre pays pour leur coopération, rappelant qu’il s’agit des premières arrestations pour de telles charges devant la CPI.
Le procès de Jean-Pierre Bemba Gombo, président et commandant en chef présumé du Mouvement de libération du Congo, s’est ouvert le 22 novembre 2010. L’ancien Vice-président de la République en charge des questions financières, est jugé pour deux chefs de crimes contre l’humanité (viol ou crimes sexuels et meurtre) et trois chefs de crimes de guerre (viol ou crimes sexuels, meurtre et pillage) prétendument commis en République centrafricaine. Avec cette rafle, il perd tous ses contacts et à Kinshasa, il perd son plus fidèle et se voit coupé de toutes ses communications. Un vrai coup dur qui pourrait être un tournant dans son procès.
D. DADEI.

Categories: 

Related Posts

About author

Portrait de yves