La ministre rwandaise des AE Louise Mishikiwabo saluant mardi le Président Kabil
M23, vie en sursis
  • sam, 23/06/2012 - 01:37

En dépit de tout, en dépit de tout... De part et d’autre, les manifestations d’amitié quoique rares ou rarissimes n’avaient jamais en réalité fait défaut! Certes, il y a eu l’Afdl et la grande rupture qui conduisit au RCD, aux multiples et multiformes RCD, à toutes les rébellions, à l’UPC, à Thomas Lubanga, à Jules Mutebusti, à Matthieu Ngondjolu, au CNDP Laurent Nkunda, au CNDP Jean-Bosco Ntaganda, aux Maï-Maï pro, anti - et qui ne connaît cette juste théorie militaire selon laquelle il n’y a point de rébellion qui survive sans base arrière...
LE SOFT INTERNATIONAL N° 1173 DATE JEUDI 21 JUIN 2012
Du coup, on ne pouvait qu’y voir quelque main noire cachée. Et, les preuves ne manquent pas...
Kinshasa a récemment résolu de les brandir, après plusieurs autres sources qui ne manquent pas de crédit... Mais entre le Rwanda et notre pays, on a fini depuis longtemps par comprendre qu’aucun ne pouvait déplacer l’autre de là où Dieu l’avait placé.
Kinshasa a ainsi dépêché à Kigali l’un de ses meilleurs fils, l’ambassadeur Norbert Nkulu Kilombo Mitumba, qui y a érigé sa case. Un homme clé, cet homme de droit, si proche du président de la République Joseph Kabila Kabange.
Celui qui vous envoie l’homme qui lui tient à cœur est un homme qui vous tient à cœur...
Les observateurs avaient ainsi compris la mission en début de semaine dans la Capitale de la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mishikiwabo.
Certes. Mais alors que celle-ci achevait mardi une visite de deux jours chez nous qualifiée de «conciliante» et où - à l’en croire, «on s’est dit beaucoup de choses», en clair, une rencontre de vérité et où aucun mot n’aurait été mâché - à Kigali, le président Paul Kagame réunissait une conférence de presse qui, selon ce qu’en rapporte Rfi captée mercredi soir à Kinshasa, le président ravivait une tension que sa ministre avait pourtant à cœur d’apaiser à Kinshasa, répétant, «ferme, avec colère ou ironie, à l’envi, sur tous les tons: «Le Rwanda n’est pas la cause des problèmes du Congo», qui «existaient avant que» le président rwandais «ne soit né».
Puis: «Si vous ne voulez pas de nous pour faire partie de la solution, alors oubliez-nous». Expliquant que «les problèmes congolais doivent être gérés par les Congolais et qu’il n’est pas responsable des Congolais rwandophones qui vivent au Congo».
Que les problèmes du Rwanda ce sont les FDLR. Qu’il avait réservé une fin de non-recevoir à «la soi-disant communauté internationale» venue demander son «consentement pour arrêter Jean-Bosco Ntaganda, leur expliquant: «Si vous voulez l’arrêter, faites-le, allez le chercher, je n’ai rien à voir avec lui». Traitant la Monusco d’«onéreuse et d’inutile».
Qu’est-ce qui s’est donc passé soudain? Quelle analyse faire face à une diplomatie de la carotte et du bâton que manie si bien Kigali? Tout compte fait, les jours des rébellions des Kivu ne sont-ils pas comptés malgré tout et... grâce à cette clameur des Occidentaux qui paraissent désormais prompts à réagir?
Certes, à Kinshasa, Kigali aurait pu s’attendre à un déballage de routine, à ce que le linge sale se lave en famille.

LA GRANDE EXPLICATION.

Mais, face à la clameur qui poursuit désormais le Rwanda sur les événements des Kivu, Kinshasa n’a rien voulu lâcher...
Diplomates et militaires congolais et rwandais étaient ainsi réunis dans la Capitale du 18 au 19 juin au ministère des Affaires étrangères pour la grande explication. Les délégations des deux pays étaient conduites, côté congolais, par le ministre des Affaires étrangères, Coopération internationale et Francophonie, Raymond Tshibanda Ntungamulongo et, côté rwandais, par Louise Mishikiwabo, Ministre rwandaise des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.
Signe que l’affaire était sérieuse, les deux délégations ont aligné des responsables militaires ainsi que des services de renseignement.
Pour Kinshasa, on a retrouvé le chef d’état-major général des Fardc, le Lieutenant général Didier Etumba, l’Administrateur général de l’ANR, ainsi que l’Ambassadeur de la RDC au Rwanda, Me Norbert Nkulu Kilombo Mitumba.
Côté Kigali, on a noté la présence du Lieutenant général Charles Kayonga, chef d’état-major général de l’armée rwandaise, de MM. Karenzi Karake et Rugira Amandin, respectivement chef des services de renseignement rwandais et ambassadeur du Rwanda en RDC.
Mardi dans la matinée, la chef de la diplomatie rwandaise a été reçue en audience au Palais de la Nation par le Président de la République, Joseph Kabila Kabange.
Elle a déclaré à l’issue de cet entretien qu’il n’y avait pas de problème impossible à régler et que les présidents Joseph Kabila et Paul Kagame étaient en contact régulier sur la situation sécuritaire dans la sous-région des Grands Lacs.
«Je suis officiellement en RDC pour une réunion des institutions diplomatiques et de sécurité sur le soutien du Rwanda dans la résolution de la crise dans l’Est», a souligné Mme Mishikiwabo.
Le communiqué final conjoint daté du 19 juin 2012 indique que «les deux délégations ont échangé des renseignements sur les problèmes sécuritaires de la région et examiné les préoccupations présentées par chaque partie en rapport avec la situation qui prévaut dans l’Est de la RDC».
Durant la conférence de presse, la ministre rwandaise a affirmé que les deux parties se sont dit beaucoup de choses et qu’elles vont continuer à se parler. Elle insiste particulièrement sur la volonté de son pays d’assister la RDC dans son travail de stabilisation. Mishikiwabo refuse de se prononcer sur les accusations du soutien de son pays aux mutins. A la limite de la provocation, elle a cette déclaration: «L’opinion doit être éduquée et comprendre que le Rwanda a longtemps travaillé pour la pacification de la région des Grands Lacs».

PREPARATION D’UNE CONSPIRATION.
La rencontre de Kinshasa survient deux semaines après la visite du Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon sur le théâtre des événements à l’Est de la RDC. Le chef du gouvernement y a inspecté les troupes et remobilisé les Fardc pour la reconquête du terrain perdu et pour en finir une fois pour toutes avec la mutinerie-rébellion du M-23. Il a visité les camps des déplacés et parlé avec les responsables de la Monusco et les représentants des communautés locales.
A l’issue de cette visite, le gouvernement, par la voie autorisée, celle du ministre de la communication et des médias, Lambert Mende Omalanga, tend pour la première fois les preuves de l’implication de Kigali dans l’émergence de la rébellion du M.23. Le 9 juin à Goma, lors d’une conférence de presse, le porte-parole du gouvernement porte l’accusation contre le Rwanda, et l’accuse de «servir à la préparation d’une conspiration qui évolue vers un schéma de rupture de la paix entre deux pays de la région des Grands Lacs». «200 à 300 mutins ont été recrutés au Rwanda pour être infiltrés en RDC. Ils ont subi une préparation militaire sommaire avant d’être déployés contre les forces armées de la RDC», déclare Mende. De poursuivre: «Des informations des sources variées mais concordantes font état des soutiens dont bénéficierait la bande à Ntaganda à partir du Rwanda et de l’existence d’une filière de recrutement de combattants pour Ntaganda dans ce pays voisin, membre, comme la RDC, de l’Union Africaine, de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs». Puis, cette révélation: «Il a été également constaté une augmentation de la puissance en armement du M.23 dès son arrivée dans le triangle Runyoni-Chanzu et Mbuzi à la frontière entre la RDC et le Rwanda. Pourtant, les mutins avaient abandonné dans leur fuite tout leur armement, soit 38 tonnes récupérées par les Fardc».

CLAMEUR INTERNATIONALE.
Après avoir longtemps donné l’impression de subir les événements, Kinshasa avait décidé de relever la tête, de plaider haut et fort sa cause, d’apporter les preuves qui accablent aux yeux de la Communauté internationale face à l’arrogance de son voisin.
Le vent avait tourné. D’autant que l’offensive de Kinshasa venait s’appuyer sur des accusations tout aussi précises lancées dans un premier temps par la Monusco, à travers un rapport interne révélé fin mai par la BBC. Selon ce rapport, «Onze combattants du M.23 ont déclaré avoir été recrutés et armés au Rwanda».
Dans un communiqué daté du lundi 4 juin, la très sérieuse ONG américaine de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch, révélait à son tour que des combattants ayant quitté le M.23 avaient aperçu le général Bosco Ntaganda au Rwanda. Information une fois de plus relayée par la BBC: «L’organisation de défense des droits de l’homme américaine accuse l’armée rwandaise d’avoir fourni des centaines d’hommes ainsi que des armes et des munitions aux rebelles du M.23 en République Démocratique du Congo et de servir de refuge à leur chef présumé Bosco Ntaganda malgré un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale».
HRW enfonçait le clou: «l’armée rwandaise est directement impliquée dans la fourniture de 200 à 300 nouvelles recrues ainsi que d’armes lourdes et de munitions aux rebelles».
La réaction du Conseil de sécurité de l’ONU a été de condamner cette nouvelle surenchère à l’Est de la RDC. Dans son rapport du 12 juin sur la RD Congo, le Secrétaire général de l’ONU a indiqué qu’il fallait «rapidement mettre un terme à la mutinerie», ajoutant que toutes «les mesures nécessaires devaient être prises pour mettre un terme à tout appui que les mutins pourraient recevoir depuis l’extérieur». Le rapport poursuit que «la population de l’Est du Congo a déjà souffert trop longtemps, et toutes mesures qui prolongent la violence et l’existence des groupes armés doivent cesser».
Reçu mardi en audience au Palais du Peuple par le Président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, l’Ambassadeur des USA a réaffirmé le soutien de son pays à la République Démocratique du Congo. M. James Entwistie a souligné que son pays condamnait avec la toute dernière énergie l’avancée des rebelles à l’Est de la RDC.
C’est le même ton qui a été utilisé par le Vice Premier ministre belge et ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders. Dans une déclaration rendue publique lundi, le chef de la diplomatie belge affirme suivre avec une grande inquiétude l’évolution de la situation dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Selon lui, cette situation est d’autant plus inquiétante qu’il y a des renforts extérieurs, allusion faite sans aucun doute aux dernières révélations sur l’implication de Kigali dans le recrutement et l’armement du M.23.

MONTEE EN PUISSANCE.

C’est donc une véritable clameur qui poursuit Kigali sur la scène internationale. Elle est, depuis quelques jours, appuyée par une diplomatie congolaise de plus en plus agressive. Ainsi, après avoir conféré avec les ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité, le Ministre congolais des Affaires étrangères, Coopération internationale et Francophonie s’est rendu la semaine dernière en Angola pour rencontrer le Président Edouardo Dos Santos, puissant allié régional de la RDC mais aussi et surtout Président en exercice de la SADC. C’est dire si la voix de la République démocratique du Congo va porter encore plus loin dans les instances régionales et internationales pour dénoncer la situation qui prévaut dans l’Est du pays. A contrario, Kigali craint désormais de perdre tous les avantages engrangés du fait du génocide de 1994, qui lui avait valu la sympathie de la Communauté internationale à la suite du soutien du tandem Blair-Clinton.
Cette évolution explique à elle seule, aux yeux des observateurs, l’empressement de la chef de la diplomatie rwandaise à se rendre à Kinshasa pour tenter d’enrayer la montée en puissance de la diplomatie congolaise. Mais les questions demeurent au regard des preuves récemment accumulées dans l’Est. Des preuves qui rappellent à quel point la déstabilisation de la RDC à partir de sa partie orientale a toujours été le fait du Rwanda à travers l’AFDL, le RCD, l’insurrection de Jules Mutebusi et Laurent Nkunda, le CNDP et, aujourd’hui, le M.23.

VERS L’ISOLEMENT.
Comment un pays qui a souffert du génocide peut-il entretenir des foyers d’instabilité sur le territoire de son voisin et continuer à s’en tirer à bon compte? Comment un pays cité en modèle de gouvernance par la Communauté internationale - bien que sa gestion des droits de l’homme et son modèle démocratique soulèvent encore des questionnements - peut-il tolérer que la guerre s’installe indéfiniment à ses frontières? Comment un pays qui se targue d’être représenté dans les grandes organisations internationales et qui prétend à un mandat de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU peut-il être celui qui sème l’insécurité?
Reste que la diplomatie congolaise est en passe de reprendre ses lettres de noblesse et cela explique certainement la visite à Kinshasa de Louise Mishikiwabo. Mais à Kinshasa, on sait certainement que s’il y a une chose que Kigali redoute c’est l’isolement diplomatique.
Le pays post-génocide s’est construit lourdement sur la communication, avec l’Amérique et la Grande Bretagne, avec Clinton (Monsieur et Madame), avec Blair (Tony)... Dans ce cas, Kigali pourrait vite lâcher les mutineries-rébellions de Ntaganda et de Makenga. La ministre rwandaise s’est engagée à assister le plus possible la partie congolaise dans les efforts de stabilisation de l’Est. «Je pars avec cet engagement de mon pays de soutenir l’effort de la RDC dans la quête de la paix, d’une paix durable entre les communautés de l’Est», explique-t-elle. Mishikiwabo réagissait aux déclarations de son homologue r-dcongolais se réjouissant que la rencontre de Kinshasa a été fructueuse et que les deux parties en sont sorties «mieux informées et déterminées à collaborer pour conjurer le démon de la division». Tshibanda émet le vœu que «prochainement, lorsque nous allons nous retrouver, ce sera pour parler de coopération et de développement et pas de sécurité».
Trop vite? Sans doute. Car c’est déjà la «surprise» à Kinshasa en apprenant les plus récentes nouvelles de Kigali sorties de la bouche du président Kagame lui-même.
Qui témoignent d’un état de colère face au coup de colère - c’est nouveau - des Occidentaux. Prophétisons: l’enjeu pour Kigali est trop important, lui à qui tout à ce jour a réussi, lui qui projette de poser sa candidature comme membre du conseil de sécurité des Nations Unies. Les mutineries-rébellions sont touchées malgré tout. Sauf impossible, elles ne sauraient aller trop loin...

BAPA BANGA

LEGENDE :
La ministre rwandaise des AE Louise Mishikiwabo saluant mardi le Président Kabila au Palais de la Nation à Kinshasa.

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