- ven, 21/04/2017 - 01:10
Didier Reynders a eu tort de prendre «partie dans des «pinaillages» à la congolaise et s’est engagé du côté de l’ancien gouverneur du Katanga, ami de longue date des libéraux».
Spécialiste Congo, Colette Breackman, bête noire du régime Mobutu, est une référence des questions de notre pays. Vice-premier ministre MR (libéral) Didier Reynders serait bien inspiré d’écouter une journaliste expérimentée que de s’en remettre à l’Internationale Libérale. Sans être une amie du Régime Kabila, elle vient de signer un article «Retenir son souffle… et sa voix…», conseil au chef de la diplomatie belge trop soucieux de son électorat parmi lequel des «combattants» - des extrémistes congolais. La nomination du PM Bruno Tshibala «ne correspond ni à la lettre ni à l’esprit de l’accord de la Saint-Sylvestre», a commenté Reynders avait commenté. Kinshasa a remis une lettre à l’attaché militaire belge annonçant la suspension de la coopération militaire. «Au lieu de prendre partie dans ces «pinaillages» à la congolaise et de donner l’impression de s’engager du côté de l’ancien gouverneur du Katanga (ami de longue date des libéraux), le ministre Reynders, au nom de la Belgique, n’aurait-il pas été mieux inspiré de garder le cap sur l’essentiel, c’est-à-dire la tâche qui incombe au Premier ministre quel qu’il soit: organiser les élections dans les meilleures conditions et dans les délais convenus, c’est-à-dire d’ici la fin de l’année ou en tout cas le plus rapidement possible (...) Face au feu qui couve, il faut retenir son souffle, rassurer et respecter les acteurs congolais, mettre l’accent sur la marche à suivre au lieu de compter les cailloux du chemin…», écrit-elle.
L’histoire du couple belgo-congolais est particulière à maints égards.
La manière dont ce petit Royaume, créé en 1830 entre la Hollande, l’Allemagne et la France, s’est intéressé à l’Afrique en 1885 apparaît en soi surprenante. Ce pays a été entraîné dans le système colonial, presque à son corps défendant, par son Roi, qui selon les règles de l’époque, lui a quasiment offert l’immense territoire que le souverain croyait posséder en Afrique Centrale.
La colonisation belge elle-même s’est également montrée singulière. La Belgique a géré le Congo selon une doctrine obscurantiste poussée à l’extrême. Alors que la Grande Bretagne et la France, qui détenaient, selon le même système colonial, des territoires géographiquement proches, formaient aux sciences, à la technique et à la gestion ceux que l’on appelait à l’époque «les indigènes», Bruxelles s’imaginant pouvoir rester éternellement en Afrique, s’est évertuée à maintenir les Congolais dans l’ignorance. Cet apartheid touchait tous les aspects de la vie, aussi bien pour ce qui concerne l’habitat que les aspects culturels, sportifs, éducatifs et autres. Les Belges se montreront aussi distraits face à la vague de la décolonisation qui, dès le milieu des années 1950, progressait en Afrique. En effet, jusqu’en 1955, les élites politiques belges prétendaient encore que leur colonie ne saurait suivre les courants historiques qui modifiaient les rapports politiques entre, d’une part, les métropoles et, de l’autre, les colonies.
LE SOUVERAINISME CONGOLAIS.
La précipitation avec laquelle la Belgique a décidé d’accorder l’indépendance au Congo-Belge témoigne une fois de plus du caractère superficiel avec lequel les élites politiques belges analysaient la réalité de leur colonie. Bruxelles a abandonné les treize millions de Congolais de l’époque sans une quelconque préparation adéquate.
Même le jour de la proclamation de l’indépendance du Congo Belge, le 30 juin 1960, la Belgique, à travers le discours de son Roi, montra à nouveau qu’elle ne se donnait aucune peine pour comprendre la psychologie ni du peuple avec lequel il avait vécu, ni celle du moment traversé. Le Roi des Belges, Baudouin 1er, prononça à cette occasion un discours d’une telle maladresse que tout Congolais, digne de ce nom, ne pouvait supporter. Comme l’on pouvait s’y attendre, Patrice-Emery Lumumba y rétorqua par une allocution restée célèbre. A maints égards, cette prise de parole constitue le socle idéologique du souverainisme congolais jusqu’à ce jour.
Pendant de nombreuses années, et notamment sous Mobutu, les rapports entre la Belgique officielle et le pouvoir de la RDC ont évolué en dents de scie. Bruxelles a souvent feint d’ignorer que son poids dans le concert des Nations Européennes doit beaucoup à la qualité de ses relations avec Kinshasa.
Aujourd’hui encore, Bruxelles a l’outrecuidance de vouloir montrer à la face du monde, et notamment de l’Europe, qu’elle demeure le maître de la RDC. Si, à Bruxelles, l’on a oublié le discours de Patrice-Emery Lumumba du 30 juin 1960, à Kinshasa, on en fait au contraire le noyau central de la doctrine de notre souveraineté.
En ce XXIème siècle, presque 60 ans après la proclamation de l’Indépendance, certaines autorités belges, refusant de s’adapter aux réalités d’un monde en mutation, pensent, naïvement, pouvoir encore dicter leur volonté aux dirigeants de Kinshasa. D’aucuns veulent nous apprendre à lire les textes que nous avions rédigés nous-mêmes. Allant plus loin, d’autres s’imaginent que nous pourrions accepter qu’ils s’autorisent à faire le choix de nos dirigeants, fussent-ils ceux de l’opposition.
«Tintin au Congo» appartient au passé, un antécédent qui ne se reproduira plus jamais. Les politiciens belges devraient prêter une oreille attentive aux sages conseils prodigués par leur compatriote, la journaliste du Soir, Collette Braeckman, «spécialiste Congo», qui écrit sur son blog: «Il faut un peu de retenue».
En définitive, le Gouvernement belge doit savoir qu’il appartient au Président de la République Démocratique du Congo, pays souverain, de désigner son Premier Ministre.
Je reprendrais sans hésiter le tweet publié lundi 18 avril 2017, par l’ancien Ministre André Flahaut, «en tant qu’homme politique, j’ai toujours plaidé pour un partenariat intelligent entre l’Afrique et l’Union Européenne et ce, sur le long terme».
Ainsi, le couple belgo-congolais né au hasard des circonstances historiques, devrait se fonder sur d’autres règles de fonctionnement conformes aux valeurs actuelles basées sur l’égalité et le respect mutuel.
KAJEPA MOLOBI.