- mar, 11/03/2014 - 00:16
C’est une affaire d’opposants jadis piliers du régime, tués ou agressés dans leur exil à l’étranger, qui empoisonne l’image du régime dans les chancelleries occidentales alors que Kigali s’apprête à commémorer, comme chaque année avec faste avril, le mois de la mémoire, qui vit 800.000 Tutsis et Hutus modérés, être massacrés dans un génocide immonde anti-Tutsi.
Ce génocide est à la base, dans l’ex-Zaïre, de la chute du régime Mobutu le 17 mai 1997. Depuis, les relations entre le Rwanda et son puissant voisin à l’Ouest n’ont jamais été au beau fixe. Malgré les rencontres entre les deux pays au plus haut niveau, les Congolais n’ont pas oublié moult occupations du Kivu et de rébellions pro-rwandaises à n’en point compter. Signe: l’explosion de joie observée récemment dans les Kivu après une rumeur sur la disparition du dirigeant rwandais...
Et qui voilà? La Tanzanie, pays-parrain. C’est d’ici que sont partis tous les changements récents en Afrique Orientale et, notamment, ceux de l’Ouganda avec leur prolongation rwandaise. La Tanzanie, puissance militaire sous-régionale qui longe de part en part la frontière orientale d’un Rwanda enclavé. Alors que le président Jakaya Mrisho Kikwete venait de faire part l’hypothèse d’une sortie de crise dans les grands lacs en invitant chacun des pays (Congo, Ouganda, Rwanda) à envisager un dialogue avec ses opposants exilés, il eut droit à des menaces publiques venant du Chef de l’Etat lui-même, promettant qu’il l’attendrait à un coin de rue pour lui asséner le coup de grâce. Résultat: une riposte côté Dar es-Salaam à la mesure de «l’imposture» et une crise qui ne paraît pas avoir produit tous ses effets.
FERMETURE D’AMBASSADES?
Et voilà à son tour la puissance régionale sud-africaine dont les relations diplomatiques se dégradent sérieusement jour après jour et, depuis le 7 mars quand Kigali a décidé d’expulser six diplomates sud-africains qu’il accuse d’espionnage.
Un diplomate a expliqué qu’il s’agissait d’une réponse du berger à la bergère, Pretoria ayant précédemment annoncé l’expulsion de trois diplomates rwandais. «On a donné à l’ambassadeur (sud-africain) du Rwanda et à une partie de son équipe soixante-douze heures pour quitter le pays», a-t-il indiqué.
Les relations Kigali et Pretoria se sont fortement refroidies depuis que des opposants rwandais réfugiés en Afrique du Sud ont été visés par des attaques, dont les commanditaires n’ont pas été identifiés. Mardi, des hommes armés avaient attaqué la maison d’un ancien chef d’état-major rwandais, Faustin Kayumba Nyamwasa. Cet opposant avait déjà été visé par une double tentative d’assassinat par balle à Johannesburg en 2010.
L’ancien chef du renseignement rwandais, le colonel Patrick Karegeya, un autre opposant lui aussi réfugié en Afrique du Sud, avait été retrouvé étranglé le 1er janvier 2014 dans une chambre dans le plus luxueux hôtel Michael Angelo de Johannesburg. Les circonstances exactes de sa mort n’ont pas été élucidées et ses agresseurs n’ont pas été retrouvés. Si Kigali a démenti toute implication dans l’affaire, le président Kagame s’est publiquement réjoui de la disparition de l’opposant alors que l’opposition rwandaise l’accuse d’avoir commandité ce meurtre.
La presse sud-africaine laisse entrevoir les suites de cette nouvelle crise. Pretoria pourrait prendre des mesures encore plus sévères dans les jours qui viennent. Selon une «source diplomatique haut placée», citée par le journal Sunday Times dimanche 9 mars, l’Afrique du Sud semble prête à ordonner la fermeture pure et simple de l’ambassade du Rwanda à Pretoria. Les deux pays pourraient d’ailleurs rappeler rapidement leurs ambassadeurs respectifs.
«AGENTS SECRETS RWANDAIS».
La même source affirme que les trois diplomates expulsés jeudi seraient en réalité «des agents secrets rwandais» soupçonnés d’avoir organisé des attaques contre les dissidents rwandais en exil. L’un d’eux serait «le coordinateur de la série d’attaque visant les Rwandais en exil», selon la presse sud-africaine.
La nouvelle tentative d’assassinat visant le général Kayumba aurait provoqué la colère du président Jacob Zuma lui-même. Selon les informations de l’hebdomadaire City Press, le président était «furieux» en apprenant cette attaque, dirigée non seulement contre un réfugié politique mais aussi «contre une propriété de l’Etat et un officier de police sud-africain». La maison dans laquelle réside le général Kayumba appartient en effet à l’Etat sud-africain. «Un policier chargé de la protection de la maison a été maîtrisé, son pistolet volé» par les assaillants, selon le journal Sunday Independent.
L’hebdomadaire livre même l’identité de deux des diplomates rwandais expulsés jeudi: selon un membre de la communauté rwandaise en exil, il s’agirait de Didier Rutembesa et Claude Nikobisanzwe. La même source anonyme explique que les deux hommes menaçaient régulièrement les membres de la communauté en exil pour obtenir des informations.
Quant au diplomate burundais également expulsé cette semaine, il semble qu’il «collaborait» activement avec les agents rwandais. Une source diplomatique citée par l’hebdomadaire soutient même que si le Burundi n’a pas répliqué c’est que les preuves étaient «solides» contre cet homme. Le Sunday Independent affirme enfin que Jacob Zuma devrait s’entretenir bientôt au téléphone avec Paul Kagame pour discuter de cette affaire.
ALUNGA MBUWA.