- sam, 01/12/2012 - 12:06
Partira? Partira pas? La question donnait le tournis aux états-majors politiques et militaires de la région et de ceux qui suivent le dossier. Alors qu’un énième sommet de la CIRGL le week-end dernier à Kampala avait donné 48 heures au M23 pour quitter Goma prise mardi 20 novembre et que le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon sommait le groupe rebelle de «rendre les armes immédiatement» et de quitter le chef-lieu du Nord-Kivu, suivi ou précédé par nombre de dirigeants occidentaux, cet ultimatum n’était pas véritablement suivi d’effet. Mercredi, on appris le départ pour Goma le lendemain des chefs d’état-major des armées de la sous-région chargés de superviser le retrait.
LE SOFT INTERNATIONAL N°1203 DATE JEUDI 29 NOVEMBRE 2012
Le nouveau chef d’état major de l’armée de terre des FARDC, le général Olenga a fait montre d’irritation face aux rodomontades des rebelles menaçant de donner l’assaut pour récupérer la ville.
Le mouvement rebelle paraissait émettre dans plusieurs directions.
Depuis Kampala où il se trouvait, le général Sultani Makenga, chef d’état-major du M23, a annoncé mardi 27 novembre le retrait de ses troupes de Goma sans aucune condition jeudi 29 novembre, citant l’accord de Kampala selon lequel les rebelles doivent se retirer à au moins 20 kms plus au nord, le retrait de ces rebelles n’était loin d’être effectif. Sur Rfi, Jean-Marie Runiga Lugerero, un pasteur Shi du Sud-Kivu, jadis proche du président du RCD Azarias Ruberwa Manya de qui il avait reçu lors du régime 1+4 un poste de PCA dans une entreprise publique à Kinshasa, expliquait mercredi que «l’armée du M23 pourrait se retirer, à condition que Kinshasa cesse de menacer la population de Goma et ses environs. Parce que si les FARDC nous attaquent - comme le général Olenga l’a dit sur votre chaîne - les forces du M23 se réservent le droit de se défendre et de poursuivre l’ennemi, jusqu’à le mettre hors d’état de nuire».
Puis, il posait un chapelet de conditions qui laissait pantois. «Notre retrait de la ville de Goma ne constitue aucun problème. En même temps que nous nous retirons de Goma, il doit y avoir des actes de bonne volonté, avant que les négociations proprement dites ne se fassent.
Premièrement, nous exigeons la levée immédiate et sans conditions de la privation des libertés imposées à Etienne Tshisekedi. Deuxièmement, nous demandons la libération immédiate et sans conditions de tous les prisonniers politiques et d’opinion, comme l’archevêque Kutino, Mokia, et les autres. Nous demandons aussi l’arrestation du général Numbi, dans l’affaire de Floribert Chebeya. Nous demandons aussi qu’une commission d’enquête indépendante sur la tentative d’assassinat du docteur Denis Mukwege puisse être faite. Nous demandons l’enquête indépendante sur le massacre des adeptes de Bundu-dia-Kongo. Et puis, du fait que les élections ne se sont pas bien passées, il faut la dissolution immédiate de la CENI et la poursuite contre les membres de son bureau pour violation de la loi électorale et de la Constitution. Nous demandons aussi la mise sur pied d’une commission d’enquête indépendante pour identifier les acteurs étatiques dans les réseaux de ventes d’armes. Enfin, nous demandons qu’il y ait un cessez-le-feu immédiat, et que le calendrier des négociations entre le M23, l’opposition politique, la diaspora, la société civile et le président Kabila, puisse se faire au plus tôt». Interrogé s’il avait consulté Etienne Tshisekedi, Runiga répond: «On n’a pas besoin de consulter l’UDPS. Nous considérons qu’Etienne Tshisekedi est un citoyen congolais emblématique et sa liberté fait partie de tout ce qu’un Congolais doit demander».
A la question sur la dissolution de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), «est-ce que ça veut dire que vous avez parlé avec plusieurs partis de l’opposition civile», réponse de l’ancien pasteur: «Ça a été toujours la revendication de tout le monde! Vous savez comment les élections de novembre 2011 se sont passées. L’Union européenne, le centre Carter, la Cenco, qui est la Conférence épiscopale du Congo, ont reconnu qu’il y avait eu des fraudes et que les élections étaient truquées». Puis: «Est-ce que vous seriez prêts à quitter Goma, avant que ces huit conditions soient remplies? Le chef militaire du M23, Sultani Makenga, s’engage à retirer vos troupes sans aucune condition demain midi jeudi 29 novembre, comme le stipule l’accord issu du sommet de Kampala. Est-ce que vous confirmez?»
Réponse: «Il n’y a pas de contradiction entre moi et le général Makenga».
Question: «Donc, vous confirmez: d’ici jeudi midi?»
Réponse: «Oui. En même temps que les conditions que j’ai posées sont en train d’être examinées, nous restons respectueux des résolutions qui ont été prises par les sages de la région. D’ailleurs, dans notre conception, les militaires ne doivent pas rester dans la ville. C’est la police qui doit garder la population. Nous ne trouvons aucun problème à se retirer, pourvu que les FARDC en coalition avec les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), ne viennent pas massacrer la population de la ville de Goma, qui nous a accueillis à bras ouverts et avec joie. Alors nous, nous disons: retrait oui, mais la protection de la population doit être assurée». Puis: «J’ai beaucoup de respect envers les chefs d’Etat de la région. Je considère que les sages conseils ne peuvent pas passer en vain. Il n’y a aucun problème».
A l’autre question, «si vous vous retirez de Goma, est-ce que les FARDC pourront y revenir?» Réponse de l’ancien pasteur: «Vous savez que nous avons l’expérience. Nous nous étions retirés à un certain moment, de Rutshuru et de Kiwanja. Quelques jours après, les FARDC sont entrées et ont tué les gens».
Puis: «Autrement dit, si vous vous retirez de la ville de Goma, vous souhaitez que les FARDC n’y reviennent pas?» Réponse: «Parfaitement».
Puis: «Et dans cette hypothèse, qui administrera la ville de Goma?»
Réponse: «Selon la résolution de la CIRGL, elle sera administrée politiquement et administrativement par le M23. Militairement, nos troupes vont se retirer. Il y aura une partie de l’aéroport où il y aura quelques forces de la Monusco, des FARDC et du M23, comme prévu dans la résolution».
Question: «Est-ce que ça veut dire que vous resterez aux alentours de la ville de Goma?»
Réponse: «Ce n’est pas moi qui le dis. C’est la résolution qui dit que nous devons retirer nos troupes à vingt kilomètres de la ville de Goma.
Intervenant mercredi à l’hémicycle du Palais du Peuple, le premier ministre Augustin Matata Ponyon Mapon a lancé un avertissement devant les Députés: le Congo ne saurait «indéfiniment privilégier la voie du dialogue».
En clair, le Congo faible aujourd’hui pourrait vite monter en puissance et renverser la table...
En dépit des déclarations des rebelles, on sait que la pression est réelle sur le M23. La secrétaire d’Etat américain Hillary Clinton a appelé les dirigeants des pays des Grands lacs à «cesser de soutenir la rébellion du M23».
Le M23 a tenté par deux fois au moins de pousser une manifestation de soutien. Mardi, une centaine de militaires et au moins six camions gros porteurs chargés de munitions avaient pris la direction des anciennes positions du M23. Sur l’axe sud-ouest cette fois, en direction de Saké, la route était bien d’avantage chargée de déplacés quittant les camps pour rentrer chez eux que de véhicules militaires.
À Saké même, les hommes du M23 tenaient toujours ce verrou stratégique. Un officier rencontré sur place assure n’avoir reçu aucun ordre de retrait. «C’est normal, ils attendent les hommes qui étaient sur des positions plus lointaines», précise un porte-parole du mouvement rebelle.
LEGENDE :
Les Chefs de l’Etat rwandais Paul Kagame, ougandais Yoweri Museveni et congolais Joseph Kabila Kabange réunis à Kampala le 22 novembre 2012. DRESERVES.